MARTYRE DE SAINTE THÉODOTE, LA COURTISANE

(Sous la persécution de Licinius l'an 318)

fêtée le 29 septembre


L'an 642, au mois de septembre, un samedi, une persécution s'éleva à Philippe. Le préfet Agrippa, voulant célébrer la fête d'Apollon et offrir un sacrifice solennel aux dieux, ordonna à tous les habitants d'y prendre part et d'offrir des victimes. Une courtisane, nommée Théodote, refusa d'obtempérer à l'édit : des délateurs la dénoncèrent à Agrippa. Celui-ci la fait venir, et la somme de sacrifier à Apollon. Théodote lui répondit : «C'est bien assez de mes dissolutions, je ne veux pas ajouter à mes péchés l'apostasie.»
Le préfet ordonna de la conduire en prison; mais sept cent cinquante personnes, témoins de son courageux refus, l'imitèrent, et résolurent de ne pas sacrifier.
«Une courtisane nous donne l'exemple, se dirent-elles : serions-nous assez lâches pour ne pas le suivre ?»
Théodote fut donc jetée en prison, et pendant vingt et un jours on ne lui donna pas à manger; elle passa tout ce temps en prières. Quand on l'eut fait sortir pour la présenter au juge, on la vit verser des larmes et faire cette prière : «Ô Christ, pardonnez-moi les crimes que j'ai commis; pauvre femme, fortifiez-moi par votre grâce; donnez-moi le courage de supporter les supplices affreux qui m'attendent.»
Le juge lui demanda qui elle était; elle répondit : «J'ai vécu comme une courtisane; mais je suis chrétienne, quoique bien indigne de ce saint nom.»
Le juge : «Pourquoi ne veux-tu pas sacrifier au grand Apollon ?»
Théodote : «Il est déraisonnable de sacrifier à une idole de bois ou de pierre, ouvrage de la main des hommes.»
Le juge : «Est-ce que les empereurs, qui sacrifient aux dieux, ne sont pas plus sages que toi ?»
Théodote : «Hélas ! non, ni les empereurs ni vous : vous ne méritez pas le nom de sages, puisque vous ne comprenez pas le nom de votre dieu. Au dire de vos sages, ce nom signifie destructeur, et ils ont raison; car ce dieu sera cause que vous perdrez vos âmes.»
Alors le cruel Agrippa la fit déchirer de coups. On lui criait :
«Obéissez, le plus léger signe de soumission va vous délivrer de vos tourments.»
Théodote répondait : «Je n'abandonnerai pas le vrai Dieu; je n'adorerai pas une idole : je me souviens de cette parole : Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux.»
Alors le juge dit : «Qu'on l'étende sur le chevalet, et qu'on la déchire avec des ongles de fer.»
Au milieu de cet affreux tourment, Théodote s'écriait à haute voix : «Je vous adore, ô Christ, je vous rends grâces de m'avoir rendue digne de souffrir pour votre saint nom.»
Agrippa lui dit : «Tu n'as pas honte d'appeler Dieu un homme qui est mort, tu l'avoues toi-même, attaché à une croix.»
Théodote répondit : «Oui, dans son amour pour le genre humain, il a voulu s'immoler pour nous sur la croix; il est mort parce qu'il l'a voulu; on ne l'a pas forcé à mourir. Mais vous, juge inique, vous ne méritez pas le nom de juge, vous manquez de bonne foi; car si vous nous croyez quand nous parlons de la mort du Christ et de son tombeau, pourquoi refusez-vous de nous croire quand nous parlons de sa résurrection glorieuse et de son ascension dans le ciel, où il est assis à la droite de son Père ?»
Le juge : «Tout cela est superflu, réponds à mes questions.»
Théodote : «Je crois avoir répondu comme il fallait répondre.»
Alors Agrippa, se tournant vers les bourreaux, leur dit :
«Allons, déchirez-la avec des ongles de fer, puis vous mettrez du sel et du vinaigre dans les plaies.»
Théodote : «Je me ris de vous et de vos tourments; si vous en avez de plus cruels encore, essayez-les; avec l'aide du Dieu tout-puissant, j'aurai la force d'en triompher. Mais sachez bien que plus vous me ferez souffrir, plus mon Dieu me donnera de récompenses.»
Alors Agrippa dit aux bourreaux : «Arrachez-lui toutes les dents.» Aussitôt les bourreaux s'arment des pinces, et lui arrachent toutes les dents de la bouche. Pendant ce supplice, Théodote disait : «Je vous adore, ô Christ, je vous bénis de m'avoir jugée digne de souffrir ces tourments pour la vie éternelle : j'en suis assurée maintenant, le royaume des cieux m'est ouvert, les tourments endurés pour votre amour en sont la route.»
Agrippa lui dit encore : «Obéis, Théodote, aux édits des empereurs, si tu veux éviter la peine de mort portée contre ceux qui refusent de sacrifier aux dieux.»
Théodote : «Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. Au reste, je rougirais de ne pas témoigner à mon Dieu, le seul vrai Dieu, la même fidélité que vous et vos empereurs avez pour vos faux dieux.»
À la fin, Agrippa condamna Théodote à être lapidée. Aussitôt on l'entraîne hors de la ville, et on l'accable d'une grêle de pierres. Cependant elle faisait cette prière : «Ô Christ, vous avez reçu Rahab la pécheresse et le larron pénitent : recevez-moi aussi dans votre miséricorde; car, ô mon Dieu, je vous aime ! Recevez mon esprit, je le remets entre vos mains.»
En disant ces paroles elle expira, et son âme s'envola au ciel. Gloire à Celui qui sauve ceux qui espèrent en lui, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen.