SAINT AIGULPHE, ABBÉ DE LÉRINS, ET SES COMPAGNONS

(en l'année 675)

fêtés le 3 septembre

Si l'on en juge par les Actes des saints qu'on lit dans l'assemblée des fidèles, il est évident qu'on doit accorder le titre de martyrs non seulement à ceux qui ont eu à combattre pour la foi du Christ, mais encore à ceux qui ont courageusement répandu leur sang pour le maintien des droits de la justice et de la vérité, qui est Dieu même, à l'exemple de ces prophètes de l'Ancien Testament, qui ont eu à endurer, dit l'Apôtre, de sanglantes railleries et des coups, qui ont été mis en pièces, soumis à toutes sortes d'épreuves, et sont morts frappés par le glaive. Dans le Nouveau Testament, nous trouvons également des saints en grand nombre qui ont été torturés de diverses façons, non pas précisément à cause de la confession de leur foi, mais à cause de leur amour de la justice et de la vérité. Nous en avons un exemple manifeste dans saint Jean Baptiste, qu'aucun des fils de femmes n'a surpassé, et qui fut décapité par le cruel Hérode, à cause de son attachement inébranlable à la justice et à la vérité, ainsi que nous l'apprenons par le récit sacré de l'évangile. «Hérode en effet, y lisons-nous, redoutait Jean, car il le savait homme juste et saint; il veillait à sa conservation, et le consultait en nombreuses circonstances. Mais il finit par lui faire trancher sa tête, parce que Jean le réprimandait au sujet de la femme de son frère que le roi avait épousée du vivant même de son mari.»

Aussi le Seigneur dit-Il à ses fidèles : «Bienheureux ceux qui endurent persécution pour la justice». Et pour que les futurs pasteurs de son Église ne vinssent à trembler en présence de l'ennemi, Il les encourage par la vue de son propre Exemple, leur disant : «Je suis le bon Pasteur; le bon Pasteur donne sa Vie pour ses brebis.» C'est donc à bon droit que nous vénérons les pasteurs, qui, consumés par le feu de la charité, n'ont pas craint les coups des bourreaux, mais qui se sont offerts comme une hostie vivante et agréable à Dieu, et se sont immolés au Seigneur par un sacrifice de suave odeur.

Il faut compter parmi ces pasteurs généreux et considérer comme ayant droit aux devoirs de notre piété le martyr Aigulphe, abbé du monastère de Lérins, qui, dévoré de zèle pour la vérité, consumé par le feu de la charité, aima mieux subir la mort que de commettre le mal : il succomba pour l'Église du Christ, c'est-à-dire pour le salut des âmes qu'il voulait à tout prix arracher aux abîmes de l'enfer. Nous avons, avec l'Aide de Dieu, rapporté ici son histoire, toute remplie de vertus et vraiment digne d'éloges, telle que nous la trouvons dans certains documents du monastère de Lérins, qu'il gouverna. Nous commencerons d'abord, à l'exemple des anciens historiens, par faire connaître la famille du saint, son pays natal, les circonstances qui l'amenèrent en ce lieu, et nous terminerons en disant comment il répandit courageusement son sang pour l'amour du Christ.

À l'époque ou, par la Grâce de Dieu, régnait dans les Gaules le roi Dagobert Ier, vivaient en la ville de Blois les parents du bienheureux Aigulphe. Ils ne possédaient pas beaucoup de ces richesses qui sont considérées dans le monde comme le principal relief des familles, mais ils brillaient entre tous par la pureté de leurs moeurs et la sainteté de leur vie. Ayant été quelque temps sans pouvoir recueillir le fruit de leur mariage, ils supplièrent le Seigneur de daigner exaucer leurs voeux, et de leur envoyer un fils, moins pour leur avantage personnel que pour avoir la consolation de le consacrer au service divin. Dieu exauça leurs prières et leur accorda un enfant d'une beauté remarquable. Ils mirent tous leurs soins à le bien élever, afin qu'il brillât un jour par ses vertus devant Dieu et devant les hommes.

