LES SAINTS EUSEBE, NESTABE ET NESTOR

 

(Sosomène, Hist. eccl., V, 9.)

 

fêtés le 8 septembre

Il faut maintenant rappeler la mémoire d'Eusèbe, Nestabe et Nestor, frères, que la haine du peuple de Gaza vint poursuivre jusque dans leur maison où ils se cachaient. On les conduisit d'abord à la prison et on les battit. Tandis que le peuple était au théâtre, il commença à vociférer contre les prisonniers, violateurs des temples des dieux et destructeurs de la religion nationale qu'ils attaquaient et méprisaient à la faveur des anciens gouvernements. A force de hurler et de s'exciter mutuellement au massacre des prisonniers, ils montèrent, ainsi qu'il arrive à la populace, à un tel degré de fureur qu'on marcha sur la prison, d'où les saints furent extraits pour subir la mort la plus cruelle. On les traîna tantôt couchés, tantôt renversés, on les brisa sur le pavé et, suivant la fantaisie de chacun, on leur jeta des pierres, on leur donna des coups de bâton ou de tous autres instruments qu'on avait sous la main. J'ai entendu dire que deux femmes, quittant leur métier à tisser, sortirent de leurs maisons, piquèrent les saints de leurs navettes, et parmi les cuisiniers qui étaient sur le marché, les uns retirèrent des fourneaux leurs marmites d'eau bouillante et les répandirent sur les martyrs, les autres les percèrent de leurs broches. Après qu'on les eut mis en pièces et que leurs crânes défoncés laissèrent s'écouler la cervelle, on les traîna hors de la ville, à l'endroit où l'on enfouit les charognes. Les corps furent jetés sur un bûcher et les gros os que la flamme n'était pas venue à bout de consumer furent mélangés aux carcasses des chameaux et des ânes afin qu'on ne pût les reconnaître. Mais ils n'y demeurèrent pas longtemps. Une chrétienne qui habitait Gaza, mais qui n'y était pas née, recueillit les ossements des martyrs pendant la nuit, sur l'Ordre même de Dieu, et les mit dans un chaudron dont elle abandonna la garde à Zénon, leur cousin. Dieu le lui avait ainsi commandé pendant son sommeil et avait indiqué à la femme le domicile de Zénon, qu'Il lui avait montré avant qu'elle le rencontrât, car elle ne l'avait jamais vu et il se tenait caché à cause de la persécution; il s'en était même fallu de peu que les gens de Gaza ne s'emparassent de lui et le missent à mort; mais, tandis que la populace n'avait d'attention que pour le massacre des deux frères, il saisit l'occasion et s'enfuit à Anthédon, port de mer situé à vingt stades de Gaza, et un des centres les plus fervents du paganisme.

Il fut dénoncé par plusieurs personnes comme chrétien; on le flagella et ensuite on le bannit de la ville. Il se rendit à Majuma et s'y cacha. C'est là que cette femme de Gaza lui apporta les reliques des saints qu'il garda quelque temps dans une cachette de sa maison. Devenu évêque de cette Église sous le règne de Théodose, il bâtit une basilique en dehors de la ville, éleva l'autel et y déposa les reliques des martyrs près de celles de Nestor, qui confessa lui aussi le Christ. Ce Nestor était l'ami intime d'Eusèbe et Nestabe; il fut saisi en même temps qu'eux, emprisonné et battu avec eux; mais, tandis qu'on les traînait par terre, ses bourreaux furent pris de compassion pour la beauté de ce jeune homme et ils le jetèrent hors de la ville; il respirait encore, mais il espérait mourir bientôt. Des passants le relevèrent et le portèrent chez Zénon, entre les mains duquel il rendit l'âme, tandis qu'on pansait ses blessures.