SAINTE NINA L'ÉGALE-AUX-APÔTRES
(l'illuminatrice de la Géorgie)

fêtée le 14 janvier


La Géorgie n'est autre que la Colchide du mythe grec de Jason et la toison d'or. Elle se situe entre le Caucase, le Pont Euxin, l'Arménie et la mer Caspienne.
Sa capitale était autrefois Mtskéta, au confluent des rivières Kyros (Mtkvari) et Aragvi. Depuis 455 après J-Ch, sa capitale est Tiflis. L'appellation Géorgie prévalut au 11 e siècle après J-Ch. Jusqu'alors, le pays s'appelait Ibérie.
Les premiers contacts des Ibères avec les Grecs eurent lieu en l'an 60 et en l'an 50 avant J-Ch, lorsque des colonies grecques furent fondées le long des rives ibériques du Pont Euxin. En l'an 40 avant J-Ch, l'Ibérie fut conquise par Alexandre le Grand, avec le résultat d'une influence profonde sur elle de la civilisation hellénique.
En l'an 40 après J-Ch, elle adopta la foi chrétienne et à partir de là, elle entretint diverses relations amicales avec l'état romain (byzantin).
De l'an 60 jusqu'en l'an 90, elle fut durement éprouvée par les incursions arabes et perses.
Au 10 e siècle, les gouverneurs David I er et Bankrat III organisèrent un état national chrétien.
Au 11 e siècle, la Géorgie souffrit des hordes des Turcs seldjoukides, tandis qu'au 14 e siècle, elle fut envahie par les Mongols. Le pays fut libéré par le roi Alexandre I er, qui le légua à ses trois fils, en formant les royaumes de la Cachète, du Cartle et de l'Imérète. Ce démembrement fut cependant fatal pour la suite de son histoire. À partir de là commence son déclin. Les irruptions tantôt des Perses, tantôt des Turcs ottomans l'obligèrent de chercher la protection de la Russie, laquelle l'annexa intégralement en 1801.

La Géorgie connut de très bonne heure la foi chrétienne. Selon une très ancienne tradition, c'est l'apôtre André le premier-appelé qui jeta la première semence de l'évangile en cette région.
De toute manière, la conversion intégrale du pays à la foi chrétienne eut lieu, comme il a été dit plus haut, au 4 e siècle, par la sainte égale-aux-apôtres, Nina, dont la biographie suit.

VIE DE SAINTE NINA

SES ORIGINES

Sainte Nina naquit à la fin du 3 e siècle en Cappadoce, où beaucoup de Géorgiens habitaient. Elle avait une étroite parenté avec le saint grand-martyr Georges; selon un ancien manuscrit, en effet, elle fut sa cousine germaine. À cause de cela, sa vénération pour le saint fut grande.
Son père Zabulon, soldat pieux et renommé, avait quitté sa patrie cappadocienne pour offrir ses services à l'empereur Maximien. Sa mère Suzanne, native elle aussi de la Cappadoce, fut la sÏur de l'évêque de Jérusalem, que certains identifient avec Juvénal.
Les parents de Suzanne et de Juvénal moururent jeunes. Ainsi, les deux enfants restèrent orphelins et sans protection. Ils pensèrent alors aller à Jérusalem.
Ils prirent la route avec foi en Dieu, sans se soucier du lointain voyage. Arrivés à la Ville sainte, ils trouvèrent refuge dans l'église de la Résurrection. Juvénal se vit rapidement investi de la charge d'économe de la toute-sainte Tombe, tandis que Suzanne se mit au service de la très-pieuse Sara-Niophora de Bethléem, qui y était diaconesse.
Sur ces entrefaites, Zabulon, dont nous avons parlé plus haut, arriva à Rome. Il gagna vite la faveur de l'empereur, qui le nomma chef d'armée.
À cette époque, les Francs se soulevèrent contre les Romains. Ils traversèrent les Alpes, avancèrent le long de la rivière Po, et y installèrent leur campement. Zabulon, sur l'ordre de l'empereur, se dirigea contre eux. Avec l'Aide de Dieu, il les vainquit et fit beaucoup de prisonniers. Parmi les captifs, se trouva le roi insurgé.
Maximien félicita son soldat, tandis qu'il condamna à mort tous les rebelles. Les captifs demandèrent à Zabulon à être baptisés, avant leur mise à mort, au Nom de son Dieu, qui lui avait donné une si grande puissance. Celui-ci, non seulement les baptisa, mais persuada l'empereur de leur rendre la liberté. Les nouvellement illuminés prirent alors Zabulon avec eux, afin qu'il enseignât la foi chrétienne dans leur patrie. Pendant dix jours les prêtres baptisaient le peuple sur les bords de la rivière Gandamar.
Zabulon laissa les prêtres achever leur Ïuvre et lui-même alla se prosterner aux Lieux saints. Ici, il fit connaissance de l'évêque Juvénal, l'ex-économe de la toute-sainte Tombe. Alors, la diaconesse Sara-Niophora conseilla ainsi l'évêque :
— Donne ta sÏur Suzanne en mariage à Zabulon, ce soldat glorieux et homme craignant Dieu, qui aida les Francs à connaître le Christ !
Le conseil de la diaconesse parut bon à l'évêque. Ainsi, dans peu de temps, eurent lieu les noces de Zabulon et de Suzanne, qui repartirent par la suite pour leur terre natale cappadocienne.
De ce couple béni naquit la bienheureuse Nina, l'illuminatrice de la Géorgie. Lorsqu'elle eut douze ans, elle alla avec ses parents à Jérusalem. Son père, enflammé d'amour pour Dieu, voulut s'offrir à Lui et devenir ermite. Après avoir obtenu le consentement de son épouse et la bénédiction de l'évêque, il prit congé avec larmes de sa fille Nina, en la recommandant au Seigneur, le Père des orphelins et le Protecteur des veuves.
— Ne crains rien, mon enfant, lui dit-il. Imite avec zèle l'exemple de Marie Madeleine et de Marie la sÏur de Lazare. Si tu aimes comme elles le Seigneur, sa Grâce ne te quittera jamais.
Ensuite il partit et disparut dans le désert du Jourdain. Le lieu de son ascèse et celui de sa mort sont demeurés inconnus.
La mère de sainte Nina, Suzanne, fut placée par l'évêque son frère à la sainte église de la Résurrection, comme diaconesse, pour s'occuper des femmes pauvres et malades. Enfin, Nina fut confiée à la très-pieuse ancienne, Niophora, pour être nourrie.