Lorsque Aigulphe eut atteint l'âge de l'adolescence et sentit en ses membres les aiguillons de la luxure, ils s'efforça de remédier à cette maladie mortelle de l'âme en se soumettant à des jeûnes rigoureux. En même temps on le voyait fréquenter assidûment l'église et assister avec dévotion aux offices divins, dans l'espérance que Dieu daignerait l'éclairer sur la voie qu'il devait choisir. Enfin, il se sentit frappé par ces paroles du psalmiste : «Le sacrifice de louange M'honorera; et c'est là le chemin par où Je lui manifesterai le salut de Dieu.»

À cette époque, Leodebundus, de bienheureuse mémoire, gouvernait le monastère de Saint-Aignan, situé en la ville d'Orléans. Ce père vénérable, digne émule de la sainteté de son très saint père Maur, et des vertus admirables qu'il avait laissées en testament à ses successeurs de la Gaule, était rempli d'une ardeur divine et travaillait à propager, autant qu'il était en son pouvoir, I'ordre monastique.

Tandis qu'il cherchait un endroit convenable où il pourrait réunir des âmes pour le service divin, il découvrit une vallée extrêmement paisible, dont la vaste superficie était des plus fertiles. Il se rendit alors auprès de Clovis II, fils du roi Dagobert, et le pria de lui octroyer, pour y construire un monastère, ce champ que les habitants du lieu appelaient Fleury. Le roi accorda à Leodebundus ce qu'il demandait, et ajouta en outre une forte somme d'argent pour la construction de ce monastère qui porte actuellement le nom de Fleury. Dès que le bâtiment fut achevé, on vit accourir de tous côtés vers le serviteur de Dieu des hommes qui ambitionnaient de militer pour le Seigneur sous sa conduite. La sainteté de ces fervents religieux devint si grande, que de ce monastère de Fleury sortirent en quantité des fleurs et des fruits dont l'odeur suave embauma la Gaule tout entière. La renommée de cette communauté parvint jusqu'aux oreilles du bienheureux Aigulphe, qui avait alors perdu ses parents. Désireux de se dégager de toutes les entraves du siècle pour se livrer tout entier au Christ, le saint jeune homme commença, pour rendre sa marche plus expéditive, par vendre tous ses biens, dont il distribua le prix aux pauvres puis il s'engagea résolument, ainsi dépouillé de tout, dans la voie de la croix.

L'austérité de ses jeûnes était si grande, son assiduité aux prières et aux veilles si continue, que tout le monde considérait sa vie comme un vrai prodige. Au bout de quelques années, la renommée de sainteté du bienheureux devint universelle. Mais lui, ne pouvant supporter les éloges de la multitude, se soustrayait, autant qu'il était en son pouvoir, aux relations avec les hommes : car il craignait que le Christ ne le considérât comme ayant été payé en ce monde de ses mérites par la faveur populaire.

Mais le Seigneur voulut placer sur le chandelier ce flambeau ardent, et confier le gouvernement de sa famille à ce fidèle serviteur, pour qu'il lui distribuât en temps opportun la mesure de froment. En effet, les parfums de la sainteté de Leodebundus s'étant répandus jusqu'aux confins du pays, les moines de Lérins, pleins d'admiration pour sa vie zélée et son exacte observance dans le service divin, décidèrent à l'unanimité d'envoyer vers le bienheureux des messagers, pour le conjurer de daigner leur servir de père et réunir par ses enseignements de pauvres moines qui erraient au hasard sans pasteur.

