REVUE DE LA JEUNESSE CHRÉTIENNE

VIENS SEIGNEUR JÉSUS (AP 22,20)

NUMÉRO 1

MARS 1998
SOMMAIRE

PRÉSENTATION

EN FACE DE GOLIATH

SUR LA PRIERE

TÉMOIGNAGE

L'ÉCRITURE SAINTE

LA PASSION DE SAINT BAISAR ET DE SA MERE

DIEU APPARAIT DANS LA SIMPLICITÉ

Aurais-tu peur, en te donnant de te perdre ?

Tu te perds, au contraire, en refusant de te donner.

vénérable Augustin
PRÉSENTATION

Voici le premier numéro de notre revue "MARAN ATHA" sur le site "Jeunesse chrétienne" qui vient juste de voir le jour. D'un bébé qui vient de naître, on demande juste qu'il crie car c'est le bon signe qu'il vit. Ne demandez donc pas plus à ce premier numéro. Dieu seul sait ce qu'il en adviendra par la suite. Je ferai de mon mieux en comptant beaucoup sur la collaboration de ceux qui sont concernés. D'ici au second bulletin, j'espère que les réactions ne manqueront pas et que j'aurai plein d'autres articles à publier. Je n'attends pas que tout ce que j'écris et écrirai soit avalé tel quel. Je n'ai pas l'Esprit saint en exclusivité et je ne suis pas non plus infaillible. Des critiques donc, dans un esprit évangélique, me permettront de rectifier, d'approfondir et, le cas échéant, de m'excuser. De l'humilité, on n'a jamais assez.

Mon but est d'aider les jeunes chrétiens, à travers cette revue et du site en général, sur leur cheminement spirituel. J'éviterai de polémiquer et de me mêler de la croyance respective de chacun. C'est déjà un assez triste spectacle pour vous de voir les divisions et les divergences entre les confessions chrétiennes, pour lesquelles vous ne portez pas la responsabilité mais hélas les conséquences, un peu comme les enfants dans un couple séparé.

Personnellement, j'appartiens à l'Église orthodoxe en tant que prêtre-moine (hiéromoine) ce qui ne m'empêche nullement d'aider les autres sur le chemin de leur vie. Évidemment, il ne faut pas me demander plus ou autre chose que je ne sais donner. C'est en me forçant que j'entreprends cette tâche qui est pour moi nouvelle. Étant d'origine allemande, je n'ai jamais appris le français à l'école. En plus, j'ai vécu 25 ans comme ermite ce qui ne veut nullement dire que je n'étais pas en communion avec les autres, mais cela se passait autrement, à un autre niveau. Après avoir appris à me taire, il me faut maintenant apprendre à m'exprimer. On n'a jamais fini dans cette vie mais heureusement que la vie finisse un jour, car avec l'âge...

Comme titre pour cette revue, j'ai choisi "MARAN ATHA". Ce n'est ni par snobisme ni par goût d'exotisme mais tout simplement à cause du contenu de ces paroles qui veulent dire "Seigneur, viens". Qu'est-ce qu'il y a de plus urgent, de plus important que ce désir dans le monde d'aujourd'hui ? Et si les jeunes chrétiens ne sont pas animés de cette espérance qui le sera ? Maran atha se trouve par deux fois dans l'Écriture : une fois chez l'apôtre Paul (I Cor 16,22) et une autre fois dans l'Apocalypse (22,20).

Afin de lancer sans tarder ce numéro, j'ai repris en partie des articles publiés antérieurement dans le bulletin "Orthodoxie". Pour le numéro suivant j'aurai plus de loisir et surtout je verrai plus clair.

Pour le moment, j'ignore presque complètement les jeunes sur "Racines chrétiennes" et il faudra donc en faire le recensement par la suite. J'ai confiance pourtant que petit à petit les choses se mettront en place.

L'icône sur la page d'accueil représente la Vierge "La protectrice" qui est fêtée dans l'Église orthodoxe le premier octobre. Que ce soit elle qui protège notre site et, à travers le site, vous tous !

Il ne me reste qu'à mettre sur orbite cette publication et on verra si elle atteindra les cieux.

Dans l'attente de faire la connaissance de vous tous et de voir pleuvoir vos réactions, je reste dans l'amour du Christ,

hm. Cassien

Si tu m'en crois, voici ce que tu feras : tu cesseras toute polémique, mais tu enseigneras le vrai de telle façon que tes enseignements soient irréfutables.

Denys l'Aréopagite

EN FACE DE GOLIATH

Ceux qui, dans leur jeunesse, ont appris le catéchisme à l'école se rappellent, certes, l'histoire de David et de Goliath, comment le jeune David tua avec sa fronde le géant Goliath, mettant sa confiance en son Dieu et non dans l'épée, la lance et le javelot.

C'est bien pour nous donner un exemple que l'Histoire sacrée nous a conservé cette épisode. Pourquoi ce qui est arrivé à David ne peut arriver à nous aussi ? Le Dieu de David est notre Dieu aussi et Il sait nous secourir dans notre lutte contre le diable, le monde et la chair.

