VINGTIÈME DEGRÉ

De la timidité puérile.


Miniature du 14e siècle

monastère Stavronikita

12 e degrès

1. Ceux qui, dans les monastères ou dans les communautés, s'appliquent à acquérir la perfection, ne sont pas ordinairement fort exposés à cette crainte; mais pour vous qui avez embrassé la vie érémitique et qui demeurez dans le fond des déserts, vous devez combattre cette passion de toutes vos forces et ne vous en laisser jamais dominer, car c'est la fille de la vaine gloire et de l'infidélité.
2. La timidité est une passion puérile qui est assez souvent le partage de la vieillesse ou d'une âme esclave de la vanité. C'est un manquement de foi et de confiance en Dieu; elle est produite en nous par des malheurs que nous croyons prévoir comme nous devant surprendre inopinément.
3. Cette crainte consiste donc dans la prévoyance de quelques dangers imaginaires; c'est une affliction pénible d'un coeur troublé et agité par l'idée d'accidents incertains. En un mot disons que cette appréhension est l'absence de toute confiance.
4. Aussi voyons-nous qu'une âme orgueilleuse et qui compte trop sur ses propres forces, craint et tremble à la vue même de son ombre.
5. Des pénitents qui, dans un temps, ont sincèrement pleuré leurs fautes, mais qui, dans un autre temps, par des motifs d'orgueil et d'impénitence, ont cessé de pleurer leurs iniquités, sont tout-à-fait exempts de crainte dans certaines occasions, alors que, dans d'autres circonstances, ils sont si frappés et si épouvantés, qu'ils tombent dans un égarement et une aliénation d'esprit extraordinaires. La raison de ces vicissitudes étonnantes, c'est que le Seigneur, souverainement saint et juste, abandonne à eux-mêmes ces misérables et ces superbes, afin que leur propre malheur nous rende sages et nous engage à renoncer à tout sentiment d'orgueil.
6. Si tous les esclaves de l'amour-propre sont sous le joug de la timidité, tous ceux qui sont exempts de la timidité, ne sont pas pour cela des personnes douces et humbles de coeur. En effet les voleurs et les violateurs des tombeaux, lesquels assurément ne sont pas des gens dévoués à la douceur ni à l'humilité, sont bien éloignés d'être timides.
7. Est-il pour vous des lieux qui vous inspirent de la frayeur? N'hésitez pas de choisir le milieu de la nuit pour les aller visiter; car si vous cédez le moins du monde aux objets qui vous donnent des sentiments de crainte d'une manière aussi vaine que ridicule, cette crainte se fortifiera dans vous, et cette passion, vous la garderez toute votre vie. Si donc vous mettez en pratique la résolution que je vous suggère, armez-vous courageusement de la prière, et dans ces lieux effrayants tendez avec confiance vers le ciel vos mains suppliantes, invoquez le doux nom de Jésus avec une foi vive et ardente, et vous mettrez vos ennemis en pièces. Voilà les armes les plus puissantes que vous puissiez trouver et sur la terre et dans les cieux, pour faire la guerre à la timidité. Avez-vous eu le bonheur de guérir votre âme de cette maladie, et de remporter une heureuse victoire sur vous-même ? Ne manquez pas, par d'humbles cantiques de louanges, d'en témoigner toute votre reconnaissance à celui qui par sa grâce vous a fait vaincre et triompher. Cette conduite attirera sur vous de nouvelles faveurs, et vous méritera une protection constante.
8. Comme un instant ne suffit pas pour contenter et rassasier l'estomac, de même ce ne sera pas tout d'un coup que vous vous délivrerez de tout sentiment de peur et de crainte. Aussi nous observerons que plus nous avançons dans la carrière de la pénitence, plus la timidité nous abandonne et nous quitte, et que plus nous devenons impénitents, plus elle augmente en nous et nous tourmente.
9. «Mes cheveux, dit Éliphaz, se sont dressés sur ma tête, et mes membres ont frissonné d'horreur.» (Job 4,15), en voyant les ruses du démon. Or tantôt c'est le corps, tantôt c'est l'âme, qui donne ces sentiments de frayeur, et quelquefois tous les deux en semble y contribuent. Lorsque c'est le corps seul qui éprouve ces sentiments, nous pouvons croire que nous touchons à une guérison certaine, et nous reconnaîtrons que nous sommes enfin délivrés de cette funeste passion.
10. Ni la solitude des lieux et les ténèbres de la nuit ne fournissent d'armes à nos ennemis mais la stérilité de l'âme. D'autre part, Dieu en dispose parfois ainsi pour nous instruire
11. Le serviteur de Dieu, ne craint que Dieu seul; mais celui qui n'a jamais eu la crainte du Seigneur, a peur de lui-même et de son ombre.
12. Le corps frissonne et tremble à la présence d'un esprit; mais ceux qui vivent dans la pratique de l'humilité, sont inondés de joie et d'allégresse à la présence d'un ange. C'est pourquoi, lorsque par ce sentiment intérieur de joie, nous sentons la présence des anges, recourons aussitôt à la prière; car, nous sommes autorisés à penser et à croire que ces esprits célestes qui nous sont envoyés pour prendre soin de nous, sont venus unir leurs prières aux nôtres.

Celui qui a vaincu la poltronnerie, il est évident qu'il a consacré sa vie et son âme à Dieu.

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