VOIR L'INVISIBLE

 

Terni par le péché, l'oeil de notre âme n'est plus en état de contempler la réalité spirituelle. Il n'en fut pas ainsi à l'origine. Il ne nous reste donc que la foi pour accéder directement au monde de l'au-delà. Autrement, ce n'est que par nos sens, et indirectement, que se révèle le surnaturel. Les sacrements, symboles, signes, sont ces auxiliaires à notre faiblesse. Ce qui nous est inconnu et invisible se communique à travers le voile de ce qui nous est familier. Le Christ S'offre dans l'eucharistie sous les espèces du pain et du vin. La parole de Dieu se manifeste dans les saintes Écritures. Et c'est l'icône qui nous rend le ciel présent, qui nous fait voir ce que la cécité de l'âme nous cache et ce que les yeux du corps ne savent saisir.

Sur l'icône, il s'agit d'une véritable représentation, d'une apparition réelle de ce qui y est figuré. L'icône n'est ni idole, ni simple image d'une réalité lointaine. La Tradition orthodoxe distingue bien entre l'icône et ce qu'elle représente : ce qui est semblable, c'est-à-dire la personne et ses attributs, et ce qui les différencie : la nature. Dans l'idole, la nature, l'essence même est identique, ce qui n'est jamais le cas pour l'icône, sous peine de voir l'iconographie se transformer en idolâtrie. D'ailleurs, ce n'est pas la nature, c'est-à-dire la matière : bois, couleurs, etc. qui est porteuse de la grâce, mais la ressemblance de ce qui y est figuré avec le représenté. Pourtant l'icône n'est pas réduite à l'expression d'une simple image qui ne sait restituer que l'aspect extérieur de la réalité. L'icône est sacrement dans le sens large du terme, symbole - c'est-à-dire objet terrestre qui porte inclu le mystère de la grâce.

L'Eucharistie qui contient les deux natures du Christ contient également sa personne, mais non la ressemblance (d'un point de vue visuel) de celle-ci, car c'est toujours l'aspect du pain et du vin que l'on voit. L'icône contient et représente la personne et sa ressemblance. L'Écriture de son côté parle de la nature et de la personne mais ne les contient pas. Par contre, à travers l'Écriture se manifestent les énergies : sagesse, beauté, vérité, etc, et c'est à travers ces énergies ou attributs que se communique la grâce.

MOSAIQUE A CONSTANTINOPLE

La vision de Dieu et de ses saints ne nous est donc donnée que d'une manière indirecte - dans l'icône. Certes, aux coeurs purs, Dieu accorde parfois directement, sans intermédiaire, d'une manière mystique, la vision de l'invisible. Mais à nous, charnels, tiraillés par nos passions, réduits à l'expérience de nos sens, ne nous est donné que l'icône comme vision, en attendant dans l'espérance la vision face à face. Ce que le voile de la matière opaque nous cache, l'icône nous le représente dans la matière. Ce qui est invisible à nos yeux devient ainsi visible dans l'icône.

Le prototype n'est pas dans l'icône selon l'essence, sinon l'icône serait, elle aussi, appelée prototype et inversement, le prototype, image : ce qui ne convient pas, parce que chaque nature (celle du modèle et celle de l'icône) a sa propre définition ; le prototype est donc dans l'image selon la ressemblance de l'hypostase.

Saint Théodore Studite