Goliath et les Philistins sont une image du monde actuel lequel nous devons affronter sans cesse. N'ayons ni peur ni honte devant les moqueries que nous subissons pour le Nom du Christ. Que les faibles moyens dont nous disposons ne nous fassent pas douter non plus, car c'est dans notre faiblesse que la Force de Dieu se manifeste, comme dit L'Apôtre. Si nous ne luttons pas pour le Christ et son Église, qui le fera ? Ce ne sont pas nos moyens - faibles du point de vue humain - qui doivent nous retenir, et encore moins l'apparente force du monde. Notre foi en Dieu est plus forte que le monde et cette foi saura lutter avec nos faibles moyens tel David avec sa fronde. Si le monde a bien plus de moyens que nous, il n'a pas notre force. Toute sa force n'est qu'apparence. Ce qui compte n'est pas la force et les moyens mais le contenu. Que valent les moyens les plus modernes et sophistiqués de communication si on n'a rien de sensé à dire ? Mieux vaut s'exprimer simplement et sans ambages, et c'est la vérité qui donnera le prix.

En même temps, il ne faut pas rester inactif, car si le monde progresse, c'est premièrement à cause de nous les chrétiens qui ne faisons pas notre devoir et qui désertons le monde.

Quand je dis monde, c'est un terme collectif qui veut dire plusieurs choses à la fois. Dans la Bible, ce mot "monde" apparaît plus souvent. "Vous êtes dans le monde mais vous n'êtes pas de ce monde." "Si le monde vous hait." "Il en sera de même à la fin du monde." "Et le monde ne L'a point connu." "l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir."

Le monde c'est tout ce qui est athée, opposé à Dieu et, dans une moindre mesure même, les croyances teintées d'humanisme, de rationalisme et tant d'autres -ismes (tous des produits humains) qui ignorent la Transcendance de Dieu, le mystère de la croix, la vie mystique de l'Église.

hm. Cassien

Tu te sens à l'étroit. Tu rêves d'évasion. Mais prends garde aux mirages. Pour t'évader, ne cours pas, ne te fuis pas; creuse plutôt cette place étroite qui t'est donnée; tu y trouveras Dieu et tout. Dieu ne flotte pas sur ton horizon, Il dort dans ton épaisseur. La vanité court, l'amour creuse. Si tu fuis hors de toi-même, ta prison courra avec toi; si tu l'enfonces en toi-même, elle s'évasera en paradis.

Homo Viator
SUR LA PRIERE

Un ami m'a demandé d'écrire et de publier un livre sur la prière. Pour écrire un livre sur ce sujet, je ne me sens pas prêt, mais j'essaie d'écrire au moins quelques lignes qui par la suite peuvent être reprises et développées.

Par où commencer et avec quoi finir ? Le sujet, que constitue la prière, est tellement vaste et inépuisable. Et surtout, il n'y a rien de plus important dans la vie d'un chrétien. Car au fond, en son essence, la prière n'est rien d'autre que notre communion avec Dieu, ce qui est en même temps le but de notre vie. Cette union avec Dieu peut être plus ou moins forte selon l'intensité de notre foi et de notre niveau spirituel. Cette union, communion, tension - ce qui revient au même - doit être vivante sinon ce serait comme un couple qui ne s'aime plus, on ne pourrait tout au plus parler d'une cohabitation. Si donc notre prière n'est que façade, alors nous ressemblons à ce couple et notre vie chrétienne n'est qu'apparence. Une vie chrétienne sans prière est comme un couple sans amour.

La prière est la vie de Dieu en nous et c'est l'Esprit saint qui prie en nous par des gémissements ineffables, comme dit l'Apôtre.

La prière est comme une flamme. Elle bouge, éclaire, réchauffe mais a besoin d'une matière pour brûler faute de quoi elle s'éteint. La prière ne peut pas non plus exister en elle même sans matière, et cette matière, ce sont les exercices de la prière sous toutes ses formes. Celui qui s'imagine que la prière en esprit lui suffit, tout en étant encore un débutant dans la vie spirituelle, s'égare et se trompe et sa prière finira par s'éteindre faute de «combustible».

Il y a la prière en communauté, liturgique et la prière personnelle et ces deux manières de prier se subdivisent en une multitude d'autres. La prière liturgique s'étale sur toute notre vie depuis la naissance jusqu'au tombeau, et bien avant et bien après même, car l'Église prie pour les défunts et également pour le couple qui se marie en vue de fonder une famille. Elle commence avant le lever du jour et s'achève au moment de se coucher. Aucune activité de notre vie n'est laissée de côté. Il y a des prières pour le voyage, pour l'insomnie, la guerre, l'école etc. Rien dans la nature, aucun objet n'est oublié.

La prière privée peut être spontanée, dite avec des mots qui viennent du coeur. Elle peut peut-être même se passer de paroles et s'accomplir uniquement en esprit, mais cela est plutôt réservé à ceux qui sont avancés. Comme support, elle peut se servir d'une formule toute prête comme le Notre Père ou la prière du coeur qui consiste à répéter inlassablement une prière jaculatoire, le plus souvent : «Seigneur Jésus Christ , Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur.» La lecture spirituelle est considérée pareillement comme une prière.

