L'EVOLUTION DANS L'ICONOGRAPHIE

 

On me demande parfois si je fais les icônes et les fresques de moi-même, parfois s'il n'y a pas d'évolution dans l'iconographie. Il y a et il doit y avoir une évolution et même un progrès dans l'iconographie, car la Tradition orthodoxe en général et l'iconographie en particulier, ne sont ni un cadavre, ni une momie que l'on transmettrait tels quels à travers l'histoire. D'autre part, l'iconographie n'est pas non plus sans canons, sans règles, abandonnée à la fantaisie de l'iconographe.

Comme un être vivant qui garde toujours sa nature, sa physionomie, sa personnalité, mais qui se développe et croît à travers les années et les vicissitudes du temps, telle est l'iconographie.

L'iconographie s'exprime différemment selon chaque époque, chaque peuple, tout en restant toujours identique à elle-même. (L'existence de l'iconographie soi-disant «classique» est due à l'influence latine, elle est un corps étranger à la Tradition de l'Église : elle n'entre pas en ligne de compte dans ce que je veux dire.)

Une ancienne icône de l'école de Novgorod et une icône crétoise sont les mêmes quant à l'essentiel, l'expression religieuse et le contenu mystique, mais se distinguent par la technique, les couleurs, etc.

La même chose vaut pour les icônes contemporaines par rapport aux anciennes. De la même manière, chaque iconographe a, dans sa façon de peindre, quelque chose de particulier, dû aux circonstances dans lesquelles il vit, à son tempérament, à la technique qu'il a apprise et qui se développe à travers son expérience, son avancement spirituel, sa connaissance théorique, etc.

L'iconographe prend toujours une icône comme modèle. Soit il a une icône dont il s'inspire devant les yeux, soit il la connaît par coeur, à force d'expérience. . Il la représente librement, en se tenant à l'expression spirituelle et aux canons iconographiques, mais il ne copie pas. Copier une icône est valable et légitime pour un débutant qui ne sait pas encore ce qu'il faut garder, qui n'est pas encore sûr de ce qu'il peut, et doit parfois, (car toute icône n'est pas toujours parfaite et peut contenir des erreurs) modifier. Mais à mesure qu'il devient maître et assimile la Tradition iconographique, il doit s'exprimer librement, avec discernement, sans tomber dans une servilité stérile qui tue, ni laisser libre cours à sa fantaisie individuelle au mépris de la Tradition.

Il y a des choses qui peuvent changer : tout ce qui est artistique, soumis au temps; mais le contenu spirituel doit rester. Nous ne sommes pas des Quakers, si idyllique et sympathique que leur vie paraît être. L'Église vit dans l'histoire, mais ne s'identifie pas avec elle.

Elle est au-dessus et se sert avec discernement de tout ce qui est soumis au changement et à la disparition. L'Écriture sainte et les autres écrits, par exemple, ne sont plus copiés à la main par des calligraphes; l'Église se sert de l'imprimerie. Ce n'est pas le moyen qui compte, mais le but, c'est-à-dire la glorification de Dieu et le salut de
FRESQUE

DE

SAINT

BENOIT

LE

GRAND

l'homme. Autrement, il n'y aurait pas de d'ordinateur au foyer, car elle ne cadre pas du tout avec l'image d'Epinal que les gens se font d'un moine. Mais comme l'iconographie, la vie monastique s'adapte aussi au temps, tout en étant au-dessus de lui et en continuité harmonieuse avec la Tradition à travers les siècles.

Sans faire de polémique, examinons ce qui se passe dans le papisme.

L'art roman qui fleurissait autour du schisme, a peu de commun avec l'art baroque. Le premier est encore plus ou moins orthodoxe et spirituel, mais le second se caractérise par son aspect humaniste et charnel.

Le monachisme en Occident, au temps de saint Benoît, qui avait pour devise «Ora et labora» (la prière et l'ascèse) n'a plus rien de commun avec les Jésuites scientifiques. 

Là, c'est l'essentiel qui a changé, la nature et la personnalité, pour reprendre les termes que j'ai employés au début.

L'icône doit porter témoignage à notre temps, à l'homme d'aujourd'hui qui s'interroge et cherche, et cela non comme un objet d'antiquité, mais comme une expression spirituelle plus que jamais actuelle, une expression qui doit être pleine de vie, sur une base solide : la Tradition orthodoxe.