L'architecture, l'alogique et la perspective inversée

L'architecture sur l'icône suit ses propres lois qui sont au-dessus de celles de ce monde. Pour exprimer les choses surnaturelles notre langage habituel, nos images familières ne sont pas adéquats et suffisants. Ce ne sont ni la maladresse ni le manque de connaissance qui incitent l'iconographe à peindre d'une manière qui déroute notre vision habituelle, mais la réalité spirituelle.

Quand un pilier s'appuie sur le vide cela signifie que les lois de la pesanteur et de la gravité sont abolies et que tout baigne dans l'éternité infinie. Quand la tête du stylite est plus grande que sa colonne, cela met en évidence l'importance du stylite et la colonne n'a qu'un effet narratif. Quand des faits qui ont lieu en des endroits et des moments différents se retrouvent sur la même icône, comme par exemple sur l'icône de la Nativité du Christ, cela indique que l'espace et le temps ont disparu. Le sein de la Toute Sainte, qui allaite le Christ se trouve quelque part près de l'épaule et elle tient l'enfant sans le tenir.

Les arbres, les plantes et les animaux ressemblent et sont tout à la fois autres que ceux qui se trouvent sur terre car ce sont ceux du paradis.

Souvent mais pas toujours la perspective est inversée car le centre est dans l'icône, en Dieu. Le spectateur qui se trouve en dehors est invité précisément à quitter son isolement égocentrique et à entrer dans l'intimité de Dieu et de l'Église céleste.

Jamais sur l'icône les événements ne se passent à l'intérieur d'une bâtisse, ce qui les enfermerait, les étoufferait. L'édifice ne sert qu'à indiquer certains choses et non à abriter.

Ces paradoxes ne se rencontrent pas uniquement sur l'icône mais aussi dans la liturgie, la Bible, les écrits spirituels. Les pères parlent du mouvement stable, de l'ivresse sobre et comparent l'Église à une jeune fille aux cheveux gris. Abraham contemple le mystère de la Trinité en voyant ses hôtes à la fois un et trois et Ézéchiel décrit sa vision des chérubins et des séraphins qui nous déconcerte et laisse notre logique perplexe.

hm. Cassien