Alors le prêtre : «Joseph, Joseph, dit-il, tu es l'élu : c'est toi qui prendras en garde la vierge du Seigneur.»
IX.2. Mais Joseph protesta : «J'ai des fils, je suis un vieillard et elle est une toute jeune fille. Ne vais-je pas devenir la risée des fils d'Israël ?»
«Joseph, répondit le prêtre, crains le Seigneur ton Dieu, et souviens-toi du sort que Dieu a réservé à Dathan, Abiron et Corê. La terre s'entrouvrit et les engloutit tous à la fois, parce qu'ils lui avaient résisté. Et maintenant, Joseph, crains de semblables fléaux sur ta maison !»

IX. 3. Très ému, Joseph prit la jeune fille sous sa protection et lui dit : «Marie, le temple du Seigneur t'a confiée à moi. Maintenant je te laisse en ma maison. Car je pars construire mes bâtiments. Je reviendrai auprès de toi. Le Seigneur te gardera.»



X.1. Cependant, les prêtres s'étaient réunis et avaient décidé de faire tisser un voile pour le temple du Seigneur.
Et le grand-prêtre dit : «Appelez-moi les jeunes filles de la tribu de David, qui sont sans tache.» Ses serviteurs partirent, cherchèrent et en trouvèrent sept. Mais le prêtre se souvint que la jeune Marie était de la tribu de David et qu'elle était sans tache devant Dieu. Et les serviteurs partirent et l'amenèrent.
2. Et l'on fit entrer ces jeunes filles dans le temple du Seigneur. Et le prêtre leur dit : «Tirez au sort laquelle filera l'or, l'amiante, le lin, la soie, le bleu, l'écarlate et la pourpre véritable.»
La pourpre véritable et l'écarlate échurent à Marie. Elle les prit et rentra chez elle.
C'est à ce moment-là que Zacharie devint muet et que Samuel le remplaça jusqu'à ce qu'il eût retrouvé la parole.
Et Marie saisit l'écarlate et se mit à filer.

XI.1. Or elle prit sa cruche et sortit pour puiser de l'eau. Alors une voix retentit : «Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes.» Marie regardait à droite et à gauche : d'où venait donc cette voix ? Pleine de frayeur, elle rentra chez elle, posa sa cruche, reprit la pourpre, s'assit sur sa chaise et se remit à filer.

XI.2. Et voici qu'un ange debout devant elle disait : «Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe.»

 

Ces paroles jetèrent Marie dans le désarroi. «Concevrai-je, moi, du Seigneur, dit- elle, du Dieu vivant, et enfanterai-je comme toute femme ?»

XI.3. Et voici que l'ange, toujours devant elle, lui répondit : «Non, Marie. Car la puissance de Dieu te prendra sous son ombre. Aussi le saint enfant qui naîtra sera-t-il appelé le fils du Très-Haut. Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés.» Et Marie dit alors : «Me voici devant lui sa servante ! Qu'il m'advienne selon ta parole.»

 

XII.2. Pleine de joie, Marie se rendit chez sa parente Elisabeth et frappa à la porte. En l'entendant Elisabeth jeta l'écarlate, courut à la porte, ouvrit, et la bénit en ces termes : «Comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car vois-tu, l'enfant a tressailli et t'a bénie.»

Or Marie avait oublié les mystères dont avait parlé l'ange Gabriel. Elle leva les yeux au ciel et dit : «Qui suis-je, pour que toutes les femmes de la terre me proclament bienheureuse?»
XII.3. Et elle demeura trois mois chez Elisabeth. Et de jour en jour son sein s'arrondissait. Inquiète, elle regagna sa maison et elle se cachait des fils d'Israël. Elle avait seize ans, quand s'accomplirent ces mystères.
XIII.1. Son sixième mois arriva, et voici que Joseph revint des chantiers; il entra dans la maison et s'aperçut qu'elle était enceinte. Et il se frappa le visage et se jeta à terre sur son sac et il pleura amèrement, disant : «Quel front lèverai-je devant le Seigneur Dieu ? Quelle prière lui adresserai-je ?
Je l'ai reçue vierge du temple du Seigneur et je ne l'ai pas gardée. Qui m'a trahi ? Qui a commis ce crime sous mon toit ? Qui m'a ravi la vierge et l'a souillée ? L'histoire d'Adam se répète-t-elle à mon sujet ? Car tandis qu'Adam faisait sa prière de louange, le serpent s'approcha et surprit Eve seule; il la séduisit et la souilla. La même disgrâce me frappe.»
XIII.2. Et Joseph se releva de son sac et appela Marie : «Toi la choyée de Dieu, qu'as-tu fait là ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu ? Pourquoi t'es-tu déshonorée, toi qui as été élevée dans le Saint des Saints et as reçu nourriture de la main d'un ange ?»
XIII.3. Et elle pleura amèrement, disant : «Je suis pure et je ne connais pas d’homme.» Et Joseph lui dit : «D'où vient le fruit de ton sein ?» Et elle répondit : «Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, j'ignore d'où il vient.»
XIV.1. Et Joseph, rempli de frayeur, se tint coi, et il se demandait ce qu'il devait faire d'elle. «Si je garde le secret sur sa faute, se disait-il, je contreviendrai à la loi du Seigneur. Mais si je la dénonce aux fils d'Israël, et que son enfant vienne d'un ange, ce dont j'ai bien peur, alors je livre à la peine capitale un sang innocent. Que ferai-je d'elle ? Je la répudierai en secret.»

La nuit le surprit dans ces réflexions.