SAINT LAZARE, MOINE ET ICONOGRAPHE

fêté le 23 février

tiré de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 2 p. 628 à 629


Lazare quitta de bonne heure le Caucase, où il était né, pour embrasser la vie contemplative dans un monastère de Constantinople. Durant les heures qu'il ne consacrait point à la dévotion, il apprit la peinture, étude dont on s'occupait généralement dans les monastères, depuis que les iconoclastes avaient déclaré la guerre aux icônes. L'empereur Théophile, grand fauteur de ces hérétiques (829), déclara particulièrement la guerre à tous les peintres chrétiens, qu'il résolut de faire mourir, s'ils ne crachaient eux-mêmes sur les saintes images et ne les foulaient aux pieds. Notre saint, qui excellait en l'art de peindre, était donc l'un de ceux qui furent arrêtés pour ce sujet. Dès que l'empereur l'eut vu, il s'efforça de le gagner par de belles paroles, afin qu'il se rangeât de son parti; mais, voyant qu'il perdait son temps et sa peine, il eut recours à ses violences ordinaires, et fit tourmenter ce moine avec tant de cruauté, que, ne le croyant plus en état de pouvoir vivre, il la fit jeter dans un cloaque. Mais, peu de temps après, le confesseur de Jésus Christ, ayant recouvré quelque peu de force et de santé, recommença à travailler à ses ouvrages ordinaires et à peindre des images; Théophile lui fit appliquer des lames de fer ardentes sur les paumes des mains, ce qui lui consuma toute la chair et le fit tomber demi-mort. Alors la divine Providence, qui voulait réserver ce bon peintre pour servir encore son Église, permit que Théophile, gagné par les prières de sa femme, l'impératrice Théodore, et de ses favoris, fît sortir notre saint de prison. Étant délivré de la sorte, il se tint quelque temps caché à Constantinople, dans une église de saint Jean-Baptiste, que l'on appelait la Terrible; là, ce pieux peintre, quoique estropié des mains, ne laissa pas de faire une image du saint précurseur; elle a duré longtemps, et Dieu s'en est servi pour faire beaucoup de miracles.
Quelques années après, cet empereur mourut misérablement de la dysenterie à la suite d'une bataille qu'il avait perdue contre les Sarrasins (842); et Michel III, son fils, lui succéda à l'empire. Ce prince ayant rétabli, par le soin de sa mère, le culte des saintes images, le moine Lazare se remit plus que jamais à travailler à de beaux ouvrages, parmi lesquels on remarque une excellente image de notre Seigneur Jésus Christ, qu'il posa sur une colonne d'airain. Supplié par la sainte impératrice Théodore de pardonner à son mari défunt et de prier Dieu pour son âme, pour qu'il lui fît miséricorde, il lui répondit qu'il n'était plus temps de fléchir la justice de Dieu.
Néanmoins, plusieurs auteurs rapportent que cette pieuse princesse sollicita instamment le patriarche Méthodius et les autres évêques assemblés pour célébrer l'anniversaire d'une fête appelée Orthodoxie, de prier Dieu pour l'empereur son mari, et que les prélats le firent avec une telle ferveur, qu'ils obtinrent de la miséricorde divine la rémission de tous ses crimes. On peut voir là-dessus Bollandus en la vie de sainte Théodore, au 11 de ce mois.
Michel, persuadé du mérite de notre saint, l'an troisième de son empire l'honora d'une célèbre ambassade d'obédience vers le pape Benoît III, nouvellement élu, et le chargea de lui présenter de sa part un livre des évangiles, couvert d'or massif et enrichi de pierres précieuses; un calice de semblable matière et plusieurs autres ornements d'église en étoffes fort rares : ce qui montre combien Dieu sait honorer ses serviteurs, et quelle récompense il donne, même dès ce monde, à ceux qui ont enduré quelque peine pour sa gloire et pour la justice.
On ne sait rien des autres actions de saint Lazare, sinon qu'il passa le reste de sa vie dans un grand repos. Les Grecs, dans leur Ménologe, disent qu'il mourut en chemin, dans un second voyage qu'il fit à Rome. On n'en peut déterminer l'année : il est probable que ce fut vers l'an 860. Il est parlé, dans le Ménologe, au 17 octobre, d'une translation des reliques dÕun saint Lazare, de la ville de Chietti à Constantinople, sous l'empereur Léon VI. Il y en a qui croient que ce sont les reliques de saint Lazare, frère de sainte Madeleine, et non pas celles de notre saint.1


1 Le martyrologe romain parle avec honneur de saint Lazare, le 23 février, comme aussi Zonare et Cédrène; et le cardinal Baronius en ses remarques, et aux quatorzième et quinzième tomes de ses Annales (édition de Bar-le-Duc).