SAINT PRIVAT, ƒVæQUE DE MENDE ET MARTYR
262. Ð Pape Saint Denys Ð Empereurs romains ValŽrien et Gallien.
FtŽ le 21 aožt
Ce saint Evque Žtait un des plus illustres prŽlats de l'ƒglise des Gaules, au temps de la domination des empereurs pa•ens. Entre saint SŽvŽrien, premier Žvque de Mende, et saint Privat, le plus illustre de ses successeurs, il s'est ŽcoulŽ un espace d'environ cent cinquante ans. On ignore compltement les noms des Žvques qui, durant ce long intervalle, ont gouvernŽ l'Žglise du GŽvaudan; mais, ce qu'il y a de sžr, c'est que saint Privat a eu plusieurs prŽdŽcesseurs, comme on le voit dans ses Actes.
Ce fut vers le milieu du 3e sicle que Dieu visita l'Žglise de Mende dans toute l'Žtendue de ses misŽricordes, en lui envoyant saint Privat pour pasteur. Un office du 12e sicle le fait na”tre d'une famille noble d'Auvergne, et certains autres titres vont jusqu'ˆ dŽsigner, comme lieu de sa naissance, le bourg de Coudes, qui se trouve entre Issoire et Clermont-Ferrand, sur la rivire d'Allier, et communique au chemin de fer par un pont suspendu.
On voit aux mmes sources que, par l'Žtendue des connaissances, il se montra ˆ la hauteur du rang qu'il occupait; qu'il Žtait le flŽau des usuriers; qu'il employait les trŽsors de l'Žglise ˆ faire des magasins pour la subsistance des pauvres et pour entretenir l'abondance dans le diocse, laissant aller ˆ vil prix ce qu'il avait achetŽ chrement; enfin, qu'il s'est fait remarquer durant tout le cours de son Žpiscopat par l'ardeur et la vivacitŽ de sa foi, par la douceur de son administration et par sa piŽtŽ exemplaire.
L'auteur de ses Actes ajoute que, dans son amour pour la retraite, le saint hiŽrarque s'Žtait pratiquŽ une grotte ˆ la cime de la montagne qui domine Mende, avec toute l'industrie et l'ŽlŽgance possibles, pour en rendre le sŽjour habitable, et qu'il y demeurait la plupart du temps, n'en descendant qu'aux jours de solennitŽs et lorsque les besoins de son peuple l'exigeaient.
Une vie si bien remplie ne pouvait se terminer que par une fin encore plus belle aux yeux de Dieu; et c'est la gr‰ce que Dieu accorda au saint pontife en le faisant mourir martyr de la charitŽ pastorale et de la foi chrŽtienne.
Voici les principales circonstances de ce sacrifice d'agrŽable odeur, qui a rendu l'Žglise de Mende fŽconde ˆ tout jamais.
Du temps des empereurs ValŽrien et Gallien, les Allemands, dont la force consiste plus dans le nombre que dans la valeur guerrire, franchirent le Rhin pour ravager les Gaules. Une tribu de ce barbares, ayant ˆ leur tte un prince du nom de Chrocus, s'avana vers le GŽvaudan. A la nouvelle de leur approche et de leurs innombrables excs, les habitants du pays, et mme plusieurs personnages marquants des contrŽes voisines, se rŽfugirent sur la montagne de Grzes. Les ennemis ne tardrent pas ˆ arriver, et, aprs avoir tout ravagŽ, ils vinrent mettre le sige devant cette forteresse
naturelle; mais ils ne purent jamais s'en empares. Il y avait dŽjˆ deux ans qu'ils se tenaient au pied de cette montagne, lorsqu'ils apprirent que l'Žvque du pays n'Žtait pas avec les assiŽgŽs, mais qu'il vivait retirŽ dans une grotte, ˆ trois lieues de lˆ. Ils s'y transportrent donc immŽdiatement et s'Žtant saisi du saint PrŽlat, ils l'emmenrent avec eux. En descendant, ils s'arrtent sur la colline qui est au pied du mont Mincat et lui proposent par
interprte d'engager son peuple ˆ se rendre.
