L'austérité de l'icône

 

L'icône byzantine semble austère, d'une austérité qui souvent est accentuée par la maladresse de l'iconographe. Cela est également valable pour toute l'Orthodoxie et pour ceux qui la vivent.

Rien dans l'icône ne distrait, n'amuse, ne flatte. Tout est concentré sur l'essentiel : la beauté pure, comme celle des cimes, la vérité authentique qui ignore le fard de ce monde, la pureté qui ne tolère aucune souillure. L'icône nous met face à nous-même, nous interroge, nous juge, non pour nous condamner mais afin de nous relever, et finalement, elle nous libère de notre égocentrisme étouffant d'où viennent toutes nos souffrances et les autres vices tels que la vanité, la dureté de coeur, l'angoisse, etc. Cette apparente austérité est due à nous-même, à notre mollesse, notre sensualité, notre sentimentalité; rien sur l'icône ne s'y prête. L'icône, avec ce que nous taxons trop facilement d'archaïsme, n'est pas en marge du monde moderne mais elle est comme une oasis dans le désert stérile du monde actuel. Envahis par les images de plus en plus artificielles de la télé, de la publicité, de la presse, l'icône purifie notre oeil et le rafraîchit.

Certes, entre l'icône et l'homme d'aujourd'hui, il y a un univers, et cette distance, humainement insurmontable, l'est pourtant par la foi, - la foi qui peut venir précisément par le regard sur une icône, en en tirant profit et se fortifiant à chaque fois.

L'humanisme (dont témoignent les images pieuses qui ont cours en Occident depuis des siècles et qui ont été également exportées dans le monde orthodoxe), qu'on rencontre partout à l'heure actuelle, (voir par exemple toutes les actions sociales de tant d'associations religieuses et autres), est inconnu dans l'Orthodoxie dans son ensemble et dans l'iconographie en particulier. L'icône ne s'y arrête pas mais le dépasse, le transfigure et c'est cette dimension transcendantale qui constitue cette austérité. Pour celui qui vit cette dimension spirituelle, elle devient douceur, chaleur, beauté, - austérité pour les uns, douceur pour les autres selon l'approche et la maturité de chacun. L'icône ne change donc pas car elle reflète la vérité éternelle, et c'est par conséquent à nous de changer.

Quand je n'ai pas de livres ou que mes pensées me torturent comme des épines m'empêchant de goûter la lecture, je me rends à l'église qui est l'asile ouvert à toutes les maladies de l'âme. La fraîcheur des peintures attire mon regard, captive ma vue ainsi qu'une riante prairie, et insensiblement porte mon âme à louer Dieu.

saint Jean Damascène (P.G. 94)