Il était arrivé, en effet, que, après que le bienheureux Honorat, aussi estimé de Dieu que cher aux hommes, eut passé de ce monde au royaume céleste, le monastère de Lérins avait été pillé et presque ruiné par les barbares; les moines, abandonnant cette île dépeuplée, vivaient sans pasteur au gré de leurs désirs. Le bienheureux Aigulphe reçut avec bonté les messagers, et lorsqu'ils lui eurent fait connaître et les dévastations produites par les ennemis et le genre de vie actuel des moines, il leur répondit en ces termes : «Mes frères, il est préférable que vous choisissiez parmi vous un des anciens et que vous vous soumettiez à son autorité et à son gouvernement; car j'estime qu'il n'y a pas d'accommodement possible entre mon genre de vie et le vôtre. À cette époque, en effet, la discipline régulière, que le courageux serviteur du Christ, saint Maur, avait instituée dans les monastères de Gaule, était en pleine efflorescence. Les moines de Lérins ne se laissèrent pas décourager par ce refus du bienheureux d'acquiescer à leurs désirs, mais ils revinrent plusieurs fois à la charge, et conjurèrent le saint, par les prières les plus instantes, de ne pas les laisser retourner seuls chez eux.

Leodebundus se laissa enfin toucher par leurs prières et cédant aux sollicitations de la charité, qui est Dieu même, il fit ses adieux à ses frères, aux magistrats du lieu qui le tenaient en grande estime à cause de sa vertu, au roi qui l'aimait tendrement, et qui, après avoir consulté son conseil lui permit de s'éloigner; puis il se mit en route pour aller rétablir la communauté de Lérins. Il reçut paternellement, dans l'amour du Christ, tous les fils que Dieu lui confiait, et il s'employa immédiatement à relever les bâtiments en ruines, afin que tous les frères dispersés pussent s'y réunir. Tous se réjouissaient d'entrer en part de ses bénédictions. Beaucoup d'hommes d'illustre naissance, prenant en dégoût la vie voluptueuse de ce monde, vinrent se mettre sous sa conduite, après avoir distribué aux pauvres châteaux, villages, possessions de tous genres, et s'être ainsi dégagés des liens du siècle, pour servir le Christ avec plus d'assurance.

Le saint abbé, semblable à un sage médecin, appliquait aux âmes et aux corps les remèdes que réclamait leur état, ne se contentant pas de guérir les maladies présentes, mais prenant en outre les moyens propres à écarter les maladies futures. Il commençait d'abord par arracher radicalement du coeur de ses fils les ronces qu'y avaient fait croître leurs désordres antérieurs; puis il s'appliquait à semer, en la place, la semence précieuse de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain. Il leur enseignait en outre à détester cette fausse douceur du monde dont parle l'apôtre saint Jean, lorsqu'il dit : «Mes chers enfants, gardez-vous bien d'aimer le monde, ni quoi que ce soit du monde; car en celui qui aime le monde l'amour du Père ne peut habiter». Aussi arriva-t-il promptement que, tous les frères menant sur cette terre une vie tout angélique, la communauté de Lérins recouvra l'antique observance qui avait fait autrefois sa gloire.

Le bienheureux Aigulphe était heureux de voir ses chères brebis oublier ainsi tout ce qui est transitoire pour ne soupirer qu'après les biens éternels, et il en rendait à Dieu d'immenses actions de grâces. La bonne odeur qu'exhalait la sainte vie de ces premiers disciples se répandait dans les pays circonvoisins et gagnait en grand nombre des hommes illustres qui venaient avec bonheur se soumettre au joug du Christ. Oh ! Qu'elle était heureuse, l'île de Lérins, rehaussée par l'éclat de ce vaillant champion du Christ, Aigulphe, en qui resplendissait l'amour la plus ardente, et l'innocence la plus pure ! Il gouvernait sa communauté au milieu du calme le plus profond; car il avait un pouvoir souverain pour mettre en fuite tous les démons. Une pureté mêlée de douceur, une sévérité qui faisait le charme de tous les bons religieux, le rendait aimable à tous ceux qui cherchaient Dieu en vérité.

