fêté le 7 septembre
Lorsque Maximien était préfet de la Cilicie, et que le culte immonde des idoles était dans toute sa vigueur, ce prince fréquentait les temples des faux dieux à Pompéiopolis, où il avait établi sa résidence, et y offrait des sacrifices. Il fit même ériger dans la ville une idole d'or, de concert avec tous les insensés adorateurs des démons; et pour honorer convenablement cette nouvelle divinité, ils lui offraient des libations accompagnées de certains rites.
Il y avait en ce temps-là un jeune berger originaire de la Lycaonie, nommé Taraise, mais auquel on avait imposé au baptême le nom de Sozon. Comme il parcourait diverses contrées pour paître ses brebis, s'occupant avec ardeur du salut de son âme, et enseignant en même temps à un grand nombre de personnes à craindre Dieu, il arriva en un lieu où se trouvait une source d'eau limpide ombragée par un grand chêne; la beauté du site l'invita à y prendre un peu de repos. Durant son sommeil, notre Seigneur Jésus Christ Lui-même S'approcha de lui, et dit : "Laisse en ce lieu trois de tes flèches avec ton arc; ce sera plus tard un souvenir; car le saint Esprit va te couvrir de son ombre en ce même lieu, et tu recevras beaucoup de dons spirituels au Nom de mon Père; et Je guérirai ici ceux qui s'adresseront à Moi avec foi, et ta mémoire vivra dans les générations futures." Le bienheureux Sozon s'étant éveillé, exécuta ce que le Seigneur lui avait commandé, et posa ses armes de pasteur sur une pierre. Il se mit ensuite en prières, et supplia le Seigneur de bénir ce lieu et de guérir les malades qui s'y réfugieraient; puis il se rendit à Pompéiolis.
En y arrivant, il aperçut la statue qu'on avait récemment érigée, et s'en approchant clandestinement, poussé par une inspiration céleste, il lui enleva la main droite, qu'il vendit et dont il distribua le prix aux indigents. Le lendemain matin, lorsqu'on s'aperçut que la statue d'or avait été mutilée, il se fit un grand tumulte dans la ville. On saisit quelques-uns des habitants dans les maisons qui avoisinaient la place où était située la statue, et on les conduisit en prison, d'où on devait les tirer trois jours après, pour les appliquer à la question au sujet du délit qui avait été commis. Le bienheureux Sozon, voyant les satellites conduire ces hommes, leur dit : "Pourquoi les menez-vous en prison ? C'est moi qui ai pris la main de votre exécrable divinité, et j'en ai donné le prix aux pauvres." Comme il parlait encore, on courut en donner avis au préfet, qui savait déjà que Sozon était chrétien, et qui donna l'ordre de l'amener à son tribunal.
Lorsque Sozon parut devant le préfet, celui-ci lui dit : "Quel est ton nom ?" Sozon répondit : "Si tu veux savoir mon nom commun, on m'appelle Taraise; si tu t'enquiers de mon nom véritable, dans le saint baptême j'ai reçu le nom de Sozon, en qualité de chrétien." Maximien : "En quel lieu es-tu né ?" Sozon : "Je suis né au bourg de Midarzée." Maximien : "Quel intérêt avais-tu à venir ici ?" Sozon : "Comme je suis berger, je conduis mes brebis, selon les saisons, dans les lieux où je trouve de plus abondants pâturages." Maximien : "Et comment as-tu osé commettre une telle impiété ?" Sozon : "J'ai voulu prouver que je suis chrétien, et vous convaincre tous d'impiété, en enlevant cette main. Du reste, ton dieu semble attester lui-même qu'en cette action il n'y a ni audace ni péché : car tu vois qu'il ne s'en met pas en peine, et qu'il est absolument insensible à cette injure. S'il jouissait de la parole, loin de me reprendre, ce serait plutôt vous autres qu'il accuserait, et à qui il ferait de sanglants reproches de ce que, renonçant au Créateur de tout ce qui existe, vous prenez une matière quelconque et la déclarez dieu, vous montrant ainsi insensibles et ingrats envers votre souverain Bienfaiteur." Maximien : "Adore les dieux, afin qu'on te pardonne ta première audace." Sozon : "Tu veux que j'adore un dieu qui n'a pas même la vie ? J'ai honte de profaner ce nom sacré en l'appliquant à des idoles. En effet, quel est ce dieu qui n'a pu se secourir lui-même ?"