Saint Privat leur rŽpond : ÒJe ne ferai jamais ce que vous exigez de moi; il ne convient pas qu'un Žvque donne ˆ son peuple un semblable conseil. D'ailleurs, puisque ceux qui me sont soumis se trouvent dans un lieu trs sžr, je me garderai bien de leur faire croire qu'il est de leur intŽrt de se rendre : dans tous les cas, je suis prt ˆ subir tout ce qui pourra m'arriver, plut™t que de consentir ˆ commettre le crime que vous me proposez.Ó
Cette rŽponse si noble met les barbares en fureur; ils commencent ˆ le frapper ˆ coups de b‰ton et le conduisent jusqu'au bourg de Monde en le maltraitant de la sorte. Ils croient qu'ˆ force de mauvais traitements ils le feront changer de rŽsolution; mais le bon pasteur demeure constamment ferme, ne rŽpondant ˆ leurs outrages et ˆ leur violence que par ces mots : ÒCe que je vous ai dit en premier lieu peut vous suffire, si vous avez tant soit peu d'intelligence et de raison je ne puis absolument faire ce que vous exigez de moi.Ó
A cette vue, les barbares, indignŽs et comme hors d'eux-mmes, tourmentent le saint vieillard d'une manire encore plus atroce, et, joignant l'impiŽtŽ ˆ la cruautŽ, ils lui proposent d'adorer les idoles : ÒVous allez, lui disent-ils, sacrifier ˆ nos dieux, ou bien vous mourrez au milieu des supplices.Ó Le Saint reprend sans hŽsiter : ÒJe suis ŽtonnŽ de ce que vous osez proposer ˆ un Žvque une impiŽtŽ aussi exŽcrable. Si vous aviez un peu d'intelligence, vous comprendriez de vous-mme qu'un homme de ma qualitŽ doit subir la mort la plus cruelle plut™t que d'tre la cause de la perdition de son peuple, en se perdant lui-mme.Ó
A ces mots, les barbares, voyant qu'ils n'ont rien ˆ gagner sur lui par la rigueur, prennent un air de modŽration et lui disent : ÒEst-ce que nous vous proposons des choses illicites et qui ne conviennent qu'ˆ des barbares ? Tous vos empereurs et leurs ministres, vous le savez, adorent les idoles et obligent tous les chrŽtiens ˆ sacrifier aux dieux;Ó Ð ÒCe que vous dites lˆ est vrai,, rŽplique le saint PrŽlat. Je conviens que le ma”tre des Romains accumule crime sur crime, et c'est trs f‰cheux. S'il n'en Žtait pas ainsi, vous autres, les barbares, vous n'auriez pas le pouvoir d'Žbranler l'empire. Tout ce que vous nous faites subir, est moins un effet de votre valeur qu'une punition de la cruautŽ des empereurs. Mais le Seigneur notre Dieu, que vous ne connaissez pas, est si puissant et si misŽricordieux, que, dans un court espace de temps il peut Žclairer l'esprit des princes dont vous me parlez, renverser vos idoles et, aprs nous avoir ch‰tiŽs par les tribulations prŽsentes, nous faire de nouveau sentir les effets de sa bienveillante protection. Pour moi, dans l'espŽrance des biens Žternels, je mŽprise tous les tourments que vous pouvez m'infliger.Ó
ÒSacrifiez ˆ l'instant, ajoutent les barbares, sinon, sachez que nous vous ferons mourir au milieu de toute sorte de supplices, afin que votre mort, comme un exemple terrible et inou•, Žpouvante tous ceux qui ne partagent pas vos sentiments.Ó
Le gŽnŽreux Confesseur rŽpond ˆ ces dernires menaces, en disant : ÒFaites-moi souffrir tout ce que vous voudrez; je vous le proteste, au nom du Seigneur mon Dieu, je ne puis tre que ce que je suis, il vaut mieux pour moi que j'endure vos tourments; car, si je commettais l'insigne folie de vous obŽir et de sacrifier ˆ vos dŽmons, je ne pourrais Žchapper aux supplices Žternels.Ó
A peine a-t-il achevŽ de parler ainsi, que les barbares se laissent aller ˆ toute leur rage, le flagellent ˆ coups redoublŽs et lui bržlent le corps avec des torches ardentes; enfin, aprs avoir essayŽ sur lui toutes sortes de nouveaux tourments, ils l'abandonnent sur la place, croyant lui avoir ™tŽ la vie.
Aprs cela, se voyant trompŽs dans leur espoir d'obtenir la capitulation des assiŽgŽs par le moyen de leur pasteur, les barbares revinrent ˆ la montagne de Grzes, dans l'intention de traiter avec eux. Ils leur firent donc des prŽsents, et ˆ leur tour les assiŽgŽs leur fournirent des vivres, mais ˆ condition qu'ils sortiraient immŽdiatement du pays. Aussit™t qu'il fut possible aux assiŽgŽs de quitter le lieu de leur refuge, ils accoururent en foule auprs de leur bien-aimŽ pasteur; ils le trouvrent encore en vie, mais ils n'eurent que le temps de lui tŽmoigner leur douleur et leur reconnaissance, d'Žcouter ses derniers avis et de recevoir sa suprme bŽnŽdiction. Lorsqu'il eut rendu son ‰me ˆ Dieu, on ensevelit ses prŽcieux restes dans un lieu souterrain qui se trouve tre aujourd'hui lac crypte de l'Žglise CathŽdrale.
Sa mort arriva, selon Baronius, le 21 aožt 262. En effet, tous les martyrologes et toutes les histoires ecclŽsiastiques s'accordent ˆ le faire mourir sous ValŽrien et Gallien ce qui est confirmŽ par une tradition qui avait cours dans l'Žglise de Mende, au 12e sicle et depuis longtemps, savoir que sainte HŽlne, mre de l'empereur Constantin, est venue prier au tombeau de saint Privat, et qu'elle a fait prŽsent ˆ l'Žglise de Mende d'un grand nombre de reliques. Egalement ˆ la mme Žpoque et d'aprs une coutume qui datait de loin, toutes les annŽes, au jour de P‰ques, on exposait ˆ la vŽnŽration des fidles la bourse de sainte HŽlne.
On le reprŽsente assomme par les envahisseurs pa•ens, tandis qu'il se tenait retirŽ dans une grotte.
CULTE ET RELIQUES.
Au 7e sicle, le roi Dagobert avait enlevŽ les reliques de saint Privat, ainsi que tant d'autres, pour les placer dans l'Žglise du monastre de saint-Denis, prs de Paris. Aprs la mort de ce prince, on parvint ˆ se les faire restituer, et, de peur qu'elles ne fussent de nouveau enlevŽes ou par ruse ou par force, on les cacha dans une crypte d'une chapelle dŽdiŽe ˆ sainte Thcle. Avec le temps, cette chapelle tomba en ruines, et ceux qui Žtaient dŽpositaires du secret unirent par mourir sans avoir pu le transmettre. On avait ŽlevŽ diverses constructions profanes sur une partie de l'emplacement de l'ancienne chapelle de sainte Thcle, et l'autre partie avait ŽtŽ convertie en jardin. Or, en 1170, l'Žvque Aldebert Ill ordonna de creuser un puits dans ce jardin, Ce travail devait s'exŽcuter pendant le voyage de ce PrŽlat ˆ la cour du roi de France. Il ne fut pas plus t™t arrivŽ ˆ Clermont, qu'un expiŽs vint l'y rejoindre, pour lui annoncer qu'en creusant le puits, on avait dŽcouvert une crypte, et dans cette ,crypte le corps de saint Privat. Aldebert III, ne pouvant absolument revenir sur ses pas, charge l'exprs de dire ˆ son clergŽ qu'on ne touche plus ˆ rien jusqu'ˆ son retour. Ainsi, quand il est revenu dans sa ville Žpiscopale, il examine toutes choses avec soin et il demeure Žtabli que le corps que l'on a trouvŽ est rŽellement celui de saint Privat. Ensuite, il Žcrit ˆ tout son clergŽ sŽculier et rŽgulier, ainsi qu'ˆ tous les fidles, pour leur annoncer canoniquement la bonne nouvelle et les inviter ˆ se rendre ˆ Mende pour la cŽrŽmonie de la translation. Elle a lieu, le 15 septembre de la mme annŽe avec une solennitŽ sans Žgale, et ce jour-lˆ mme, Dieu manifeste la gloire de son martyr par la dŽlivrance d'un possŽdŽ. L'invention des reliques de saint Privat valut encore ˆ tout le diocse une gr‰ce des plus insignes. Tout le pays, qui Žtait en proie aux horreurs de la guerre civic, depuis sept ans, se calma ˆ cette Žpoque, comme par enchantement.