Mais le diable, cet antique ennemi du genre humain, celui par la misérable envie duquel la mort était entrée en ce monde, était jaloux de voir la Gloire du Seigneur s'étendre et se dilater dans cette bienheureuse île : il souffrait de se voir arracher successivement ceux qu'il retenait autrefois en esclavage. Il parvint à se servir comme d'agents de deux moines, Arcadius et Columbus, dont le coeur était rempli d'amertume, et qui avaient toujours eu en horreur la voie étroite qui conduit à la vie. Il leur persuada de songer aux consolations de la vie présente, qu'il n'était plus loisible de se procurer sous la direction du bienheureux. Le diable leur fit concevoir, comme autrefois à Judas, le dessein de livrer leur maître, dans l'espoir que, le pasteur une fois mis en fuite, il serait facile de disperser les brebis privées de leur gardien.

La rage des méchants, excitée par ces deux tisons d'enfer, s'accrut promptement, et le nombre des ennemis du saint surpassa celui des amis qui lui restèrent fidèles. Toujours, en effet, on a compté plus de fous que de sages. Cependant ces misérables, ne pouvant arriver à satisfaire leur volonté perverse, jetèrent dans la communauté des semences de discorde, et s'efforcèrent de détourner de leurs saintes résolutions tous ceux que le saint père avait solidement établis dans le service de Dieu. Le bienheureux Aigulphe ne tarda pas à découvrir où tendaient les efforts des méchants, et pour sauvegarder la discipline régulière, il aborda, en se tenant lui-même ferme dans l'observance, comme une colonne immobile, il aborda ces moines séditieux, et le visage joyeux, I'âme tranquille, il s'efforça par ses paroles de calmer la fureur qu'agitait leurs coeurs : «Mes doux enfants, mes fils que j'aime à l'excès, pourquoi vous efforcez-vous de rompre le lien sacré qui vous unit en cette île, après que la vocation divine vous y a amenés des diverses parties du monde ? Consentez à renoncer à vos jalousies, et obéissez à la parole du Christ qui vous dit : «Apprenez de Moi que Je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes». Exercez-vous à l'humilité qui est l'amie de toutes les vertus, et appliquez-vous uniquement à la posséder.» Ces paroles suppliantes du bienheureux réussirent à calmer pour un moment la fureur des misérables, qui firent humblement l'aveu de leur faute.

Mais l'année suivante, elle se réveilla plus violente que jamais. Arcadius et Columbus remuèrent de nouveau la tourbe des méchants toujours prêts à tramer la perte des bons; les scélérats se ruèrent sur ceux qui entendaient rester fidèles à leur saint abbé, et qui n'eurent que le temps de se réfugier en l'église de Saint-Jean-Baptiste, pour mettre leurs corps et leurs âmes sous la protection du Seigneur. Les moines révoltés les ayant poursuivis jusqu'en ce saint asile, le bienheureux Aigulphe s'avança à leur rencontre, et leur adressa la parole avec douceur : «Je vous en conjure, mes frères, dépouillez-vous de cette misérable haine que vous inspire votre jalousie, et conservez le lien de la charité entre vous et vos frères. Vous savez bien que je suis venu en cette île uniquement pour condescendre à vos supplications. Si donc vous pensez que je sois la cause des discordes qui règnent parmi vous, traitez-moi comme Jonas, sacrifiez-moi; car il m'est bien préférable de m'éloigner de vous que d'endurer ici un supplice perpétuel par le spectacle de vos moeurs relâchées.»

 

Le saint, qui prévoyait les extrémités auxquelles allaient se porter les insurgés, redoublait auprès d'eux ses sages avertissements et priait Dieu avec ferveur pour ces malheureux. Mais ceux-ci, qui semblaient avoir hérité de la rage aveugle de l'antique pharaon, ne se laissèrent point toucher par les douces paroles du vieillard; ils n'en devinrent même que plus acharnés, et, se précipitant sur le bienheureux Aigulphe et ses compagnons, ils les accablèrent de coups et d'outrages. Ils les affublèrent de sales vêtements pour les rendre ridicules et les condamnèrent à quitter l'île sur-le-champ. Pour exécuter cette sentence, ils réunirent une petite troupe de soldats que leur avait fournie le gouverneur de la cité d'Unserie, de connivence avec les révoltés, l'exécrable Mummole, ils montèrent sur un navire avec les saints moines, et allèrent déporter ces derniers dans l'île Caprasia.