La prière liturgique comme la prière personnelle peut être une supplication, une confession, une louange, une action de grâces et tout à la fois.

L'exercice de la prière s'apprend, a besoin d'un guide, de repaires et doit se faire dans tout un contexte. Tout notre être doit y participer. Une prière uniquement cérébrale est froide et abstraite. Il faut que le corps y participe avec toutes ses facultés et l'encens, les icônes, les chants, l'habillement ,etc. ont donc leur rôle à jouer.

hm. Cassien

Abba (père) Lot alla trouver abba Joseph et lui dit : «Père, selon que je peux, je récite un court office, je jeûne un peu, je prie, je médite, je vis dans le recueillement et, autant que je peux, je me purifie de mes pensées. Que dois-je faire de plus ?» Alors le vieillard se leva et étendit ses mains vers le ciel. Ses doigts devinrent comme dix lampes de feu et il lui dit : «Si tu veux, deviens tout entier comme du feu.»

TÉMOIGNAGE

 

L'ultime message de Ted Bundy avant de mourir : «La pornographie est une pente fatale.»

Avant son exécution en Floride, USA, Bundy a dit que la pornographie avait nourri sa folie sexuelle.

Au moins 28 femmes à travers les États-Unis ont été sexuellement agressées et brutalement assassinées. Aussi la nation a-t-elle manifesté un grand intérêt quand l'homme suspecté de ces meurtres, Théodore Bundy, est mort sur la chaise électrique à la prison de l'État de Floride à Starke, le 24 janvier 1989.

Dix-sept heures avant son exécution, Bundy a accepté de répondre, dans une interview exclusive, aux questions du Dr James Dobson, président de «Focus on the Family». Le compte-rendu de cette interview a circulé durant la nuit de l'exécution de Bundy et pendant les jours qui ont suivi. Cependant, les médias nationaux ou ont ignoré, ou ont essayé de discréditer un élément clef de l'interview : l'aveu de Bundy d'après lequel la pornographie a nourri sa folie sexuelle meurtrière. Le texte qui suit est une copie qui a été éditée de l'interview qui a duré une heure. Les mots de Bundy constituent par eux-mêmes une confirmation de ce que le Dr Dobson et d'autres avaient dit sur la nature accrochante, progressive et destructrice de la pornographie dure (hard).

Question : Pour résumer, vous êtes accusé d'avoir tué de nombreuses femmes et jeunes filles.

Réponse : Oui, oui.

Question : Ted, comment cela est-il arrivé ? Vous avez été élevé dans ce que vous considérez avoir été un foyer sain. Vous n'avez pas été maltraité physiquement, ni sexuellement, ni psychologiquement. Quels ont été les éléments de votre comportement qui ont entraîné tant de chagrin pour tant de personnes ?

Réponse : J'ai grandi dans un foyer merveilleux avec deux parents chrétiens attentionnés et aimants. Nous allions régulièrement à l'église et il n'y avait à la maison ni jeu, ni tabac, ni alcool, ni bagarres. Mais, à l'âge de 12 ou 13 ans, j'ai rencontré la pornographie douce hors de la maison, dans les rayons d'une épicerie locale et d'un drugstore. De temps à autre, je touchais, au moyen d'un livre pornographique trouvé dans quelque poubelle, à ce qui était plus dur, plus descriptif, plus explicité. La plus pernicieuse sorte de pornographie implique la violence sexuelle. Le mariage de ces deux forces, tel que je ne le connais que trop bien, amène à une conduite qui est vraiment trop horrible à décrire.

Question : Maintenant, parlez-moi de ce processus. Qu'est-ce qui s'est passé dans votre esprit à cette époque ?

Réponse : Cela est arrivé par étapes, graduellement. D'abord je suis devenu un fervent de la pornographie et je l'ai considérée comme une sorte de pente, je voulais voir des sortes de matériels toujours plus violents, plus explicites, plus descriptifs. Comme une drogue, vous conservez une excitation insatiable jusqu'à ce que vous atteigniez le point où la pornographie ne peut aller plus loin. Vous atteignez ce point où l'on saute le pas quand vous vous demandez si le fait de passer à l'acte à ce moment-là vous apportera plus que seulement de le lire et de le regarder.

Question : Combien de temps êtes-vous resté à ce stade ?

Réponse : Je peux dire deux ans environ. Je luttais contre un comportement criminel et violent grâce à de fortes inhibitions auxquelles j'avais été conditionné dans mon entourage, dans ma paroisse, dans mon école. Les barrières étaient constamment mises à l'épreuve et assaillies par une fantasmatique qui était grandement nourrie par la pornographie.

Question : Vous rappelez-vous ce qui vous a poussé à franchir ces barrières ? Vous souvenez-vous de votre décision de le faire ?