Le corps de saint Privat, sauf le chef, fut dŽposŽ dans la crypte qui est dessous la cathŽdrale, crypte b‰tie sur l'endroit mme o le saint martyr avait ŽtŽ enseveli immŽdiatement aprs son martyre. Dans la suite, ces prŽcieuses dŽpouilles furent enlevŽes de ce lieu souterrain pour tre placŽes dans une ch‰sse d'argent, au ma”tre-autel. On n'en possde aujourd'hui qu'une bien petite partie, par suite des dŽsastres que l'Žglise de Mende eut ˆ subir, dans la deuxime moitiŽ du 16e sicle, c'est-ˆ-dire durant les guerres de religion.
L'an 1036, Etienne, Žvque du Puy, ayant convoquŽ dans cette ville les principaux seigneurs du pays pour s'entendre avec eux sur les moyens de rŽtablir la paix dans son diocse pria tous les prŽlats du voisinage de se rendre an Puy avec les reliques de leurs saints. Raymond, Žvque de Mende, s'empressa de rŽpondue ˆ cette invitation, et, faisant porter devant lui la statue de saint Privat, il se rendit au Puy avec plusieurs membres de son clergŽ et un certain nombre de fidles. A la nouvelle de leur approche, tous les habitants du Puy, qui avaient souvent entendu parler du crŽdit de saint Privat auprs de Dieu, viennent en foule au-devant de son image. D'un autre c™tŽ, Mgr l'Žvque du Puy et ceux de Clermont, de Valence et de Viviers, sortent de la ville revtus des ornements sacrŽs, prŽcŽdŽs de tout le clergŽ de l'endroit et portant aussi les uns et les autres les
reliques de leurs saints. Les deux processions s'Žtant rencontrŽes non loin de la ville, on s'arrte. Alors, tandis que d'un c™tŽ le clergŽ chante les louanges de Dieu, et que de l'autre le peuple invoque infŽrieurement et avec ferveur le saint martyr, il arrive un pre de famille portant, entre ses bras son fils perclus de tous ses membres. En le voyant, on le fŽlicite de la bonne pensŽe qu'il a eue et on l'engage ˆ se prŽsenter vite et avec confiance ˆ un saint qui a dŽjˆ fait tant d'autres merveilles. Enfin, comme ˆ cause de la foule qui se trouve de plus en plus serrŽe, il demande ˆ haute voix qu'on le laisse parvenir jusqu'ˆ la statua de saint Privat, les Žvques et surtout saint Odilon, abbŽ de Cluny, l'ayant aperu, lui fout ouvrir un passage. Il s'approche donc, tenant son enfant en l'air et invitant tout le monde ˆ prier pour lui; et ˆ peine le jeune enfant a-t-il touche l'image du saint martyr, que ses nerfs s'Žtendent, le sang remplit de nouveau ses veines dessŽchŽes, on entend comme un lŽger craquement, et il pousse lui-mme un petit soupir toutes les fois que le miracIe agit sur quelqu'un de ses membres. Enfin, tandis que tous les assistants sont dans l'admiration ˆ la vue de ces effets merveilleux, l'enfant Žprouve un tressaillement subit, et, se sentant parfaitement rŽtabli, il se met ˆ marcher en bŽnissant Dieu et son libŽrateur. Il nous serait impossible de dire, ajoute Aldebert, le vŽnŽrable, quelle fut la joie des deux peuples, et de dŽcrire l'heureuse influence que ce miracle du saint martyr exera sur les dŽcisions de l'assemblŽe, qui eut lieu bient™t aprs.
tirŽ de : Les Petits Bollandistes; Vies des saints tome 10 p. 97 ˆ 101