MARTYRE DES SAINTS ALPHÉE, ZACHÉE ET ROMAIN

(Sous Dioclétien, l'an 303)

fêtés le 28 septembre


Aux approches de l'anniversaire de la vingtième année du règne de l'empereur, le proconsul de notre province, appliquant d'avance les indulgences qui accompagnent ordinairement ces fêtes, relâcha tous les criminels qui se trouvaient dans les prisons, et, au contraire, il fit souffrir les plus affreux supplices aux saints martyrs de Dieu, plus coupables à ses yeux que les homicides et que les profanateurs des tombeaux.
Alors Zachée, diacre de l'Église de Gadare, innocente brebis du troupeau de Jésus Christ, fut chargé de chaînes. On lui avait donné ce nom de Zachée parce qu'il rappelait, par la petitesse de sa taille et par sa foi, le Zachée de l'Évangile. Cité devant le tribunal du juge, il confessa courageusement Jésus Christ, et ne répondit que par les paroles de la sainte Écriture. Le juge le fit battre de verges et déchirer cruellement avec des ongles de fer; puis on le reconduisit en prison, et on lui mit aux pieds des entraves qui les lui tenaient jour et nuit démesurément écartés; le saint martyr, dans ces souffrances, était au comble de la joie.
Alphée, à qui on peut appliquer cette parole de l'Écriture, Homme de désir, souffrit le même supplice. Issu d'une des premières familles d'Éleuthéropolis, il exerçait dans l'Église de Césarée l'office de lecteur et d'exorciste; il annonçait aussi, et avec beaucoup de zèle et de force, la parole de Dieu, et ce fut là principalement ce qui lui valut le bonheur du martyre. Car, comme la rigueur des édits effrayait les chrétiens et en faisait tomber un grand nombre, Alphée, pénétré de douleur, voulut à tout prix arrêter le torrent de l'apostasie. Il allait donc, réveillant par ses paroles entraînantes et par le souvenir de la passion du Sauveur, qu'il rappelait éloquemment, le courage des apostats. Arrêté par des soldats dans ces exercices du zèle, il fut traîné au tribunal. Nous ne pourrions redire ici les paroles courageuses qu'il prononça devant le juge; celui-ci, transporté de fureur, le fit ejter dans un noir cachot. On l'en tira cependant au bout de quelques jours pour le faire de nouveau comparaître devant le tribunal, et, comme Zachée, on le battit cruellement de verges, on lui déchira les côtes avec des ongles de fer, puis on le mit dans la même prison, aussi avec des entraves aux pieds.
Ils comparurent une troisième fois tous deux ensemble devant le juge, qui les pressa de sacrifier aux empereurs; ils lui dirent : «Nous ne reconnaissons qu'un seul Dieu, souverain de tous les hommes, et c'est à lui seul que nous sacrifions.» Après cette réponse, ils furent décapités, et s'en allèrent ensemble grossir le nombre des glorieux martyrs, et recevoir leur couronne des mains de ce Dieu qu'ils avaient servi avec tant d'amour, et confessé avec tant de courage.
Le même jour, Romain souffrit à Antioche pour le nom de Jésus Christ. Il était né en Palestine, et remplissait les fonctions d'exorciste et de diacre dans un village voisin de Césarée. Comme le martyr Alphée, il s'efforçait de ramener à la foi ceux que la crainte des supplices avait fait tomber dans l'idolâtrie, et leur rappelait avec force le souvenir du redoutable jugement de Dieu. Il osa se présenter de lui-même au juge au moment où une foule de chrétiens timides, tremblant devant les menaces du tyran et l'aspect des supplices, allaien succomber. «Malheureux, s'écria-t-il, où vous laissez-vous mener ? Ne voyez-vous pas que c'est dans l'enfer ? Levez plutôt les yeux au ciel, bien au-dessus des choses fragiles de ce siècle, et regardez votre Sauveur et votre Dieu. N'allez pas abandonner sa foi pour le culte des idoles ! Songez au redoutable jugement.»
Le visage calme et assuré du confesseur ajoutait encore à la force de ses paroles : aussi beaucoup d'apostats revenaient à Jésus-Christ. Le juge le fit prendre par ses soldats, et se hâta de le mettre à mort, afin de gagner les bonnes grâces de l'empereur Dioclétien, qui se trouvait alors à Antioche.
On le traîna donc par la ville au lieu du supplice, et déjà on préparait un bûcher. Dioclétien trouva que c'était trop peu pour un chrétien si audacieux, et il ordonna de lui couper la langue. On le fit; mais le saint martyr, après ce supplice, parlait encore avec plus de force, comme si le Christ lui-même, présent à ses côtés, eût parlé par sa bouche; il jetait autour de lui des regards où rayonnaient la joie et l'espérance, et exhortait tous les chrétiens à aimer Dieu jusqu'à la mort. Et comme il ne cessait de rendre grâces à l'auteur du prodige et à glorifier Jésus-Christ, il fut reconduit en prison, où, après avoir subi le supplice du carcan, il fut enfin étranglé le jour même du martyre de Zachée.