APÔTRE

Niophora connaissait bien les vérités chrétiennes et en parlait sans cesse à la petite Nina. Et elle, réceptive de nature comme elle l'était, fit preuve de grand zèle et d'obéissance. Comme elle étudiait tous les jours la sainte Écriture, son cÏur tressaillait d'amour et de gratitude envers le Christ, qui souffrit tant pour le salut des hommes.
Quand elle lisait dans l'évangile sur la crucifixion du Seigneur, sa pensée s'arrêta à sa tunique.
— Où se trouve donc la pourpre du Fils de Dieu ? demanda-t-elle parfois à Niophora.
— Nous savons par la Tradition, répondit celle-ci, qu'elle se trouve dans la ville de Mtskéta d'Ibérie, au nord-est de Jérusalem. C'est le rabbin Élioz qui la transféra là-bas, après l'avoir prise au soldat qui l'avait gagnée au sort sous la croix. Les habitants de ce pays s'appellent les Cartvèles; ils sont voisins des Arméniens et demeurent jusqu'à nos jours dans les ténèbres de l'idolâtrie.
Les paroles de Niophora se gravèrent profondément dans le cÏur de la sainte. Jour et nuit, elle priait avec ardeur la plus-que-sainte Enfantrice de Dieu :
— Rends-moi digne, Souveraine, d'aller au pays des Ibères pour vénérer la tunique de ton Fils !
La Toute-Sainte entendit sa prière, apparut dans son sommeil et lui dit :
— Va en Ibérie, puisque tu le souhaites tant ! Là cependant, tu annonceras l'évangile du Christ, qui te donnera abondamment sa Grâce. Mais moi aussi, je t'aiderai.
— Je ne suis qu'une faible femme. Pourrai-je achever une si grande Ïuvre ? demanda humblement la jeune fille.
Alors, l'Enfantrice de Dieu lui mit dans la main une croix, faite de bois de sarment et dit :
— Prends cette croix. Elle sera ton bouclier et ta gardienne contre tous les ennemis visibles et invisibles. Avec sa force, tu conduiras le pays des Ibères à la foi de mon Fils bien-aimé, «qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1 Tim 2,4).
Quand la sainte se réveilla, elle vit dans ses mains la croix merveilleuse et l'embrassa en versant des larmes de joie. Ensuite, elle coupa une tresse de ses cheveux, l'attacha à la croix et alla à la rencontre de son oncle Juvénal. Lui, en entendant parler de l'apparition de l'Enfantrice de Dieu à la sainte et de son ordre de prêcher l'évangile en Ibérie, discerna clairement la Volonté de Dieu. C'est pourquoi, sans tarder le moins du monde, il donna sa bénédiction.
Quand l'heure pour le grand départ fut arrivée, l'évêque conduisit sa nièce à l'église de la Résurrection, approcha sa main de sa tête et se mit à prier :
— Seigneur notre Dieu et notre Sauveur ! Je remets dans tes Mains cette jeune fille qui avec beaucoup de zèle a décidé de se consacrer à l'Ïuvre de l'évangélisation des hommes. Bénis-la et sois son Compagnon de route et son Maître partout où elle T'annoncera. Donne à sa parole une telle force et une telle sagesse que personne ne puisse lui résister ni la contredire. Et toi, plus-que-sainte Enfantrice de Dieu, protection des chrétiens, qui la choisis pour prêcher l'évangile de ton Fils aux peuples sans foi, donne-lui de la force contre les ennemis visibles et invisibles. Sois son refuge et son défenseur perpétuels et ne la prive pas de ton secours jusqu'à ce qu'elle ait accompli ta sainte volonté !

LE DÉPART

À cette époque partirent de la Ville sainte pour l'Arménie trente-cinq vierges, avec sainte Ripsimie et sa mère spirituelle Gaïané. Elles étaient venues de Rome pour échapper à la persécution de Dioclétien. Le roi impie voulut avoir Ripsimie pour épouse, mais celle-ci désirait rester chaste et devenir la fiancée du Christ.
Sainte Nina partit avec elles et les accompagna jusqu'à la capitale de l'Arménie, Vagarsapate.
Mais Dioclétien ne tarda pas à les découvrir. Il instruisit le roi de l'Arménie, Téridate, et lui, après les avoir rassemblées, ordonna de les torturer cruellement et, pour finir, de les mettre à mort. (leur mémoire est célébrée le 30 septembre).
Sainte Nina fut sauvée miraculeusement du martyre. Conduite par une Main invisible, elle se cacha dans les branches d'un rosier sauvage. De là, elle observait avec horreur le martyre des autres femmes et, les yeux levés au ciel, elle priait pour elles avec ardeur. Alors elle vit, au-dessus des athlètes du Christ, un ange au visage lumineux. Il descendit d'en haut, tenant dans sa main un encensoir. Il était accompagné d'innombrables citoyens du ciel. Ensemble ils montèrent de la terre les âmes des saintes femmes, qui se joignirent aux citoyens du ciel et disparurent dans les hauteurs.
— Saint ange, cria Nina, pourquoi me laisses-tu seule parmi ces vipères et ces aspics ?
— Ne t'afflige pas, répliqua l'ange. Patiente un peu et toi aussi tu seras conduite au royaume de Dieu. Cela arrivera lorsque le rosier sauvage qui t'abrite fera éclore des roses franches odorantes. Lève-toi maintenant et va vers le nord, où il y a beaucoup de moisson à faire.
La sainte reprit la route toute seule pour le lointain voyage. En 315, après beaucoup de péripéties, elle arriva sur les bords de la rivière Kyros, près du village Chertvisi. Ici, elle rencontra quelques bergers et leur demanda de la nourriture, car elle était pauvre et épuisée. Les bergers parlaient la langue arménienne, que Nina comprenait bien, car elle l'avait apprise de sa nourrice Niophora.
— Où se trouve la ville de Mtskéta ? demanda-t-elle à un des bergers. Elle est loin d'ici ?
— Vois-tu cette rivière ? dit celui-ci. Mtskéta se trouve à ses rives, en bas, loin.