Réponse : Je ne peux pas prétendre que je suis une victime sans défense. Nous sommes en train de parler d'un maillon indispensable dans l'enchaînement d'une conduite qui a conduit aux meurtres. C'est comme si quelque chose s'était cassé net, que je savais ne plus pouvoir le contrôler plus longtemps, que ces barrières que j'avais apprises, étant enfant, ne suffisaient plus pour me retenir.

Question : Ted, après avoir commis votre premier meurtre, quel a été son effet émotionnel sur vous ?

Réponse : J'étais comme sortant d'une sorte de transe horrible, ou de rêve. Je ne voulais pas trop le dramatiser, mais je me réveillais le matin, et, avec un esprit clair et tout mon fond moral et ma sensibilité éthique intacts à ce moment-là, j'étais horrifié d'avoir été capable d'une telle chose.

Question : Vous n'aviez vraiment pas connu cela avant ?

Réponse : Au fond, j'étais une personne normale. J'avais de bons amis, je vivais une vie normale, sauf pour cette seule part, petite, mais très puissante, très destructrice, que je gardais très, très secrète. Il faut que les gens réalisent que je n'étais pas une brute, je n'étais pas un pilier de bars. Les personnes comme moi ne sont pas des sortes de monstres nés. Nous sommes vos fils, et nous sommes vos maris, et nous avons grandi dans des familles régulières.

La pornographie peut atteindre et saisir brusquement un gosse de n'importe quelle famille aujourd'hui. Aussi attentifs que mes parents eussent été, elle m'a arraché à ma famille il y a trente ans.

Question : Vous croyez vraiment que la pornographie dure, et le chemin qui y mène, la pornographie douce, cause des ravages dont on ne parle pas à d'autres personnes et entraîne le viol et le meurtre d'autres femmes par le processus que vous avez décrit ?

Réponse : Je ne suis pas un expert en sciences sociales et je n'ai pas fait d'études, mais j'ai vécu dans une prison maintenant depuis longtemps et j'ai rencontré un bon nombre d'hommes qui étaient poussés à commettre des violences exactement comme moi. Et, sauf exception, chacun d'eux avait été profondément influencé et conditionné par une accoutumance à la pornographie. Il n'y a pas de doute sur ce point. La propre étude du FBI sur les homicides en série montre que le trait commun de ces meurtriers en série est la pornographie.

Question : Méritez-vous la punition que l'État va vous infliger ?

Réponse : Je ne tiens pas à bluffer avec vous. Je ne veux pas mourir. Mais je mérite certainement la plus grande punition dont la société dispose, et la société mérite d'être protégée de moi et des autres qui sont comme moi.

D'un autre côté, des gens aux bonnes manières, très convenables, ont condamné la conduite d'un Ted Bundy, cependant ils se promènent devant des rayons de magasins pleines de ces choses mêmes qui envoient de jeunes gosses sur la pente qui est celle de Ted Bundy. Ce qui me fait peur et même m'épouvante, docteur Dobson, c'est ce que je vois à la télévision. Les saletés qui entrent dans les foyers aujourd'hui n'auraient pas été montrées dans les spectacles pour adultes sous la mention X il y a vingt ans.

Question : Ted, vous savez qu'il existe un cynisme terrible à votre sujet, et pour une bonne raison. Je ne suis pas sûr qu'il y ait quelque chose que vous puissiez dire que les gens veuillent croire. Et cependant, vous m'avez dit que vous avez accepté le pardon de Jésus Christ.

Réponse : Oui, mais je ne peux pas dire que rien ne me tourmente. Écoutez, ce n'est pas drôle. Cela rend seul et cependant je me souviens moi-même que chacun de nous devra y passer un jour d'une manière ou d'une autre.

 

Publié dans le livre de F-M. Algoud : Histoire de la volonté de perversion de l'intelligence et des moeurs (dans : Focus on the Family Citizen, mars 1989)


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La plupart des hommes vivent malheureusement par les autres et pour eux-mêmes : la définition de l'égoïsme. Il serait préférable de vivre par soi-même et pour les autres.

Gustave Thibon
L'ÉCRITURE SAINTE

L'Écriture sainte, ou la Bible, fait partie de la Tradition. Elle n'est pas à part, ni au-dessus et encore moins, elle ne la remplace. Elle y figure à une place privilégiée et importante. Mais avant que le contenu de l'Écriture ne fût mis par écrit, il fut transmis oralement, et ce n'est que circonstanciellement que les écrivains sacrés le mirent par écrit. Pendant des siècles, les écrits ont circulé indépendamment les uns des autres et mélangés avec d'autres écrits. Ce n'est qu'au quatrième siècle que l'Église a fait un choix et a rassemblé dans un seul livre ce que nous appelons la Bible. Les autres écrits furent mis à part et considérés comme non canoniques - apocryphes.

L'Ancien Testament fut écrit originalement en hébreu. Au IIIe siècle avant notre ère, à Alexandrie, la Bible hébraïque fut traduite en grec : plus exactement, les cinq livres qui forment le Pentateuque (les livres de Moïse), la Torah. Cet événement tout à fait extraordinaire fut suivi, au cours des générations ultérieures, de la traduction des autres livres du judaïsme - psaumes, livres des prophètes, livres historiques et poétiques - jusqu'à former, aux alentours de l'ère chrétienne, l'ensemble des livres grecs, appelé la Bible des Septante, ou plus simplement la Septante.

