LES ACTES DES SAINTS SECONDIEN, MARCELLIEN ET VÉRIEN

(Vers l'an de Jésus Christ 250)

fêté le 8 septembre

Sous l'empire de Décius, Secondien, citoyen romain , et Véranius, exerçaient ensemble la préfecture et persécutaient les chrétiens. Secondien cependant, réfléchissant en lui-même, se demandait comment ces chrétiens pleins d'un zèle si ardent pouvaient préférer une mort cruelle soufferte pour le nom du Christ, à une vie délicieuse qu'on leur promettait, s'ils voulaient obéir aux paroles engageantes des empereurs. Doué lui-même d'une grande éloquence et très versé dans toutes les connaissances de ces temps, Secondien invita chez lui Marcellien, homme, d'un grand savoir et comme lui persécuteur acharné des disciples du Christ, et ils eurent de longues conversations sur les arts et les sciences. Parlant de littérature, ils en vinrent à ce passage de Virgile où prédisant la venue d'un siècle nouveau, qui verrait le renouvellement de l'univers entier par l'apparition du Seigneur dans la chair, le poète affirme que sous le règne d'Octave, objet unique de ses chants, doit bientôt commencer cet âge d'or si vanté.

«Des siècles écoulés la chaîne recommence,
Saturne a ramené la Vierge et tous les dieux :
Un nouveau peuple enfin descend du haut des cieux.
Toi d'un enfant divin protège la naissance,
ô Lucine, il paraît : à sa seule présence
l'âge de fer s'enfuit, et sur le monde encore
vont régner les vertus de l'heureux âge d'or.»


Ils cherchèrent longtemps à découvrir quel était ce personnage dont parlait Virgile, et Secondien se prit alors à se rappeler ces chrétiens si dévoués, et qui préféraient mourir pour le nom du Christ, plutôt que de sacrifier aux idoles. «Ils soutiennent, ajouta-t-il, qu'après la mort il y aura une résurrection et un jugement, et qu'à la suite de cette vie misérable, une autre commencera qui n'aura point de fin, où la douleur et les gémissements seront remplacés par la paix et la félicité éternelles. Le Christ, leur Dieu, a en abomination les idoles que nous adorons.» Marcellien, étonné de pareils discours, lui répondit : «Mais qu'est-ce que ce Christ ?» Secondien dit : «Christ signifie oint. N'as-tu pas lu ce qu'en disent les historiens de sa vie ? comment il a ressuscité les morts, guéri les lépreux, éclairé un aveugle de naissance ? Les chrétiens ont foi en ses prodiges, et embrasés d'amour pour Lui, aspirent à la couronne du martyre. C'est ce qui me persuade qu'il est vraiment Dieu et Fils de Dieu, qu'ayant été crucifié, Il est ressuscité trois jours après sa Mort et qu'il est monté aux cieux. Nos dieux ont-ils jamais rien fait de semblable ? Qui pourrait le soutenir ? Nous savons, au contraire, que leur vie n'a été qu’une suite de turpitudes révoltantes.» Marcellien approuva et partagea lui-même ces sentiments, ainsi qu'un troisième nommé Vérien. Le prêtre Timothée qu'ils appelèrent les baptisa, et ils reçurent la confirmation des propres mains du saint pape Sixte.
Le préfet Valérien ayant fait appeler Secondien, celui-ci se rendit auprès de lui, et tout à coup l'aspect de son visage changea et resplendit comme celui d'un ange. Valérien, effrayé de cette lumière surnaturelle, l'interrogea, et le voyant inébranlable dans sa foi de chrétien, ordonna de le jeter en prison. Comme les soldats l'y conduisaient, Marcellien et Vérien s'écrièrent hautement : «Pourquoi traînez-vous en prison cet innocent ? Si vous le traitez ainsi parce qu'il est chrétien, nous aussi nous le sommes; et, pour l'amour du Christ, nous le suivrons jusqu'au martyre.» Valérien, irrité, ordonna de les enfermer tous dans un cachot, et fit savoir à l'empereur que Secondien s'était fait chrétien. César, pouvant à peine le croire, commanda de le lui amener, et lui dit : «O Secondien, quel changement s'est opéré sur tes traits ?» il répondit : «Mon visage brille, et resplendit, parce que je contemple déjà par la pensée le Roi éternel de gloire, qui m'a tiré des ténèbres pour me faire jouir de l'éclat de sa pure vision.»
Enfin, par l'ordre de Décius, les bienheureux furent conduits à Centimcelles et livrés à Quartus Promotus, consulat de la Toscane. Il leur commanda de sacrifier aux dieux; sur leur refus, il les fit dépouiller et battre de verges. Eux, ayant craché par mépris sur la statue, elle tomba et fut brisée. Promotus alors ordonna de les étendre sur le chevalet et de labourer leurs flancs avec des ongles de fer. Pendant qu'on les tourmentait, ils ne cessaient de prier et de rendre grâces à Dieu. Promotus fit appliquer la flamme sur leurs blessures. On les brûlait ainsi depuis longtemps, quand un des bourreaux, plus acharné contre eux, tomba mort; les autres, saisis par l’esprit malin, se mirent à crier: « O saints martyrs, pourquoi nous faire ainsi souffrir par vos prières ? Les tortures que nous vous avons infligées si injustement nous déchireront éternellement, tandis qu'elles ne sont pour vous d'aucune douleur.» Promotus, à ce spectacle, donna l'ordre de leur trancher la tête et de jeter leurs corps dans la mer. Mais la Providence de Dieu ramena au rivage ces dépouilles sacrées, et Déodat, un serviteur du Très-Haut, les ayant recueillies pendant la nuit, leur donna la sépulture, au lieu même du martyre, le cinq des ides du mois d'août.