LE SONGE DIVIN

La sainte continua sa marche. À un moment donné, elle s'arrêta. Exténuée et toute esseulée comme elle était, dans un pays étranger, elle se mit à hésiter. Elle s'assit sur une pierre pour réfléchir : «Où Dieu m'envoie-t-Il ? Mes peines auront-elles des fruits ou peut-être ai-je entrepris une mission aussi difficile en vain ?» Avec ses pensées, elles s'endormit, et vit un songe : Un homme majestueux lui apparut. Ses cheveux se répandaient sur ses épaules, tandis que dans ses mains, il tenait un rouleau écrit en grec. Il le déroula, le lui donna et dit :
 — Lis-le attentivement !
Aussitôt il devint invisible, tandis que la sainte se réveilla et vit avec stupéfaction le rouleau dans ses mains. Dessus, étaient écrites les paroles d'évangile suivantes :
«Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait.» (Mt 26,13)
«Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ.» (Gal 3,28)
«Ne craignez pas; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée: c'est là qu'ils Me verront.» (Mt 28,10)
«Celui qui vous reçoit Me reçoit, et celui qui Me reçoit, reçoit Celui qui M'a envoyé.» (Mt 10,40)
«Je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire.» (Lc 21,15)
«Quand on vous mènera devant les synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la manière dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz; car le saint Esprit vous enseignera à l'heure même ce qu'il faudra dire.» (Lc 12,11-12)
«Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme.» (Mt 10,28)
«Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du saint Esprit É Et voici, Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.» (Mt 20,19-20)
Le songe divin rassura la sainte, qui continua sa route difficile avec un zèle renouvelé. Elle souffrit beaucoup de la faim et de la soif, elle fut en danger des bêtes sauvages, mais finalement, elle arriva à l'ancienne ville d'Ibérie, Ourbnisi. Ici, elle fut hébergée dans des maisons des Hébreux et commença à apprendre les coutumes, les mÏurs et la langue du peuple autochtone là-bas.

LA DESTRUCTION DES IDOLES

Quelques jours passèrent. Un jour, la sainte entendit dire que tous les habitants d'Ourbnisi et des alentours se préparaient pour aller à la capitale Mtskéta pour vénérer leurs faux dieux. Elle alla aussi avec eux.
À l'approche de la ville, ils rencontrèrent le cortège du roi Mirian et de la reine Nana. Mirian III (265-342) était fils du roi des Perses, Chosroé, et chef, en Ibérie, de la dynastie des Chosroïdes. Des foules de peuple, à la suite du couple royal, se dirigeaient vers le sommet d'une montagne pour vénérer l'idole sans vie, Armazi.
Entraînée par la foule, sainte Nina arriva à la montagne où se trouvait le temple des idoles. Elle s'arrêta à un endroit propice d'où elle observait l'idole. Celle-ci ressemblait à un homme de dimensions surnaturelles. Elle était forgée de cuivre doré et revêtu d'un bouclier et d'un casque dorés.
Le roi et toute la foule se tinrent debout avec piété et crainte devant elle. Ils tremblaient de peur que Armazi, enflammé de colère à cause de leurs manquements, ne les frappât de son épée.
Pendant ce temps, les prêtres préparaient les victimes. Quand le sacrifice fut immolé et le sang des victimes répandu, commencèrent le son des trompettes et le roulement des tambours. Aussitôt le roi et le peuple se prosternèrent face contre terre.
Le cÏur de la sainte s'enflamma du zèle du prophète Élie. Elle soupira profondément et se mit à prier avec ferveur :
«Ô Dieu tout-puissant ! Disperse ces idoles comme le vent disperse la poussière et la cendre. Toi, Seigneur et Maître, Tu aimes tant ta créature que Tu envoyas ton Fils unique pour le salut de nous tous. Délivre donc ces âmes de la domination du prince des ténèbres, qui aveugle leurs yeux spirituels afin qu'ils ne discernent pas le chemin du salut.»
La sainte n'avait pas terminé sa prière que soudain des nuages apparurent de l'occident. Le roi et le peuple comprirent le danger et partirent en courant, tandis que Nina se cacha dans la fente d'un rocher. Les nuages s'approchaient du temple des idoles. Un puissant ouragan éclata alors avec des tonnerres et des foudres. Les superbes idoles se brisèrent en morceaux et les murs du temple s'écroulèrent.
Le lendemain, le peuple et le roi cherchèrent en vain leurs dieux au milieu des boues et les décombres.
— Grand est le dieu Armazi, dirent-ils frappés de stupeur. Mais peut-être existe-t-il un dieu plus grand, et c'est pour cela qu'il l'a vaincu ? Est-ce peut-être le Dieu des chrétiens qui a humilié les anciens dieux des Arméniens ? É

