SAINT BENOÎT BISCOP, ABBÉ EN ANGLETERRE
(628-690)
tiré de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 1 p. 283 à 285
fêté le 12 janvier
Benoît1 était anglais d'origine, d'une famille fort considérable par sa noblesse. Ses parents le firent élever dans les exercices militaires, à dessein d'en faire, dans la suite, un grand capitaine; et, comme il était naturellement fort courageux, il acquit bientôt beaucoup de réputation dans les armes. Oswy, roi de Northumberland, pays septentrional d'Angleterre, l'ayant appelé à sa cour, le saint y passa quelques années; mais notre Seigneur, qui le destinait à d'autres emplois, lui parla dans le secret du cÏur et le fit résoudre d'abandonner le monde. Il sortit non seulement de la cour, mais aussi du lieu de sa naissance, et entreprit le voyage de Rome pour honorer les tombeaux des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul et pour être mieux instruit des principes de la foi et des règles de la perfection chrétienne, que l'on n'enseignait que fort imparfaitement dans son pays nouvellement converti. Étant arrivé en cette célèbre ville, il visita avec une singulière piété tous les sanctuaires qui la rendent si vénérable; à son retour, il s'appliqua entièrement à l'étude des saintes Écritures et aux exercices de piété. Cinq ou six ans après, Alefrid, fils du roi Oswy, eut envie de visiter les tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul; il pria le saint de l'accompagner; mais le père du prince s'étant opposé à ce pèlerinage, Benoît partit seul pour Rome, afin de s'y perfectionner de plus en plus dans la science du salut. En revenant d'Italie, il passa par le célèbre monastère de Lérins, où il prit l'habit religieux. Après y être resté deux ans, il revint à Rome, l'an 668. Son dessein n'était pas d'en sortir; mais la pape Vitalien voulut qu'il accompagnât saint Théodore, archevêque de Cantorbéry, et saint Adrien, qu'il envoyait en Angleterre afin de travailler à l'instruction
de ce nouveau peuple chrétien.
Saint Benoît fut chargé du monastère de Saint-Pierre et de Saint-Paul, qui n'était pas éloigné de la ville de Cantorbéry : laissant cette charge quelque temps après à saint Adrien, il fit un nouveau voyage à Rome. Il voulait acquérir de nouvelles lumières sur la discipline de l'Église et sur les diverses constitutions monastiques : ce qui l'engagea à rester un temps assez considérable en plusieurs endroits de l'Italie. À son retour, ayant trouvé grâce auprès de son prince, qui était Egfrid, successeur d'Oswy, il bâtit deux monastères : l'un près de la rivière de la Were, en l'honneur du prince des apôtres, appelé pour cette raison Weremouth (674); l'autre, sous l'invocation de saint Paul, près de la rivière de Tyne; ce dernier porta d'abord le nom de Girwy, puis celui de Jarrow, vers 677. Comme ils étaient proche l'un de l'autre, il fut supérieur de tous les deux; mais il eut soin d'y mettre sous lui des personnes d'une éminente sainteté, à savoir : Esterwin et Céolfrid ou Céolfroid, que l'Église d'Angleterre honore en qualité de saints. L'établissement de ces supérieurs subalternes était devenu nécessaire, parce que les voyages et les diverses occupations du saint ne lui permettaient pas de tout faire par lui-même. Il enseigna à ses moines toutes les pratiques de piété qui s'observaient dans les monastères de Rome, et dans ceux qu'il avait visités en chemin, souhaitant passionnément de voir la vie monastique fleurir dans son pays, comme elle florissant en France et en Italie; il établit même en son abbaye un collège où il enseigna publiquement; et il s'est trouvé en même temps jusqu'à six cents moines qui prenaient ses leçons. On lui confia le vénérable Bède dès l'âge de sept ans, afin que, étant élevé sous sa discipline, il répondît aux grandes espérances que l'on concevait de son beau naturel, ce qui réussit très avantageusement.
