SAINT SIMÉON OU SIMON, ENFANT, MARTYR

fêté le 24 mars

tiré de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 3 p. 617 à 618


La ville de Trente, limitrophe de l'Italie et de l'Allemagne, sÕest vue ensanglantée, près de cent ans auparavant, par le meurtre d'un innocent, que les Juifs firent mourir. Cet enfant s'appelait Simon, ou, comme disent quelques auteurs, Siméon. Son père se nommait André, et sa mère Marie; catholiques, mais pauvres, ils demeuraient en un lieu appelé le Fossé, au bout de la même ville. Il était né l'an 1472, le 26 novembre, un vendredi, jour particulièrement destiné à la mémoire de la Passion du Sauveur, dont il devait porter la ressemblance. Il arriva donc que des Juifs, qui demeuraient à Trente, se disposant à leurs cérémonies pascales, voulurent avoir un enfant chrétien pour le faire mourir.
Ils engagèrent un d'entre eux, appelé Tobie, à commettre ce détestable larcin, et à leur amener, à quelque prix que ce fût, quelqu'un des petits enfants chrétiens qu'il trouverait dans la ville. Celui-ci n'y manqua pas; rencontrant ce petit Siméon, qui était beau comme un ange, âgé seulement de vingt-neuf mois, moins trois jours, il le déroba à la porte même de la maison de ses parents, en ce lieu du Fossé, et l'apporta sans bruit chez un Juif appelé Samuel, où tous les autres de cette nation réprouvée avaient rendez-vous. Il n'est pas aisé d'exprimer les hurlements que jetèrent ces loups en voyant en leur pouvoir cet innocent agneau.
Le soir du jeudi au vendredi de la semaine sainte, ils le portèrent en leur synagogue à un vieillard nommé Moïse, qui le dépouilla d'abord, et, de crainte que, par ses petits cris, il ne se fit entendre du voisinage, et qu'il ne fit découvrir ainsi leur cruauté, ce malheureux lui entoura le cou d'un mouchoir pour étouffer sa voix. Le tenant de la sorte sur ses genoux, après des cruautés que des oreilles chastes ne peuvent entendre, il lui coupa un morceau de la joue droite, qu'il mit dans un bassin; ensuite tous les assistants enlevèrent chacun une partie de sa chair vive et recueillirent son sang pour le sucer et s'en repaître.
Lorsque le misérable chef de ces infanticides se fût rassasié de la chair et du sang de cet enfant, il l'éleva droit sur ses pieds, quoique déjà demi-mort; et, ayant commandé à un de ses bourreaux, nommé Samuël, de le tenir les bras étendus en forme de crucifix, il exhorta tous les autres à le percer à coups d'aiguilles en tous ses membres innocents, sans lui laisser une seule place, depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, qui n'eût sa propre plaie. Ce martyre ne dura pas moins d'une heure, pendant laquelle ces tigres furieux, afin de n'être point touchés par les plaintes mourantes de ce pauvre enfant, hurlaient eux-mêmes comme des forcenés, disant ces paroles en leur langage : «Tuons celui-ci comme Jésus, le Dieu des chrétiens, qui n'est rien, et qu'ainsi nos ennemis soient à jamais confondus». Enfin, cet innocent martyr leva les yeux au ciel comme pour le prendre à témoin des supplices qu'on lui faisait injustement endurer, puis, les rabaissant vers la terre, il rendit son esprit à Celui pour la gloire de qui il mourait. Ce fut le vendredi saint, le 24 mars, l'an de notre Seigneur 1475.
Les Juifs, croyant couvrir leur crime, cachèrent ce petit corps sous des tonneaux de vin, dans un cellier; mais le bruit s'en répandait déjà dans la ville, par la voix des autres enfants qui, voyant les parents de Siméon en peine, criaient publiquement qu'il le fallait chercher dans les maisons des Juifs. Ces malheureux, de peur d'être découverts, le jetèrent dans un ruisseau qui coulait au-dessous de la synagogue; et pour paraître encore plus innocents, donnèrent avis aux juges qu'en tel endroit il paraissait un corps sur l'eau. La justice y alla et trouva cette victime traitée de la manière qu'il vient d'être dit. L'évêque, assisté de son clergé, le fit transporter comme une précieuse relique en l'église de Saint-Pierre. Dieu, que ce bienheureux Siméon, vierge, martyr et innocent, avait glorifié, non pas en parlant, mais en souffrant, comme autrefois les petits innocents qu'Hérode fit massacrer en Judée; Dieu, dis-je, l'a aussi glorifié de son côté, par la multitude des miracles qui ont été faits par l'attouchement et à la présence de ses dépouilles sacrées. Pour les Juifs qui avaient commis ce meurtre, ils n'échappèrent pas, même dès ce monde, à la main vengeresse de Dieu; parce que la justice, les ayant saisis, leur fit payer les peines qui étaient dues à une cruauté si inouïe.


Le martyre de ce très saint Innocent se trouve excellemment écrit au deuxième tome de Surius, par Jean Mathias Tibérin, docteur en médecine, qui avait visité son saint corps par ordre de l'évêque, et qui dédia son histoire au Sénat et au peuple de Brescia. L'Église romaine en a fait tant d'état, qu'elle l'a inséré en son martyrologe, le 24 mars, jour auquel il arriva. Voir Surius et les Bollandistes, qui ont inséré l'instruction du procès et le rapport du médecin Tibérin, qui visita le corps du jeune martyr. Voir encore Martène, amp. coll., t. II; Benoît XIV, de canoniz., liv. 1 er, ch. 14, et la vie de saint Guillaume de Norwich, que nous donnons à ce jour.