LA PRÉDICATION

Quelque temps passa depuis la destruction des idoles. La sainte allait et venait maintenant à Mtskéta.
Un jour, elle passa à l'extérieur du jardin royal. La femme du jardinier, Anastasie, lui disant de l'attendre, courut à sa rencontre. Elle le fit entrer dans leur maison. Son mari y était aussi. Ils la prièrent tous les deux de rester auprès d'eux comme une sÏur. Elle l'accepta et le jardinier lui construisit une petite cellule dans un coin du jardin royal.
La sainte installa dans sa nouvelle demeure la croix que lui avait donnée l'Enfantrice de Dieu et passa ses jours et ses nuits en prières et en combats spirituels.
Les premiers Géorgiens qui crurent au Christ furent ce très-pieux couple qui avait offert l'hospitalité à la sainte. Et ils n'étaient pas seulement les premiers à croire, mais aussi les premiers à bénéficier de ses prières de thaumaturge. Anastasie, qui était stérile, devint une mère diligente et talentueuse.
À partir de là, avec la Grâce de Dieu, la sainte commença à accomplir beaucoup de miracles.
Une fois, une femme prit la route de la ville avec des larmes et des cris. Elle tenait dans ses mains son enfant mourant et, désespérée, demandait de l'aide. Sainte Nina prit l'enfant, le mit sur son matelas, qui était faite de feuilles, et pria. Ensuite, elle signa le nourrisson de la croix que lui avait donnée l'Enfantrice de Dieu et le remit guéri à sa mère.
Après ce miracle, la sainte commença à annoncer plus publiquement l'évangile et à appeler tous les Géorgiens, idolâtres et juifs, à se repentir et à croire au Christ. La piété, la droiture et la chasteté de sa vie devinrent connues de tous. Beaucoup de gens, et en particulier les femmes des Hébreux, allèrent auprès d'elle pour écouter de ses lèvres douces comme le miel la nouvelle doctrine du royaume de Dieu, et commencèrent à embrasser secrètement la foi chrétienne. Parmi elles se trouvait aussi la fille du chef de la synagogue des Hébreux de Cartle, Aviathar, ainsi que six autres femmes juives. Bientôt Aviathar lui-même crut aussi, en entendant comment la sainte interprétait les anciennes prophéties sur le Messie et comment ces prophéties s'accomplirent en la Personne du Christ.

LA TUNIQUE DU SEIGNEUR

Une fois, en discutant avec la sainte, Aviathar lui raconta les choses suivantes au sujet de la tunique du Seigneur :
— Comme je l'ai entendu de mes parents et eux de leurs aïeuls, lorsque Hérode régnait en Judée, les Hébreux de Mtskéta et de toute la Cartle apprirent que des princes étaient arrivés de Perse à Jérusalem. Ces princes cherchaient un enfant nouveau-né de la race de David, qui naquit d'une mère et sans père, et qu'ils appelaient roi des Juifs. Ils le découvrirent dans la ville de David, à Bethléem, dans une humble grotte, et lui offrirent des cadeaux royaux, de l'or, de l'encens odorant et de la myrrhe. Et après l'avoir vénéré, ils retournèrent dans leur pays.
Trente années passèrent à peu près depuis ces événements. C'est alors que mon bisaïeul, Élioz, reçut du grand-prêtre de Jérusalem, Anna, la lettre suivante : «Celui que les princes de Perse vinrent vénérer a atteint maintenant sa majorité et annonce qu'Il est le Christ, le Messie et le Fils de Dieu. Selon la loi de Moïse cependant, Il doit être mis à mort. Venez au plus vite à Jérusalem.»
Quand Élioz se préparait, avec d'autres, au voyage, sa mère, une vieille femme pieuse de la race du grand-prêtre Élias, lui dit :
«Va, mon enfant, puisque l'on t'appelle. Mais je te prie de ne pas t'identifier aux impies qui ont décidé de Le mettre à mort. C'est Celui de qui les prophètes dirent qu'Il serait énigme pour les sages, mystère caché, lumière des peuples et vie éternelle.»
Élioz alla de fait à Jérusalem et s'y trouva au moment de la crucifixion du Seigneur. Sa mère était restée à Mtskéta. Soudain, la veille de la Pâque, elle sentit dans son cÏur des coups puissants, comme d'un marteau qui cloue, et s'écria :
— «En cet instant, le royaume d'Israël est détruit, car il crucifie son Sauveur et Libérateur. Notre peuple sera désormais coupable de la mort du Christ. Malheur à moi qui ne suis pas morte plus tôt, pour ne pas entendre ces coups épouvantables ! Je ne verrai plus la gloire d'Israël sur terre.»
Et ce disant elle rendit l'âme.
Après la crucifixion, Élioz demanda la tunique du Seigneur au soldat qui l'avait gagnée au sort, et la transféra à Mtskéta.
Élioz, après avoir confirmé l'intuition de sa mère concernant la crucifixion du Seigneur, laissa la tunique à sa sÏur Sidonie. Celle-ci la prit et commença à l'embrasser en versant des larmes. Puis, l'ayant serrée contre sa poitrine, elle tomba morte. Aucune force ne put arracher à ses mains le vêtement sacré. Le roi Anderkios, qui, à peine fut-il informé de sa mort inattendue, vint avec ses courtisans, essaya aussi de la lui prendre, mais c'était impossible.
Un temps passa. Élioz enterra entre-temps sa sÏur morte, ensemble avec la tunique. Il fit la sépulture en si grand secret que personne ne sait jusqu'à présent où se trouve le tombeau de Sidonie. Certains disent qu'il est au centre du jardin royal, à l'endroit où se trouve aujourd'hui un cèdre à l'ombre épaisse. Ce cèdre, qui poussa tout seul après la mort de Sidonie, rassemble autour de lui beaucoup de gens. Ils croient qu'il y a une grande force à l'intérieur de l'arbre.
Dès que la sainte entendit cette tradition, elle commença à aller prier la nuit sous le cèdre. Elle douta fort que la tunique du Seigneur fût réellement cachée dans ses racines. Quelques visions révélatrices la convainquirent cependant que le lieu était saint et que dans l'avenir il serait glorifié.
Ainsi, une nuit, pendant qu'elle priait, elle vit un essaim d'oiseaux noirs, qui arrivaient de tous les pays voisins au jardin royal. De là, ils se dirigèrent à la rivière Aragvi et, après s'être baignés dans ses eaux, ils s'envolèrent en haut. Puis, plus blancs que la neige, ils s'assirent dans les branches du cèdre et remplirent le jardin de chants paradisiaques. La visions signifiait que les peuples des alentours seraient illuminés avec l'eau du saint baptême, et à l'emplacement du cèdre, une église chrétienne serait construite pour la glorification du vrai Dieu.
Sainte Nina vit de même que les montagnes Armazi et Zendazène tremblaient et tombaient.
Un autre fois encore, elle entendit des bruits de guerre et des cris sauvages des démons, qui entrèrent dans la capitale sous la forme de guerriers persans. Cette vision effrayante disparut cependant, dès que la sainte éleva la croix, fit son signe dans l'air et dit :
— «Arrêtez-vous, démons ! La fin de votre domination est arrivée. Voici le Vainqueur !»

