L'iconographe

Comme le prêtre qui sert l'Église par son ministère, ainsi l'iconographe par son charisme oeuvre pour et dans l'Église. Cela n'anéanti aucunement sa personnalité et ses dons naturels; bien au contraire, il trouve son épanouissement dans la communauté des croyants. Si l'artiste profane travaille pour sa propre gloire et cherche l'originalité, I'iconographe lui, sait que sa gloire ne consiste pas dans l'isolement mais dans la communion avec l'Église entière. Il est conscient de ce qu'il doit à cette communauté de fidèles par laquelle la Tradition de l'iconographie a pu s'ériger et s'entretient. Il ne cherche pas à copier servilement ni à inventer à tout prix, mais à transmettre d'une manière vivante ce qui elle-même est vivante - l'Orthodoxie dans son aspect artistique.

Pour être iconographe ou le devenir un certain talent artistique est nécessaire. Ce talent uni au charisme, basé sur une connaissance théologique de même qu'artistique fait l'iconographe et l'expérience le parfait.

Comme les bâtisseurs du Temple de Salomon, dont chacun avait une tâche précise à remplir, l'iconographe lui collabore à la construction du temple spirituel qu'est l'Église.

L'iconographe enseigne, sanctifie, prophétise. Son enseignement se fait par les couleurs et les formes, qui complète celui de la parole. Il sanctifie la matière qui prend un contenu religieux, se charge de grâce. Il prophétise ce qui nous attend, non seulement le temps à venir, mais l'éternité, la Jérusalem céleste.

Les icônes ne sont pas signées par lui, car ce n'est pas «son» oeuvre mais celle de toute l'Église. Il n'est que le canal à travers lequel la grâce de l'Esprit saint crée. Non d'une manière machinale mais librement il collabore en synergie avec la grâce. Tout au plus il signe : «Par la main d'un tel,» pour exprimer précisément cette oeuvre de la grâce qui se fait à travers lui.

A l'iconographe est demandé, en plus de son charisme et de son talent, une vie d'ascèse et de prière, c'est-à-dire une sainteté de vie. Sans cela ses icônes restent vides, sans vie, plates. De même que le Christ ne s'incarna que dans un être pur et sanctifié - la Vierge Marie , de même l'Esprit saint ne se communique à l'icône qu'à travers un iconographe digne dont le nom est conforme à ce qu'il représente.

Parmi les iconographes il y a eu des saints tel saint André Roublev, saint Alype et bien sûr l'apôtre Luc. Il y a eu aussi des génies célèbres comme Théophane le Grec, Emmanuel Panselinos, Daniel le Noir et tant d'autres. Il n'est pas donné à chaque iconographe d'arriver à cette hauteur, mais il est appelé à les suivre, à les imiter, à marcher sur le chemin qu'ils ont tracé, à s'inscrire dans cette lignée qui a gardé et transmis un des trésors parmi les plus précieux de l'Orthodoxie - l'iconographie byzantine.

Même si l'écriture divine applique à Dieu des images qui semblent corporelles, ces images elles-mêmes sont incorporelles parce que les prophètes et ceux à qui elles se sont révélées (puisqu'elles n'ont pas été vues par tous) les ont vues non pas par les yeux de chair, mais par les yeux de l'esprit.

saint Jean Damascène (3e Traité à la défense des icônes)