Le Nouveau Testament fut écrit directement en grec, exception faite de l'évangile de Matthieu, écrit en hébreux, mais qui fut déjà traduit en grec au temps apostolique. Le nom de la Septante vient de ses traducteurs. Soixante-dix c'est-à-dire septante Juifs ont traduit, sur l'ordre des rois Ptolémées, les textes hébreux. La Septante est la version qui s'imposa dès l'origine du christianisme. Elle est restée la version normative en Orient, celle avec laquelle nos pères se sont nourris à travers les siècles, et sur laquelle les textes liturgiques sont fondés. C'est sur elle aussi que les autres traductions orthodoxes sont faites. Par contre, les traductions hétérodoxes, faites sur l'hébreu, le sont généralement sur le texte massorétique élaboré bien après le Christ, qui n'est pas transmis par l'Église, mais par la Synagogue.

«Toute Écriture est inspirée de Dieu » (2 Tim 3,16), dit l'apôtre Paul à Timothée. C'est donc Dieu qui a parlé par les patriarches, les prophètes et les apôtres. Il s'en est servi, non comme d' instruments morts, mais comme de personnes vivantes avec leurs qualités, leurs limites et tenant compte de l'époque et du contexte dans lesquels ils vivaient. L'écrivain sacré n'est jamais un médium, il met toutes ses facultés humaines au service de l'Esprit qui les enrichit. L'inspiration se limite au contenu de la foi et n'inclut pas ce qui est purement humain : la langue, les formes grammaticales, les données scientifiques de l'époque etcÉ

L'Église qui est «la colonne et le fondement de la vérité», (1 Tim 3,15) est aussi la gardienne de l'Écriture. Elle y met le sceau d'authenticité. L'Écriture est écrite par et pour elle et c'est elle aussi qui la transmet fidèlement, d'une manière vivante et non comme une pièce de musée. Elle a également la clé de l'Écriture et c'est dans l'Église que l'Écriture trouve sa juste interprétation.

La Bible est une des multiples manifestations du Christ, au même titre que les sacrements, les chants liturgiques. L'Écriture sainte, la Parole de Dieu, n'est rien d'autre que le Verbe de Dieu qui Se manifeste à travers la matière - la parole écrite. «Lui que je cherche dans tes livres», dit saint Augustin (Conf. 2,2). La Bible est l'icône verbale du Christ.

La sainte Écriture contient l'histoire sacrée du monde, depuis la création de l'univers actuel, jusqu'à l'avènement d'une nouvelle terre et d'un ciel nouveau. Dès la Genèse jusqu'aux Actes des apôtres, tout le passé est relaté. Dans l'Apocalypse et les écrits prophétiques, - qui se trouvent éparpillés à travers toute l'Écriture, (soit des écrits entiers, soit des passages) -, le futur est annoncé. Toute l'économie de Dieu envers la création est contenue dans la Bible, de même ce que nous appelons proprement la théologie - l'enseignement sur le Dieu trinitaire. C'est l'histoire du peuple élu, de l'Église, qui n'est rien de moins que Dieu avec les hommes.

hm. Cassien

Seul le surnaturel a une vue saine de la nature.

G.K.Chesterton

LA PASSION DE SAINT BAISAR

ET DE SA MERE

 

Un écrivain anonyme nous a conservé un épisode d'une grâce exquise :

On conduisait mourir une jeune femme, et pendant la route elle donnait la main à son petit garçon, âgé de quatre ou cinq ans, qui trottinait comme il pouvait. Quand on fut arrivé et tandis qu'on garrottait sa mère, l'enfant vit Dhou-Nowas, le juif, assis sur son trône en vêtement de cérémonie; il courut à lui et lui embrassa les genoux. Le roi l'éleva jusqu'à lui et l'embrassa : « Dis-moi, petit, veux-tu aller avec ta mère ou rester avec moi ? »

- « Je vais avec maman, elle m'a dit : " Viens, nous serons martyrs ". J'ai dit : " Maman, qu'est-ce que c'est, martyr ? " Elle m'a dit : " C'est mourir et puis c'est vivre ". Laisse-moi aller avec maman, je vois les hommes qui partent avec elle; et il cria : Maman, maman ! »

- « Connais-tu le Christ ? » dit le roi.

- « Je crois bien. »

- « Comment le connais-tu ? »

- « Je Le voyais tous les jours à l'église quand j'allais avec maman; veux-tu venir ? Je te Le montrerai. »

- « Qui aimes-tu mieux, le Christ ou moi ? »

- « Le Christ, puisque je L'adore. »

- « Et qui aimes-tu mieux, ta mère ou moi ? »

- « C'est maman; mais laisse-moi retourner avec elle. »

- « Pourquoi l'as-tu laissée et m'as-tu embrassé les genoux ? Tu ne sais donc pas que je suis juif ? »

- « Je croyais que tu étais chrétien, et je suis venu te demander de laisser maman tranquille. »

- « Et bien, je suis juif; mais si tu veux demeurer avec moi, je te donnerai des noix, des amandes et des figues. »

- « Laisse-moi aller avec maman, je ne veux pas de tes cadeaux, juif. »

- « Reste ici, tu seras mon enfant à moi. »

- « Non, tu sens mauvais, et maman sent bon.»