LA CONVERSION DU COUPLE ROYAL

La sainte, confirmée par ces signes que le salut du peuple ibérique s'approchait, prêcha sans relâche la Parole de Dieu. Avec elle prenaient part également à l'Ïuvre évangélique les premiers fidèles, en particulier le chef de la synagogue, Aviathar, et sa fille.
Le roi Mirian lui-même commença à se poser des questions concernant la foi chrétienne. Il savait déjà que dans l'empire romain, le roi Constantin (324-337), après avoir vaincu tous les ennemis par la force de la croix, et du Nom du Christ, était devenu champion des chrétiens.
À cette époque, l'Ibérie se trouvait sous l'influence des Romains, qui ont pris Bakar, le fils de Mirian, comme otage, à Rome. C'est pourquoi Mirian n'empêchait pas sainte Nina de prêcher le Christ dans son pays. La reine Nana, de son côté, était une femme dure et fanatiquement attachée à l'idolâtrie. Mais la Grâce de Dieu la visita rapidement.
La reine tomba gravement malade. Les médecins ne purent rien pour elle. Alors quelques femmes de la cour la prièrent d'appeler Nina l'étrangère, qui, par une seule prière à son Dieu, guérit toute maladie.
Nana donna l'ordre de l'amener auprès d'elle. La sainte, cependant, voulant éprouver sa foi et son humilité, dit aux envoyés :
— «Si la reine veut se porter bien, qu'elle vienne ici, dans ma cellule, et je crois qu'avec la force du Christ, elle sera guérie.»
Nana accepta l'ordre de la sainte, et dit qu'on la conduisît sur un brancard dans sa cabane. La sainte plaça la malade sur sa couche. Elle s'agenouilla à côté d'elle, et pria avec ferveur la Médecin des âmes et des corps. Puis, elle prit sa croix et l'appuya contre la tête, les épaules et les pieds de la malade, tout en faisant ainsi le signe de la croix.
La reine se leva aussitôt en bonne santé, remercia son Bienfaiteur et, retournée au palais, confessa devant le roi Mirian que le Christ est le vrai Dieu. Elle fit de Nina son amie intime. Plus tard, elle se fit baptiser et devint une fervente chrétienne. Après sa mort, le peuple la vénéra comme sainte. Sa mémoire est célébrée le premier octobre.
Le roi Mirian, en revanche, refusait obstinément de devenir chrétien. Et, alors qu'au début il fit preuve de modération et de tolérance, plus tard, il fit le projet d'exterminer les chrétiens et de torturer cruellement sainte Nina. Voilà comment il s'en donna le prétexte :
Un jour, il eut la visite d'un parent du roi des Perses, homme cultivé et adepte fanatique de la doctrine de Zoroastre. Dans quelques jours cependant, il tomba gravement malade, possédé des démons.
Mirian craignait beaucoup la colère du roi de Perse. Il se vit obligé donc d'appeler sainte Nina pour le guérir. Celle-ci demanda que l'on amenât le possédé au cèdre, au milieu du jardin royal. Quand il fut arrivé, elle le fit tourner vers l'orient, lui fit lever les mains et répéter trois fois :
— «Je renonce à Satan et me livre au Christ, le Fils de Dieu !»
À peine eut-il proféré la confession que l'esprit mauvais le secoua et le jeta bas comme mort. Mais ne pouvant pas résister aux prières de la sainte, il fut obligé de sortir du malade, qui crut au Christ et retourna chrétien dans son pays.
Mirian aurait préféré le voir mort que chrétien, car il craignait beaucoup le roi de Perse qui était adorateur du feu. Il commença donc à menacer de mettre Nina à mort et d'exterminer tous les chrétiens du pays.
Troublé comme il était, il pensait se détendre par la chasse. Il partit avec sa suite dans les forêts de Mouchrani. Soudain, alors qu'il faisait jour et plein soleil, il se fit une obscurité profonde et un orage éclata. Les éclairs aveuglèrent le roi, tandis que les tonnerres dispersèrent ses compagnons. Désespéré de sa cécité inattendue, il se mit à invoquer ses dieux, mais en vain. Alors, il pensa que la Main punissante du vrai Dieu était tombée sur lui, et s'écria :
— «Ô Dieu de Nina ! Ôte l'obscurité de mes yeux et je Te confesserai et je glorifierai ton Nom !»
Aussitôt tout s'éclaira autour de lui, tandis que le vent de tempête tomba. S'émerveillant de la Puissance du Christ, il éleva les mains et dit en larmes :
— «Ô Dieu de Nina ! Tu es le seul vrai Dieu ! Maintenant je vois ta grande Miséricorde qui m'entoure. Je sens ta proximité. Mon cÏur se remplit de joie et de consolation. En ce lieu, j'érigerai une croix pour commémorer éternellement ta divine manifestation à moi.»
En retournant à la ville, il criait fort sur les routes :
— «Glorifiez tous le Dieu de Nina, le Christ !»
La reine était sorti pour aller au-devant de lui. Une foule du peuple se rassemblèrent autour d'eux. Tous ensemble, ils se dirigèrent à la petite cellule de Nina. À peine Mirian l'eut-il aperçue qu'il se jeta à ses pieds et dit :
— «Ô ma mère ! Enseigne-moi et fais que je sois digne d'invoquer le Nom de ton grand Dieu, de mon Sauveur !»
Des larmes de joie coulèrent des yeux de la sainte. Les voyant, le couple royal et tout le peuple avec eux se mirent à pleurer aussi.
La conversion du roi au Christ fut décisive. Mirian sera devenu pour la Géorgie ce que fut Constantin le Grand pour l'Empire romain. Le Seigneur le choisit pour conduire à la vraie foi tous les peuples d'Ibérie. Il envoya donc sans tarder des ambassadeurs à l'empereur Constantin, avec la demande de dépêcher un évêque et des prêtres pour baptiser son peuple et lui enseigner la foi chrétienne.