Maximien dit alors aux bourreaux : "Tourmentez-le dans ses membres supérieurs. Sozon s'écria : "Seigneur Jésus Christ ! Viens au secours de ton serviteur." Maximien lui dit : "Reconnais nos dieux, offre-leur un sacrifice, et délivre-toi ainsi des supplices." Sozon répondit : "Fou et insensé que tu es, tu ne te souviens donc plus que j'ai mutilé ta statue, afin de montrer que je suis un vrai chrétien et un généreux athlète du Christ ? Lorsque j'ai enlevé la main de cette idole impure, je ne redoutais nullement les tourments qui m'attendaient; et comment veux-tu que je lui offre maintenant des sacrifices ? Maximien dit aux bourreaux : "Enfoncez des clous bien aigus dans sa chaussure, mettez-la-lui aux pieds et faites-le marcher ainsi chaussé, en lui disant : "Il faut que tu marches avec ces souliers." Saint Sozon se mit aussitôt non seulement à marcher, mais à courir; et voyant son sang ruisseler de ses pieds, il lui semblait qu'il s'en exhalait des parfums : les cruelles dérisions que lui jetaient le tyran et ceux qui l'entouraient, il les recevait comme d'autres reçoivent des éloges; puis il dit au président Maximien : "J'en atteste l'espérance qui me soutient, la brillante chlamyde dont tu es revêtu n'est rien auprès de l'honneur que me vaut cette chaussure. Je m'y trouve tout à fait à l'aise et dans un parfait repos; et tes clous ne me causent pas autant de douleur que la patience me procure de profit." Maximien lui dit : "Malheureux ! Ton sang s'écoule par ruisseaux, et tu ne sens pas les supplices ?" Sozon lui répondit : "Parce que je crois en mon Christ, je ne sens point tes tourments." Maximien : "Lorsque la déesse sortira, chante-lui quelques strophes, et je te délivrerai; j'en prends mes dieux à témoin." Sozon : "Tu mets tout en oeuvre, Satan, pour me molester : retire-toi d'auprès de moi, ouvrier d'iniquité ! Oui, j'ai souvent joué sur la flûte en paissant mes brebis : maintenant je chante au Seigneur un cantique nouveau sur la cithare, sur le psaltérion à dix cordes."
Maximien, de plus en plus irrité contre le saint martyr, prononça contre lui des peines plus atroces encore que les premières. Sozon lui dit : "Tant mieux ! Car j'ai hâte d'aller vers le Christ, et d'être délivré de tes regards impudents."
Les bourreaux, s'étant mis à l'oeuvre, le déchirèrent horriblement, de telle sorte que tous ses membres étaient brisés, ses nerfs disloqués, et que ses intestins s'écoulaient comme de l'eau. On alluma ensuite un grand brasier; car le juge avait ordonné de tourmenter par le feu les parties de son corps qui n'auraient pas été atteintes par les autres tortures, afin qu'on ne pût lui donner même la sépulture. Le saint martyr, en montant sur le bûcher, fit cette prière : "Souverain Seigneur Jésus Christ, exauce ton serviteur, et fais, par ton Nom trois fois saint, que quiconque aura invoqué mon nom, soit dans sa maison, soit sur mer, ou dans un péril ou en quelque nécessité, et aussi celui qui célébrera ma mémoire, soient délivrés et préservés de tous maux, ainsi que Tu me l'as promis." Et une voix du ciel lui répondit : "Aie confiance, mon martyr Sozon, ta prière est exaucée."
Au moment où le saint martyr rendait son âme à Dieu, un épouvantable tonnerre se fit entendre du bûcher, et une pluie abondante, accompagnée de grêle, inonda le pays : tous ceux qui étaient présents s'enfuirent et laissèrent le corps du saint. Lorsque la nuit fut venue, les frères résolurent de l'enlever; mais ils en furent empêchés par les épaisses ténèbres qui succédèrent à la tempête. Cependant, quelques instants après, ils virent une éclatante lumière qui dura tout le temps qu'il leur fallait pour ensevelir les restes du glorieux martyr, après quoi elle disparut. Les frères rendirent grâces à Dieu qui favorise ainsi ceux qui Le craignent, et qui garde ceux qui confessent avec foi le Nom de notre Seigneur Jésus Christ. Maintenant tous ceux qui vont prier au tombeau du saint martyr Sozon y trouvent la grâce, la joie et le royaume des cieux.
Saint Taraise, surnommé Sozon, mourut au mois de septembre, selon le calendrier des Romains, et selon notre usage, le dix-sept du douzième mois. Il est maintenant notre avocat pour nos péchés auprès de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit gloire et puissance avec son Père éternel et le saint Esprit vivificateur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.