- « Voyez, dit le roi à son entourage, oh ! la mauvaise racine ! »

Un des assistants dit à l'enfant : « Veux-tu que je te conduise chez la reine ? »

- « Non. »

Et comme il vit qu'on emmenait sa mère et qu'on la brûlait, il cria : « Je veux maman ». Mais on le retint de force, alors le petit se jeta sur le roi et le mordit à la cuisse; mais on le remit à un courtisan : « Emmène-le, dit le Roi, élève-le et fais-en un juif. » Comme on passait près du bûcher de sa mère, il s'échappa et courut se jeter dedans, il y fut consumé.

 

L'Église fait mémoire du saint enfant et de sa mère le 24 du mois d'octobre.

Je connais un sculpteur qui aime les visages. Il y en a des centaines dans son atelier. Mais aucun n'est d'une perfection lisse. Nul qui ne soit sans blessure. Car, dit-il, ce qui donne de la beauté à un visage, c'est la marque de la vie. Et la marque de la vie, c'est la blessure. Tous nos visages en portent les stigmates. C'est ce qui en fait la figure de vivants.

Nul ne grandit, ne devint homme ou femme sans avoir été altéré, sans avoir été abîmé par l'épreuve de la vie.

Il ne sait rien de la vie celui qui n'a jamais approché la mort. Que sait du salut celui qui n'a jamais fait l'expérience qu'il pouvait tuer ? Seul celui qui a pleuré sait l'éclat du rire.

Que sait de la beauté du jour celui qui n'a jamais connu la nuit ? Douce l'aurore quand l'obscurité longtemps s'est prolongée.

Que sait de l'amour celui qui n'a jamais hurlé sa solitude à l'infini des silences ?

Et que sait de Dieu celui qui n'a jamais crié sa révolte et exprimé son doute ?

Il est des blessures qui ouvrent et font grandir aux limites de la vie.

Sezny Roudaut

DIEU APPARAIT DANS LA SIMPLICITÉ

Histoire d'un homme simple

Un ancien dit : "Me trouvant quelque temps au désert de la Thébaïde en Egypte, afin de profiter un peu des paroles des saints hommes qui y demeuraient, j'écoutais avec beaucoup d'intérêt les enseignements salutaires de ces hommes vraiment célestes, pour les garder dans ma mémoire. Parmi ceux qui racontaient, il se trouvait un ancien célèbre par sa vie très vertueuse, duquel j'appris l'histoire ci-dessous. Voici donc ce qu'il disait :

'Un ermite très réputé pour sa vertu passa par hasard par ici, et beaucoup coururent à lui pour leur profit spirituel, et surtout pour confesser leurs péchés. Parmi ceux qui allaient à ce saint, il se trouva aussi un homme très simple et innocent. Il était berger de métier, et depuis son enfance il avait grandi dans le désert, ne sachant rien d'autre que paître les moutons.

Le saint se mit à l'examiner spirituellement scrutant le fond de son coeur, pour voir s'il avait quelque défaut à corriger. L'ayant donc examiné selon la règle, considérant un par un tous les péchés mortels, ainsi que les péchés pardonnables, il vit que cet homme, était non seulement étranger à tous ceux-ci, mais, ne savait même pas ce que voulait dire "pécher." Alors, il glorifia Dieu pour la bonne disposition du berger, et lui dit :

- Jusqu'ici, c'est bien mon enfant, mais dis-moi, pourquoi es-tu venu à moi, pécheur et misérable ?

- J'ai entendu, vénérable père, répondit-il, que tu enseignes aux hommes quel chemin prendre pour être sauvé. Donc je suis venu moi aussi te demander de m'indiquer quel chemin je dois prendre afin que j'aboutisse au paradis.

- Mon enfant, si tu veux être sauvé, veille à toujours garder la voie droite, et tu iras au paradis.

En entendant ces paroles, simple et innocent qu'il l'était, le bon berger ne pensait pas que le père spirituel lui avait dit de garder le droit chemin, à savoir la voie de la vertu et des bonnes oeuvres, mais croyait qu'il lui conseillait de bien examiner les chemins en sortant de l'église, et de voir quel est le chemin le plus droit, le prendre et ne suivre que celui-là pour être conduit ainsi au paradis. Ayant donc quitté l'ancien, le bienheureux berger sortit; et examinant attentivement tous les chemins, ici et là, à droite et à gauche, il choisit celui qui lui paraissait le plus droit, et se mit en route, ayant l'espoir d'arriver au paradis avec l'aide de Dieu.