LA PREMIÈRE ÉGLISE

Pendant ce temps, sainte Nina enseigna sans relâche le saint évangile et disait à tous les Géorgiens de prier, pour se préparer de cette façon au saint baptême.
En attendant que les prêtres vinssent, le roi pensa construire une église à l'endroit où s'élevait le fameux cèdre.
Le cèdre fut coupé. Ses six branches devinrent des colonnes et furent placées facilement aux endroits fixés de l'édifice. Mais lorsque les bâtisseurs voulurent lever la septième colonne, qui était faite du tronc du cèdre, pour la placer comme fondation de l'église, ils ne purent la remuer.
Le soir, le roi partit attristé. Le peuple se dispersa aussi. Seule sainte Nina resta toute la nuit à l'endroit de l'édifice avec ses femmes disciples. Elle priait le Seigneur et arrosa de ses larmes la colonne inamovible.
Vers l'aube apparut à la sainte un jeune homme merveilleux, ceint d'une ceinture de feu. Il alla près d'elle et chuchota dans son oreille trois mots mystérieux. À peine les eut-elle entendus qu'elle tomba à terre et le vénéra. Le jeune homme s'approcha de la colonne, l'empoigna et la leva bien haut. La colonne brilla comme un éclair, illuminant toute la ville.
Roi et peuple, voyant ce signe, coururent à l'emplacement de l'édifice. Et que voient-ils ! Cette colonne inamovible, sans être soutenue par personne, tantôt s'élevait de vingt aunes au-dessus de la terre, tantôt descendait pour toucher l'endroit où se trouvait avant le cèdre. Finalement, elle s'immobilisa à son emplacement. Alors, de sa base commençait à couler de la myrrhe odorante et guérissante. Cette myrrhe guérit de toute maladie quiconque accourt ici pour s'en oindre avec foi.
Très vite s'acheva la construction de l'église, de la première église de bois en Ibérie, qui fut consacrée aux douze saints apôtres et s'appela Svetitschoveli (Colonne Vivifiante). Cette église est en pierre aujourd'hui.

LE BAPTÊME

Sur ces entrefaites, les ambassadeurs de Mirian furent reçus par le saint roi Constantin avec grands honneurs. En revenant, ils ramenèrent en Ibérie l'archevêque d'Antioche, Eustathe 1 er avec deux prêtres.
L'archevêque baptisa premièrement la famille royale, et par la suite, les généraux et les magnats du roi.
Le peuple s'approcha du mystère avec beaucoup de joie, entraîné par les paroles de sainte Nina disant que celui qui naît de l'eau et de l'Esprit (Jn 3,5), verra la vraie lumière et héritera la vie éternelle.
Finalement; les prêtres parcoururent les villes et les villages, baptisant le peuple. Ainsi, très vite et pacifiquement, tout le pays de Cartle fut baptisé, à l'exception des montagnards du Caucase, qui pendant beaucoup d'années encore restèrent dans l'idolâtrie.
Parmi les Hébreux de Mtskéta furent baptisés : Aviathar avec toute sa maisonnée et encore cinquante familles juives, lesquelles furent, comme le rapporte la Tradition, des descendants du brigand Barabbas.
Avec l'Aide de Dieu, l'archevêque Eustathe et sainte Nina illuminèrent en quelques années le pays des Ibères. L'archevêque ordonna l'usage de la langue grecque pour le culte et consacra à Mtskéta la première église des Saints-Apôtres, qui fut construite selon le plan de l'église du même nom de Constantinople. De même, il sacra le prêtre Jean évêque, sous la dépendance du trône d'Antioche. Enfin, après avoir souhaité la paix en Christ à l'Église nouvellement fondée, il retourna à Antioche.
Des années après, le pieux Mirian envoya une nouvelle ambassade à Constantinople. Il demanda à l'empereur d'envoyer en Ibérie davantage de prêtres, car il souhaitait qu'il n'y ait personne dans son royaume qui manque l'opportunité d'écouter la parole du salut.
Constantin le Grand obéit à la demande de Mirian avec beaucoup d'empressement. Il donna aux envoyés des croix, des icônes, des reliques des saints, et, ce qui est plus important, un morceau de la vénérable Croix, et un des clous qui avaient percé les très-purs Membres du Seigneur. De même, il renvoya avec eux Bakar, qu'il tenait en otage, avec de riches cadeaux, accompagnés de cette lettre à l'adresse de son père, Mirian :
«Moi, Constantin, empereur, devenu serviteur du Roi céleste lorsque Celui-ci me délivra des chaînes du diable, je vous écris, à vous, roi Mirian, qui, comme moi, fûtes récemment conduit à la foi. Que la joie et la paix de ceux qui connaissent le Dieu infini soient avec vous. Il n'est plus nécessaire que je garde en otage aucun des vôtres. Il suffit pour moi que nous avons un Maître commun, le Christ, le Fils de Dieu. Je vous remets donc votre enfant. Jouissez de sa présence. Que l'ange de la paix de Dieu soit avec vous. Que le Dieu Créateur bannisse le mauvais Satan de votre royaume pour toujours.»
Retournant en Ibérie, les envoyés de Mirian ramenèrent avec eux beaucoup de prêtres et d'artisans constructeurs d'églises. Ainsi fut construite la première église dans le village d'Erouseti, dans les limites de Cartle.
La deuxième église fut construite dans le village de Manglisi, à quarante kilomètres de Tiflis. À Mtskéta fut construite une église en pierre, dédiée à la Transfiguration du Seigneur, à l'intérieur du jardin royal, près de la cellule de sainte Nina.