Ce bienheureux abbé fit encore d'autres fois le voyage de France et d'Italie, tant pour le bien de son ordre que pour l'utilité de toute l'Église d'Angleterre, dont il s'occupa toujours avec grand soin. Il avait surtout un zèle extraordinaire pour tout ce qui pouvait relever la gloire et la beauté de la maison de Dieu, et rendre les cérémonies ecclésiastiques pompeuses et magnifiques. Il n'y avait presque point alors, en Angleterre, de temples ni de chapelles bâties en pierre; l'usage des vitres aux fenêtres y était inconnu, les peintures sacrées y étaient fort rares, et l'on n'y trouvait les livres des saints pères qu'en très petite quantité. Mais cet homme industrieux pourvu admirablement à tous ces besoins. Il amena avec lui, d'outre-mer, des architectes, des vitriers et des peintres, les plus habiles qu'il put trouver, et fit bâtir des basiliques de pierres solides, orner les fenêtres de vitres historiées, et décorer les autels et les parois de belles peintures. Il apporta aussi un grand nombre de livres dont il enrichit les bibliothèques de ses monastères, et beaucoup de tableaux où nos mystères étaient représentés; il les exposa aux yeux des fidèles, afin que les ignorants y apprissent ce que nous croyons, comme les autres l'apprennent dans les livres. Il ne manqua pas non plus
de procurer à son pays des reliques fort considérables qui lui furent données par les papes, à qui son ardeur pour les choses saintes fut fort agréable. Mais ce qui le satisfit principalement, fut que le pape saint Agathon envoya avec lui Jean, abbé de Saint-Martin, maître de la musique et des cérémonies de Saint-Pierre,2 pour introduire ces cérémonies en Angleterre, et y apprendre la méthode de bien chanter. Aussi, tant qu'il fut dans lÕîle, saint Benoît eut un soin extraordinaire de lui et ne permit pas que d'autres que ses moines pourvussent à sa subsistance; de là vient qu'ils furent les mieux instruits sur tout ce qui appartenait à la célébration des offices ecclésiastiques. Lui-même y devint si habile, qu'il composa un livre sur ce sujet, intitulé : De la Célébration des Fêtes, afin que l'on n'oubliât pas ce que l'on avait appris de ce chantre de l'Église romaine. Le vénérable Bède, parlant de cette prévoyance charitable de son maître saint Benoît, dit qu'il a travaillé avec tant de zèle, afin que les siens vécussent en repos; et qu'il a entrepris tant de voyages, afin que, étant fournis de toutes les choses nécessaires, ils pussent servir paisiblement notre Seigneur dans l'enceinte de leurs monastères, sans être obligés d'en sortir. Il fit un cinquième voyage à Rome à une époque qu'il serait difficile de préciser.
Enfin, étant devenu vieux et infirme, il donna de rares exemples de patience à ses disciples, souffrant sans chagrin et avec beaucoup de tranquillité et de joie des maladies très douloureuses. Sa plus grande récréation était de parler quelquefois des lieux saints qu'il avait visités, de l'exacte observance des monastères, et du bonheur des personnes qui aiment leur vocation. Les trois dernières années de sa vie, une cruelle paralysie le priva de l'usage de ses membres et l'obligea enfin à garder le lit. Lorsqu'il ne lui fut plus possible d'assister à l'office canonial, quelques moines, partagés en deux chÏurs, vinrent chanter à côté de lui les psaumes de chaque heure du jour ou de la nuit; il s'unissait à eux autant qu'il le pouvait, mêlant même sa voix avec les leurs. Son esprit ne s'occupait que de Dieu et de la perfection de ses disciples qu'il exhortait fréquemment à observer leur règle avec exactitude : «Mes enfants, leur disait-il, n'allez pas regarder comme une invention de mon esprit les constitutions que je vous ai données. Après avoir visité dix-sept monastères bien disciplinés, dont j'ai tâché de connaître parfaitement les lois et les usages, j'ai formé un recueil de toutes les règles qui m'ont paru les meilleures : c'est ce recueil que je vous ai donné».
Il mourut après avoir reçu le saint Viatique, le 12 janvier 690. On transféra ses reliques à l'abbaye de Thorney, en 970. Les moines de Glastonbury prétendaient en avoir une partie.
Les abbayes de Weremouth et de Jarrow furent détruites par les Danois. Rétablies en partie, elles existaient encore sous le titre de prieurés, lorsque les monastères d'Angleterre furent détruits l'an 37 du règne de Henri VIII. Ces deux prieurés étaient soumis à l'abbaye de Durham depuis l'an 1083.
On place près de lui les deux monastères de Saint-Pierre et Saint-Paul, lesquels ont été l'origine des deux villes de Weremouth et de Jarrow : il est a était l'un des patrons de ces localités.
1 Son vrai nom était Biscop Baducing.
2 PrÏcentor, archichantre, en vieux français préchantre, princhantre.