LA RESSEMBLANCE SUR L’ICÔNE

Sur l’icône byzantine est représentée théologiquement et symboliquement la réalité de l’au-delà. 
La réalité historique du saint ou de l'événement n’est que le point de départ, le support qui est ensuite transfiguré et qui n’a en lui-même qu’un rôle secondaire à jouer. 
C’est la lumière thaborique qui transcende la nature, comme le feu qui rend le fer étincelant. 
Les apôtres ont vu sur le mont Thabor le Christ en gloire, comme Motoviloff a contemplé autrefois saint Séraphin de Sarov ou les moniales saint Nectaire d’Égine et toute la nature transfigurés. 
Ce n’était pas le Christ qui avait changé, ni les saints, mais les yeux de la foi des apôtres se sont ouverts. 
C’est ainsi que l’icône rend présent le monde céleste, autant que cela est possible à l’art, par les couleurs et les formes, et la grâce fait le reste. L’icône sert de tremplin pour ainsi dire.
Ce n’est donc pas la nature déchue qui est représentée mais la nature restaurée dans son innocence, et plus encore – la nature déifiée.
La photo d’un saint ne peut que montrer l’aspect purement extérieur, et tout au plus suggérer la vie intérieure, tandis que l’icône rend présente cette vie spirituelle qui se dévoile au croyant et reste cachée à l’homme charnel.
Pour peindre l'icône d'un saint, il est suffisant à l’iconographe de savoir son nom et son genre (moine, martyr etc.). 
Je viens de peindre une fresque de saint Niphon, un saint local d’Égypte qui ne se trouve même pas dans les synaxaires grecs. Je savais son nom et qu’il était évêque de Constantiane, en Égypte. À partir de là, j’ai pu composer la fresque; n’ayant pas eu un prototype, ces données m’ont cependant permis de le faire. L’aspect «photographique» aurait pu m’aider mais d’une manière purement secondaire, juste pour la longueur de la barbe, car le visage n’est pas «portraitique» mais symbolique, stylisé et transfiguré.
Néanmoins, sur les icônes de tel ou tel saint connu, comme saint Nicolas de Myre par exemple, on reconnaît bien le saint, alors que chaque icône de lui est différente. Sur toutes les icônes de la Toute-Sainte, le visage n'est pas identique non plus. Cependant on sait que c’est bien elle qui est présente dans l’icône.
Dans l’autre vie, notre corps ne sera plus comme il est maintenant mais transfiguré. Nous reconnaîtrons  bien pourtant chaque personne avec laquelle nous partagerons éternellement la félicité céleste. Comment ? Précisément comme sur l’icône; cette fois-ci non d’une manière symbolique mais d’une manière qui dépasse notre entendement : comme il est écrit, ce sont «des choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui L’aiment.» (I Cor 2,9)

Archimandrite Cassien

 

fresque