NOUVEAUX COMBATS

La sainte ne vécut pas pour voir cette magnifique église terminée. Fuyant la gloire et les honneurs du roi et du peuple, elle se réfugia dans la montagne Kazbek, près de la source de la rivière Aragvi. C'est là qu'elle se préparait, par des prières et des jeûnes, à de nouveaux combats apostoliques.
Comme elle errait dans les monts, elle découvrit une petite grotte. Elle s'y installa, et avec ses prières pleines de larmes, elle fit jaillir de l'eau de son rocher. Une source se forma ainsi, qui est appelée «larmoyante», car jusqu'à nos jours y coulent des gouttes comme des larmes. Elle est appelée également «lactopluvieuse», parce qu'elle donne du lait aux seins des mères qui en manquent.
À cette période, les habitants de Mtskéta virent certaines nuits quelque chose de merveilleux : Une croix lumineuse, entourée d'un diadème d'étoiles s'alluma au-dessus de l'église en construction pour l'orner. À l'aube, quatre étoiles brillantes se séparèrent de la croix. De celles-ci, l'une se dirigea vers l'orient, l'autre alla vers le couchant, la troisième illumina l'église, l'évêché et toute la ville, et la dernière, après avoir illuminé le refuge de la sainte, s'élevait comme le sommet d'un rocher escarpé, où se trouvait un arbre imposant.
Ni l'évêque Jean ni le roi ne pouvaient comprendre ce que symbolisait la vision. Mais la sainte donna l'ordre de couper l'arbre pour fabriquer quatre croix. Ensuite, elle dit de placer la première croix sur le rocher escarpé, la deuxième à l'ouest de Mtskéta, sur la montagne Tkoti, où le roi fut aveuglé, retrouva sa lumière et crut au Christ. La troisième croix, elle ordonna de la donner à la reine Salomé, femme du fils de Mirian Révi, pour qu'elle l'érige dans la ville d'Outzarma. Elle destina la quatrième au village de Bodbè de la Cachète. Elle ira aussi bientôt elle-même dans ce village pour prêcher.
De fait, après avoir pris avec elle un certain prêtre, Jacob, et un diacre, elle monta dans les régions montagneuses au nord de Mtskéta, pour annoncer l'évangile aux habitants montagnards du Caucase. Avec la Grâce de Dieu, mais aussi avec les miracles et les prières de la sainte, les sauvages de Tsaléti, de l'Ertso et du Tianéti, de même que ceux des régions des alentours, crurent au Christ, détruisirent les idoles et se firent baptiser.
Sainte Nina alla ensuite en Kakabéti, où elle conduisit tous les habitants à la foi chrétienne, et se dirigea après au sud de la Cachète, dans le village de Bodbè, où elle s'installa. Cette partie fut la dernière station de sa tournée terrestre et de ses fatigues missionnaires. Elle bâtit une hutte sur le flanc de la montagne et passa ses jours et ses nuits en prières devant la vénérable Croix.
Très rapidement, elle aiguillonna l'intérêt et l'attention des habitants. Ils allaient régulièrement auprès d'elle pour écouter son enseignement sur la foi en Christ et le chemin pour l'éternité. En l'espace de peu de temps, des foules du peuple se firent baptiser par le prêtre Jacob.

LA FIN

La prédication de la sainte en Cachète fut la dernière Ïuvre de son ministère apostolique sur la terre de l'Ibérie. Dieu lui révéla que sa fin approchait. Elle écrivit alors la lettre suivante à Mirian : «Que ton royaume soit béni de Dieu éternellement, qu'il ait le secours de la toute-sainte Enfantrice de Dieu et la protection de la vénérable Croix. Moi, comme étrangère et passagère, je m'en vais maintenant de ce monde. Je suivrai le chemin de mes pères. Envoie-moi, je t'en prie, l'évêque Jean. Il faut qu'il me prépare au voyage éternel, car le jour de ma mort est proche.»
À peine le roi eut-il lu la lettre qu'il partit précipitamment avec tous ses courtisans et tout le clergé pour la Cachète. Il trouva la sainte vivante. Une foule de peuple avait entouré son lit de mort et l'arrosa de larmes. Beaucoup de malades qui s'y appuyaient furent guéris.
Les femmes disciples de la sainte pleuraient auprès d'elle, et lui demandaient instamment de raconter ses origines et sa vie. Salomé, la reine d'Outzarma nota ses paroles. Ces notes constituèrent la source de base pour les biographies de la sainte.
— «Qu'elle écrive, dit la bienheureuse Nina, ma vie misérable et paresseuse, afin de la faire connaître à vos enfants. Qu'elle l'écrive, afin que vos descendants apprennent avec quelle foi et quel amour vous m'avez entourée, de même que les signes divins que vous avez vu de vos propres yeux.»
Ensuite, elle parla de la vie éternelle, puis reçut la communion avec beaucoup de piété, des mains de l'évêque. Enfin, elle demanda à être enterrée dans la pauvre cabane où elle se trouvait à cette heure, de sorte que l'Église nouvellement fondée de la Cachète ne reste pas orpheline. Ainsi, après beaucoup d'années de ministère apostolique fécond, elle remit son âme en paix dans les Mains du Christ le 14 janvier, vraisemblablement en l'an 338.
Le roi, l'évêque et tout le peuple, pleurant la mort de la grande athlète de la foi, voulurent transporter sa dépouille à la cathédrale de Mtskéta et l'enterrer à côté de la colonne miraculeuse. Mais en dépit de toutes leurs tentatives, ils ne purent pas déplacer, du lieu de son choix, le cercueil de la sainte. Ainsi, ils l'enterrèrent là, dans sa modeste cabane, dans le village de Bodbè.
En 342, le roi Mirian fonda, sur sa tombe, une église dédiée à son parent le grand-martyr Georges, qui fut terminée et consacrée par son fils Bakar (342-364). Cette église reste intacte jusqu'à nos jours. Au même emplacement fut fondé plus tard un monastère de femmes.
Le Dieu de toute bonté glorifia sainte Nina, conservant son corps incorrompu. Il le garda de même caché «sous le boisseau», comme elle-même l'a demandé. Sur sa tombe, beaucoup de miracles se produisirent. Ces miracles surnaturels, mais davantage sa vie angélique et ses fatigues apostoliques, amenèrent l'Église nouvellement fondée de l'Ibérie à la proclamer, avec la bénédiction de l'Église d'Antioche, égale-aux-apôtres et illuminatrice de l'Ibérie. Ainsi, la bienheureuse Nina fut comptée dans le chÏur des saints et destinée à être honorée tous les ans le 14 janvier, jour de sa dormition.
La proclamation semble avoir été faite très vite après sa mort, parce que des églises commencèrent aussi à être construites rapidement en son honneur.
En face de Mtskéta, sur la montagne où la sainte détruisit l'idole d'Armazi par sa prière, une petite église en pierre, dédiée à son nom, est restée intacte jusqu'à nos jours; elle fut construite par le roi Vachtang Gourg-Aslan (446-499).
C'est à juste titre que sainte Nina est honorée par l'Église de la Géorgie comme égale-aux-apôtres. Car si «celui qui ramènera un pécheur de sa voie» (Jcq 5,20) et «qui sépare le précieux de l'indigne» (Jér 15,19) est la Bouche de Dieu, sainte Nina était encore plus la Bouche de Dieu, elle qui conduisit des milliers d'âmes de l'idolâtrie au Christ. Maintenant, elle se réjouit avec le chÏur des saints dans le royaume des cieux et intercède sans cesse auprès du Seigneur pour quiconque honore sa glorieuse mémoire et invoque ses saintes prières.

