SAINTE BENOÎTE DE ROME, VIERGE ET MARTYRE
À ORIGNY, AU DIOCÈSE DE SOISSONS
en 362
fêtée le 8 octobre
tiré de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 12 p. 160 à 161
Sainte Benoîte était fille d'un sénateur romain. Dès qu'elle eut embrassé la religion chrétienne, elle méprisa toutes les richesses et tous les honneurs de la terre, et, ayant gagné à Jésus Christ une douzaine d'autres jeunes filles, elle les prit dans sa maison et mena avec elles une vie très pieuse. Comme elle vivait ainsi dans tous les exercices d'une solide piété, le bruit du triomphe que l'illustre martyr saint Quentin et ses compagnons avaient remporté en Picardie et des miracles qui se faisaient par leur intercession, se répandit dans Rome et lui inspira un si grand désir d'imiter l'exemple de ces nobles Romains, que, se sentant animée d'une sainte ardeur, elle abandonna son pays pour venir avec ses douze compagnes chercher le martyre dans les Gaules. Après avoir traversé les Alpes, elles firent quelque séjour dans les Gaules lyonnaises, d'où elles se rendirent enfin dans la capitale du Vermandois. Après y avoir visité dévotement les tombeaux de leurs saints compatriotes, elles se partagèrent pour aller en divers endroits, travailler à la conversion des âmes. Benoîte, qui prit avec elle Léobérie, fat conduite par l'Esprit de Dieu à Origny-sur-Oise, au diocèse de Soissons : là, par l'exemple de ses vertus et par des exhortations familières qu'elle faisait avec une admirable ferveur, elle gagna un grand nombre de personnes à la religion chrétienne. Sa retraite ordinaire était dans une petite cellule qu'elle fit bâtir sur une colline, hors le bourg, du côté de la rivière. Elle y passait les nuits en prière et dans la contemplation des vérités divines, et, s'étant, par cette sainte pratique, remplie de grâces et d'onction, elle parcourait ensuite les lieux voisins pour y répandre les lumières que le saint Esprit lui avait communiquées.
Les nouvelles conquêtes qu'elle faisait tous les jours à Jésus Christ ne purent demeurer cachées au préfet de la province, nommé Matrocle : il avait ordre de l'empereur Julien l'Apostat de n'épargner aucun fidèle; de plus, il était juif d'origine et par conséquent ennemi juré des chrétiens. Il ne fut donc pas plus tôt informé des conversions qu'opérait notre sainte, qu'il la fit arrêter et amener devant lui. Il employa d'abord les artifices et la douceur pour tâcher de la faire renoncer à notre Seigneur; mais, la trouvant inébranlable dans la foi et insensible à toutes ses belles paroles, il la fit souffleter puis fouetter, ce qui fut exécuté avec tant de cruauté, que le corps de cette innocente vierge fut couvert d'une plaie universelle. Après ce supplice, elle fut jetée dans un obscur cachot pour y être réservée à un nouveau tourment. Mais à peine y fut-elle entrée, qu'un ange tout brillant lui apparut , et, après l'avoir consolée et animée à la persévérance, la guérit parfaitement de toutes ses blessures. Cinquante-cinq personnes qui l'avaient vue auparavant dans ce pitoyable état, la voyant entièrement guérie sans aucun remède humain, reconnurent la toute-puissance du vrai Dieu et embrassèrent la religion chrétienne. Le tyran, ne pouvant souffrir ces admirables progrès, la fit comparaître une seconde fois devant son tribunal et tenta de nouveau de la séduire. Mais, n'ayant pu faire aucune impression sur son coeur, il la fit mettre sur le chevalet, et après lui avoir fait endurer plusieurs tourments, il la renvoya en prison en attendant qu'il inventât quelque autre genre de supplice. L'ange du Seigneur l'y vint aussitôt visiter, la remplit de joie par sa présence, la guérit encore une fois de toutes ses plaies, et enfin la délivra de son cachot : ce qui fut cause de la conversion d'un grand nombre d'idolâtres. Mais le préfet, demeurant toujours dans son aveuglement, et désespérant tout à fait de pouvoir vaincre celle qui avait déjà triomphé de sa cruauté, la condamna à mort et, par une fureur détestable, il se fit son bourreau en lui déchargeant à l'heure même un coup de hache qui lui trancha la tête, le 8 octobre, l'an 3692 de l'Incarnation.
Un grand nombre de miracles ayant été obtenus par l'intercession de notre sainte, nous allons en citer quelques-uns, tirés d'un livre très ancien et très rare : Le miroir d'Origny. Ce livre a toujours fait autorité.
Une fille d'Origny, nommée, Alix, fut guérie d'une cruelle maladie de dix-huit mois, au moment d'une visite à la chapelle existant alors en l'honneur de sainte Benoîte. Beaucoup de témoins en déposèrent. Mais l'abbesse pleine de reconnaissance, voulant par une démonstration publique remercier Dieu dans la chapelle de la sainte, convia à accompagner sa communauté, les chanoines du chapitre. Deux d'entre eux refusaient de croire à la guérison merveilleuse, et disaient qu'ils n'y croiraient que s'ils voyaient guéri un pauvre homme du pays, nommé Gauthier. Ce malheureux était contrefait, ingambe, et se traînait par terre pour demander l'aumône. Conduit à la chapelle de la sainte, il obtint aussi sa guérison. Cet homme demeura depuis au monastère où il resta plusieurs années, vu et connu de tout le monde.
Une femme de Regny, à une lieue d'Origny, souffrait d'un mal affreux; elle avait été prise des douleurs de l'enfantement dans la campagne, seule et sans secours pour la délivrer, les intestins lui étaient sortis, la corruption s'y mit, c'était une infection. Deux femmes l'amenèrent à l'église de l'abbaye et elle fut bientôt complètement guérie.
Une fille d'un pays éloigné avait les jambes torses au point de ne pouvoir presque se soutenir. Son père l'ayant conduite à l'église de l'abbaye, elle y fit une neuvaine et recouvra la santé.
Un orfèvre de la ville d'Angers fut guéri d'un grave accident. Pendant son sommeil, il lui était entré des vers dans les oreilles. Il souffrit des maux incroyables pendant huit à neuf mois. La science et ses remèdes avaient été impuissants. Il vint visiter l'église où reposait le corps de sainte Benoîte, et après plusieurs démarches et prières près de la châsse de la sainte, il fut exaucé, et jamais depuis il ne souffrit de son mal.
En 1589, une pauvre fille infirme et dont les membres étaient comme disloqués, fut guérie après une neuvaine, peu de jours avant la Pentecôte. On la vit avec admiration assister à la grande procession du mercredi dans l'octave. Une autre femme nommée Marsson, née à Origny, souffrait d'une enflure à la gorge, telle que la malheureuse faisait horreur à voir. Après plusieurs neuvaines, elle obtint enfin une entière guérison et vécut plus de vingt ans après en parfaite santé.