Ainsi, marchant à jeûn pendant trois jours, il aboutit enfin à un monastère, où vivaient des moines très vertueux. Il s'approcha donc de la porte et le portier lui demanda :'d'où viens-tu, et que cherches-tu ?' Le berger lui raconta en détail ce qui le concernait : que son père spirituel lui avait dit de suivre le droit chemin afin d'être sauvé, pour ainsi arriver au paradis; que lui, poussé par son désir, s'était mis en route en suivant le chemin droit qui l'avait amené jusque-là. A ces paroles, ne sachant pas que c'était par grande simplicité d'esprit que le berger parlait ainsi, le portier cru qu'il était sot, fou et hors de sens, et que c'était à cause de cela qu'il prononçait de telles paroles. Il l'interrogea donc une deuxième et troisième fois et, recevant de lui la même réponse, il tenta de le chasser. Celui-ci ne se mit pas en colère, mais patienta. Le portier l'annonça donc à le supérieur qui ordonna de l'amener à l'intérieur afin qu'il voie qui était cet homme et ce qu'il demandait. Le portier le prit alors avec lui et l'amena à le supérieur qui lui demanda pourquoi il était venu jusque-là. Il lui répondit comme plus haut, à savoir qu'ayant le désir d'être sauvé et d'arriver vite au paradis, il trouva un ascète très expérimenté, reçut de lui le conseil de garder la voie droite, le suivit jusqu'à ce que Dieu aidant, elle le conduisit là, au monastère, et qu'il n'avait soif que de son salut.

A ces paroles, le supérieur comprit l'innocence de cet homme, son intégrité et sa droiture, le reçut avec joie comme envoyé de Dieu, et, le faisant moine, lui donna la charge d'entretenir et d'orner l'église. Celui-ci obéit avec joie, accepta la charge du soin de l'église et accomplit son devoir avec empressement.

Un jour le supérieur alla le trouver là où il nettoyait l'église, et lui conseilla de faire son travail avec soin, afin qu'il reçoive de Dieu sa récompense et arrive rapidement au paradis qu'il désirait tant. Il fit alors une métanie à le supérieur et lui dit:' je te remercie, maître saint, de me donner des conseils pour mon salut; cependant j'ai une question à te poser: qui est celui-ci, qui se tient là-haut, comme attaché, qui ne peut pas descendre et qui n'a même pas mangé depuis trois jours que je suis entré à l'église?' Il disait cela, ne sachant pas que c'était le Christ représenté sur la croix selon la coutume; d'où, encore plus émerveillé de la simplicité de l'homme, le supérieur lui dit en plaisantant: 'Celui que tu vois là-haut, je l'avais chargé de balayer avant toi, et parce qu'il ne balayait pas bien je l'ai puni à se tenir là-là-haut comme tu le vois. Donc prends bien garde à ne pas subir toi aussi le même sort.'

En entendant cela, l'homme vraiment béni, garda momentanément le silence et ne dit rien à le supérieur; mais le soir, ayant pris du cellier sa part de nourriture, il entra dans l'église et s'y enferma; ensuite, dès que les moines furent couchés, croyant aux paroles de le supérieur qui lui avait dit en plaisantant que le Maître Christ était serviteur de l'église et qu'Il l'avait puni à se tenir là-haut pour ne pas avoir servi habilement et nettoyé avec soin, cet homme simple le prit en compassion et se tint au-dessous-, et s'exclama en lui disant :

- Descends, frère, qu'on mange ensemble !

Alors, le doux et humble Seigneur qui demeure dans les hommes simples, ayant aimé la simplicité de cet homme, ô miracle, lui répondit :

- Je crains de descendre, frère, de peur que le supérieur l'apprenne et te maltraite-à cause de moi.

Celui-ci lui répéta :

- Descends sans crainte maintenant . Tous dorment. Moi j'ai verrouillé les portes et personne ne nous dérange; seulement descends, car je te plains de rester à jeûn voilà maintenant trois jours, et Dieu en est témoin, je ne mange pas non plus si tu ne descends pas.

Il vit alors Celui qui était représenté, descendre de la croix, et ils s'assirent, mangeant ensemble, et discutèrent joyeusement.

Cela se reproduisant ainsi tous les jours, on l'entendit une fois discuter avec un homme dans l'église, et, étonnés de cela, les moines se demandèrent ce qui se passait, sachant bien qu'à cette heure personne d'autre n'entrait là, car tous dormaient. Ils y allèrent souvent et frappèrent la porte pour voir qui parlait avec lui, mais dès qu'ils frappaient, ils n'entendaient plus rien. L'homme simple voyait le Christ se lever en hâte de la table, remonter et se tenir à nouveau immobile sur la croix. Alors il ouvrait la porte de l'église et les moines une fois entrés, ne voyaient que le sacristain. Ils lui demandaient avec qui il parlait puisque les discussions s'entendaient de l'extérieur; mais il affirmait qu'il n'y avait personne, sinon lui tout seul, d'où les moines, étonnés de l'étrangeté, s'en retournaient.