APPENDICE

LA CROIX DE LA SAINTE

La croix en bois de sarment, que l'Enfantrice de Dieu avait donné à sainte Nina fut gardée, comme on le sait, en 458, dans la cathédrale de Mtskéta. Plus tard, lorsque les pyrolâtres déclenchèrent la persécution contre les chrétiens, un certain moine du nom d'André transféra la croix en Arménie. Elle y resta jusqu'en 1239, lorsqu'elle fut de nouveau transférée en Géorgie et déposée dans la cathédrale de Mtskéta. Cependant, elle fut entre temps cachée plusieurs fois, pour ne pas être profanée par les ennemis, dans les montagnes soit dans l'église de la Sainte-Trinité au mont Kazbek, où elle fut conservée jusqu'à nos jours, soit dans l'ancienne église de l'Enfantrice de Dieu, dans le fort d'Ananouri.
Pendant un demi-siècle (1749-1801), la croix était en Russie, gardée dans les propriétés des princes de Géorgie à Nizenkorsk.
Aujourd'hui ce symbole des travaux évangéliques de sainte Nina est gardée à la cathédrale de Sion à Tiflis, dans un coffre d'argent, près des portes du nord du sanctuaire. Sur le dessus du coffre, on distingue des représentations gravées de la vie de la sainte et les miracles qu'elle accomplit par la force de cette croix.

LA TUNIQUE DU SEIGNEUR

En ce qui concerne la tunique du Seigneur et sa recherche par sainte Nina, les chroniqueurs géorgiens rapportent peu d'éléments. D'après leurs témoignages, il semble que la sainte découvrit bien le tombeau, où fut enterrée Sidonie avec la tunique.
La sainte avait donné l'ordre de couper le cèdre qui poussait sur la tombe. Mais la souche qui resta dans la terre avec la racine, elle l'emporta comme si ce fût selon l'ordre du jeune homme porteur de lumière, qui apparut à sa prière en lui disant les trois mots mystérieux.
Quand les envoyés de Mirian rapportèrent de Constantin le Grand un morceau de la vénérable Croix et un clou, ils ne les apportèrent pas à Mtskéta, mais le premier, ils l'emportèrent à Manglisi, tandis que le second à Erouseti. Puisque cet événement contraria le roi Mirian, la sainte lui dit :
— «Ne t'afflige pas, roi ! Il fallut que cela fût ainsi afin que la vénérable Croix protège les confins de ton royaume et que la foi du Christ se répande. Quant à toi et à ta capitale, il vous suffit la grâce que la très-précieuse Tunique du Seigneur se trouve ici.»
Tant que vécut la sainte, mais après sa mort aussi, il coula des racines du cèdre de la myrrhe odorante et guérissante, preuve de la présence de la tunique à cet endroit.
L'archevêque Nicolas I er, qui administrait l'Église géorgienne au milieu du 12 e siècle (1150-1160), célèbre pour sa sainteté et sa sagesse, note ce qui suit : «Beaucoup, à mon époque, doutent s'il existe réellement sous la colonne miraculeuse la tunique du Seigneur. Ce doute est légitime, car la tunique ne se manifesta jamais, jamais personne ne la vit. Jusqu'à ce tant que les miracles, tant les anciens que ceux d'aujourd'hui, que nous voyons tous de nos yeux, sont dus à la tunique du Seigneur et s'accomplissent par la colonne myrovlite».
Par la suite, l'archevêque, énumérant les miracles, décrit comment fut immolée, par le feu qui vint de la terre, la femme d'un sultan turc, qui voulut, par curiosité, ouvrir la tombe de Sidonie pour voir la tunique. Il rapporte de même que les Tatares qui étaient venus avec elle pour creuser, furent frappés par une force invisible. «Ce miracle, note le même, beaucoup le virent et tous l'entendirent.»
L'archevêque Nicolas considéra la myrrhe exsudée comme un miracle permanent. Le suintement fut manifeste toujours par tous. «Chacun voit, dit-il, l'humidité sur le côté oriental de la colonne. Certains, par impiété, enduisirent ce côté de chaux, mais ne purent pas arrêter le flot de la myrrhe. De la foule de guérisons qui s'opérèrent par elle, nous sommes tous témoins.»
L'archevêque Nicolas composa un office en l'honneur de la tunique du Seigneur, lequel plus tard fut amendé et complété par les évêques Bessarion et Antoine.

1 Il s'agit de saint Eustathe, archevêque d'Antioche, qui s'endormit en 337. Sa mémoire est célébrée le 21 février.