SAINTE FLORENTINE, VIERGE, EN ESPAGNE (630).

fêtée le 14 mars

tiré de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 3 p. 421 à 423


Florentine on Florence naquit à Carthagène, en Espagne, d'une famille illustre. Elle eut pour père Sévérien, gouverneur de la province, et pour mère la noble dame Turtur, qui donnèrent encore le jour aux évêques Léandre, Fulgence et Isidore, si célèbres par leur doctrine et leur sainteté, ainsi qu'à Théodora, femme du roi wisigoth Leuvigilde.
Formée de bonne heure aux enseignements de la foi, distinguée par la pureté de ses mÏurs, et douée d'une grande pénétration d'esprit, cette pieuse vierge étudia avec profit les saintes Écritures sous la direction de son frère Léandre : celui-ci atteste lui-même les succès de sa jeune sÏur dans une méthode qu'il lui dédie pour l'aider à lire l'ancien Testament, et en particulier le Cantique des Cantiques. Aussi devint-elle bientôt capable de diriger l'éducation première de son jeune frère Isidore. De concert avec Léandre, elle mit tous ses soins à le nourrir du lait de la doctrine sainte, et à lui faire connaître tous les dogmes de la foi.
Elle crut devoir s'employer avec d'autant plus d'ardeur à le former à la sainteté, que Dieu avait semblé manifester ses vues sur cet enfant. Isidore était encore au berceau, lorsqu'elle vit un essaim d'abeilles entrer dans sa bouche, en sortir, et s'envoler ensuite vers le ciel. Effrayée, la jeune fille se mit en prières pour demander au ciel l'explication de ce présage : elle eut alors connaissance que l'enfant deviendrait un grand docteur de l'Église, et que par ses soins l'Espagne serait délivrée de l'hérésie arienne.
Plusieurs grands soigneurs aspirèrent à la main de Florentine. Mais elle dédaigna, avec le lien conjugal, les séductions du monde. Les mÏurs du siècle lui inspirèrent d'ailleurs le plus profond dégoût. Elle se fit religieuse, offrant à Jésus Christ la fleur de sa virginité, et le prenant pour maître et époux.
Dans son monastère, continuellement appliquée à la lecture et à l'oraison, elle orna son âme comme d'autant de fleurs, de toutes les vertus de la chrétienne et de la religieuse : la charité, l'humilité, la pauvreté. Aussi un grand nombre de vierges, attirée par le parfum de sa sainteté, vinrent-elles se ranger sous sa conduite. Plusieurs monastères mêmes se soumirent à sa direction et à sa surveillance.
Saint Léandre avait la plus haute opinion de sa sainteté et de l'efficacité de ses prières; en lui adressant deux petits traités qu'il avait composés pour l'avancement spirituel de sa sÏur et celui de ses compagnons, il lui dit avec abandon : « É Pour terminer, sÏur bien-aimée, je te conjure de te souvenir de moi devant Dieu, et de donner place dans tes prières à notre jeune frère Isidore. Je suis certain que Dieu prêtera l'oreille, en notre faveur, à ta prière de vierge». Ces deux traités, qui sont les deux parties d'un même ouvrage, ont pour titre l'un Du mépris du monde, l'autre, De l'institution des Vierges.
Saint Isidore n'avait pas une moindre idée de l'éminente sainteté et de la science de sa sÏur. Plein de reconnaissance pour les bons soins qu'elle avait prodigués à son enfance, et les premières leçons qu'elle lui avait données, veillant lui rendre quelque chose pour ce qu'il en avait reçu il lui dédia deux livres, l'un qui traite De la Nativité, de la Passion, de la Résurrection de notre Seigneur Jésus Christ et du Jugement dernier, et qu'il déclare avoir composé à la demande de Florentine elle-même ; l'autre est celui de la Vocation des Gentils. Il lui promet en même temps de lui envoyer des commentaires explicatifs qui l'aideront à comprendre les passages difficiles des divines Écritures.
Parvenue au parfait épanouissement de la vertu et de la science, Florentine n'a plus de désir sur la terre. Ce que le Seigneur lui avait révélé au sujet de saint Isidore, elle le voyait accompli dans cet illustre docteur dont toute l'Espagne redisait les glorieux services et dont le zèle — uni à la science — avait banni l'arianisme de sa patrie. Herménégild, son cousin, avait échangé sa couronne royale contre l'auréole des martyrs, et Récarède, frère d'Herménégild, s'était converti à la foi catholique. Consumée d'amour pour Dieu, elle ne faisait plus que languir en ce monde. Enfin, pleine de jours, elle s'endormit dans le Seigneur, à Ecija, comme on le croit,1 au monastère de, Sainte-Marie du Val. Son corps fut transporté de ce monastère à Séville, et placé dans le tombeau de ses saints frères, où il reposa jusqu'à l'entrée des Sarrasins en Espagne, époque à laquelle il fut caché dans les bois de Guadalupa avec les reliques de saint Fulgence. Sous le règne d'Alphonse XI, ce double trésor fut retrouvé à Berzocana, village du diocèse de Placentia. Sous Philippe II, on fit deux parts des saintes reliques du frère et de la sÏur : l'une fut laissée dans un magnifique mausolée en marbre que l'on érigea au même lien; l'autre, transportée à Murcie, et placée honorablement près du maître-autel, où ces ossements sacrés sont, de la part des fidèles, l'objet de la plus grande vénération. Quelques parcelles furent encore données au palais de l'Escorial, à Madrid.


Propres dEspagne et de Perpignan, trad. nouv.


1 On lit dans l'Histoire de la glorieuse vierge sainte Florentine, publiée à Madrid, en 1584, par Rodrigue Yepes, religieux hiéronymite qui habitait ce même couvent de Sainte-Marie du Val, illustré par sainte Florentine :
«La vierge sainte Florentine a vécu dans le monastère de Sainte-Marie du Val; telle est la tradition : cette tradition est confirmée par de nombreux vestiges d'antiquités : une tour fort vieillotte qu'on nomme tour de Sainte-Florentine; dans le cloître, des restes des cellules habitées par les religieuses; un hôpital et une confrérie établis a Ecija, dont l'origine se perd dans la nuit des temps; hôpital et confrérie qui sÕappellent de Sainte-Florentine. À certains jours de l'année, les membres de cette confrérie portent la statue de la Sainte — habillée en religieuse — au monastère de Sainte-Marie. Lorsqu'en 1570 Philippe II supprima tous les petits hôpitaux, dont le revenu était insuffisant, pour les réunir aux grands, il laissa subsister celui d'Ecija, afin de ne pas priver les habitants de cette ville de leur procession en lÕhonneur de sainte Florentine à lÕéglise de sainte-Marie du Val, à laquelle l'hôpital est annexé. Les générations qui vivaient au 16 e siècle à Ecija avaient reçu de celles qui les avaient précédées leur culte de lÕamour et de vénération pour sainte Florentine. Les pères avaient redit aux enfants que la voie qui conduit au monastère s'appelait la rue des Vierges; qu'au temps des Sarrasins, depuis l'église Sainte-Croix jusqu'au monastère, le chemin avait été arrosé du sang des religieuses immolées par les infidèles. Dans la même rue se trouve un petit pont qui porte aussi le nom de pont des Vierges, etc.» CF. A. A. SS., au 20 juin.