Enfin, après de nombreux jours, puisqu'ils entendaient toujours des conversations dans l'église, ils chargèrent un frère que le sacristain aimait beaucoup, de lui demander discrètement de lui dire la vérité, et de lui promettre avec serment de ne le dire à personne. Ce frère y alla et supplia tellement le sacristain que finalement celui-ci lui révéla son secret, à savoir que le Maître Christ, qu'il croyait être là par ordre de le supérieur, descendait quand il l'appelait pour manger avec lui en cachette. Il ajouta aussi ceci : que le Christ lui promettait, pour la bonté qu'il avait de Lui offrir à manger chaque jour, de le prendre avec Lui à sa maison, de lui faire un festin merveilleux et si doux qu'il ne l'oublierait jamais, lui assurant qu'Il avait un Père très riche et très bon.

A ces paroles, le moine ami de l'homme simple frissonna de tout son corps devant la faveur dont le Seigneur l'avait gratifié, et courut raconter l'affaire à le supérieur dans tous les détails. Celui-ci aussi s'émerveilla à ce récit prodigieux. Il avait beaucoup de respect pour cet homme si simple, et il l'appela aussitôt, afin d'entendre aussi de sa bouche, le récit de cette vision si merveilleuse et agréable. Cependant, l'homme simple, tout d'abord se justifia, disant que son ami l'avait calomnié en disant des choses que lui n'avait ni vu ni entendu. Il fit cela, car il avait toujours en lui la crainte de mettre le supérieur en colère contre Celui qui mangeait et parlait avec lui, il craignait qu'il le punit encore plus sévèrement. Mais comme le supérieur l'encourageait et le suppliait de lui dire toute la vérité, il lui raconta tout en détail, et lui demanda, en plus, la permission d'aller au festin de son Père. Alors, le supérieur le bénit et le laissa aller avec joie, seulement s'il consentait à l'inviter lui aussi au festin. Donc, le simple répondit qu'il le prierait beaucoup de l'accepter aussi.

C'est ainsi qu'il retourna à l'église, et, à la tombée de la nuit, il prit selon son habitude sa part de nourriture. Ayant bien fermé la porte, il invita de nouveau le Christ à descendre et manger avec lui. Pendant qu'ils mangeaient au moment où le Christ lui parlait des biens dont il allait jouir dans la maison de son Père, l'homme simple se souvint aussi de le supérieur; il lui demanda alors s'Il voulait bien prendre aussi avec eux le supérieur à ce festin. Alors le Christ lui répondit : que le supérieur n'était même pas digne de manger les miettes qui tombaient de cette table-là, et de ne plus Le déranger pour ce sujet, car cela ne pouvait jamais se faire.

Dès l'aube, le supérieur attendait avec beaucoup d'impatience, pour savoir si le Maître Christ acceptait de le faire reposer avec ses saints. Et apprenant de l'homme simple qu'il n'était pas digne de jouir d'une telle allégresse, il fut rempli d'amertume et pris d'une grande peine de coeur. Mais connaissant l'immense océan de la compassion de Dieu, et sachant qu'Il fait la volonté de ses serviteurs, surtout des plus simples et innocents, il se jeta aux pieds de l'homme simple et le supplia en larmes, disant :

- Mon enfant, prie l'Ami de l'homme de ne pas me dédaigner, pécheur et indigne, mais qu'Il se penche et me prenne en pitié, que je vienne moi aussi avec toi à ce festin céleste. Supplie et force l'Inviolable de me pardonner, car je sais qu'Il ne te désobéira pas, grâce à la simplicité de l'intégrité de ton âme bienheureuse.

Poussé par ces paroles, et par d'autres encore, l'homme simple le quitta. Le soir donc, quand ils s'assirent pour manger, il reparla au Christ de le supérieur. Et le Seigneur lui répondit :

- Frère, je t'ai dit qu'il n'est pas digne, à cause de son intempérance; ne t'en occupe pas.

Alors l'homme simple dit au Seigneur :

- Tu as raison de dire que le supérieur n'est pas digne, mais pour le repas et le pain dont il m'a nourri ? Et il T'a nourri toi aussi tant de jours, pendant lesquels tu serais mort de faim : ne l'acceptes-Tu pas-au moins pour ces bienfaits ?

Alors, voyant la pureté et la bonté de cet homme, et souriant à ses paroles, le Seigneur dit :

- A cause de ton amour, et seulement à cause de cela, afin de ne pas t'attrister, puisque tu prends tant de peine pour le prochain, dis-lui de se corriger, et dans huit jours, vous viendrez ensemble à la joie préparée.

Ainsi, étant sorti, il annonça le joyeux message et l'ordre à le supérieur, à savoir que le Très-Bon l'acceptait et qu'il devait se préparer à aller avec lui.

Quelle fut la joie de le supérieur à cet instant-là ! Il se corrigea, se confessa, se repentit sincèrement. Huit jours plus tard, ayant communié aux divins Mystères, le supérieur s'endormit dans le Seigneur après une petite maladie. L'homme simple quant à lui, à l'endroit où il conversait avec son Bien-aimé, rendit sa sainte âme au cours du repas. Ainsi ils passèrent cette joie indicible des justes. Puisse Dieu nous l'accorder à nous aussi par sa Bonté et son Amour de l'homme ! Amen."