Durant tout le trajet, les saints de Dieu furent accablés de tortures, de coups et d'outrages par les moines révoltés; on leur coupa la langue, on leur creva les yeux, enfin on les fit souffrir dans tous leurs membres. Mais, chose merveilleuse ! - quand leurs langues eurent été coupées, on les entendit chanter au Seigneur : «Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche fera retentir ta louange». Dieu, qui leur avait ainsi rendu miraculeusement l'usage de la parole, leur accorda même une éloquence plus persuasive que celle qu'ils possédaient antérieurement; et le bienheureux martyr du Christ Aigulphe en profita pour consoler ses compagnons enchaînés : «Souvenez-vous, mes enfants, leur disait-il, que c'est à travers des tribulations multiples que nous devons aller au ciel.»

Le bienheureux Aigulphe supporta courageusement et joyeusement tous les supplices qu'il eut à endurer dans la prison avec ses compagnons. Le souvenir de la passion de notre Seigneur leur donnait la force de demeurer fermes au milieu des tortures. Tous chantaient en choeur au Seigneur : Que Te rendrons-nous, Seigneur Jésus Christ, pour les souffrances, infiniment plus cuisantes que les nôtres, que Tu as endurées par amour pour nous ? Nous prendrons généreusement le calice du salut et nous invoquerons ton Nom. Seigneur, c'est à cause de Toi qu'on nous fait mourir tout le jour; ne repousse pas tes serviteurs, car c'est de notre plein gré que nous nous laissons immoler pour l'honneur de ton Nom, comme des brebis destinées à la boucherie. Seigneur, nous avons placé en Toi notre espérance, ne déçois pas notre attente».

Lorsqu'ils eurent cessé de prier, l'archange saint Michel descendit dans la prison au milieu des ténèbres de la nuit et dit aux courageux confesseurs : «Courage, petit troupeau; ne craignez point; car il plaît à votre Père de vous procurer le royaume de Dieu par le moyen du saint martyre.» Les prisonniers rendirent d'ardentes actions de grâces à Dieu, qui daignait ainsi les soutenir.

Cependant un des gardes, touché de pitié à la vue des souffrances des martyrs du Christ, les engageait à prendre la fuite. Mais le bienheureux Aigulphe lui répondit : «Si nous demeurons en vie, c'est pour le Seigneur que nous vivons; si l'on nous fait mourir, c'est également pour le Seigneur que nous mourrons : que la Volonté du Seigneur s'accomplisse en nous.» Puis les saints moines se mirent de nouveau à chanter au Seigneur : «C'est vers Toi, Seigneur, que nous levons les yeux». Enfin, on exécuta les martyrs en cette même île de Caprasia; on leur amputa d'abord les bras, puis on leur trancha la tête. Mais, avant de recevoir la mort, ils avaient obtenu des bourreaux un moment de répit pour se recommander à Dieu; et comme on voulait, selon la coutume, leur voiler le visage, ils répondirent : «Laissez-nous voir le ciel, afin que notre esprit se dirige plus facilement vers le Seigneur qui nous a créés.» Après avoir recommandé leur âme au Seigneur, ils se livrèrent avec fermeté et allégresse entre les mains des bourreaux, et rendirent à Dieu leur esprit en récitant les prières et en louant le Seigneur.

Dieu permit qu'un des compagnons d'Aigulphe, qui avait réussi à s'échapper, pût revenir à Lérins, et rapporter tout le récit du martyre des saints moines. Tous éclatèrent alors en sanglots, et envoyèrent immédiatement à l'île Caprasia quelques-uns d'entre eux pour en rapporter les corps sacrés des martyrs. Les envoyés recueillirent pieusement dans des corbeilles des reliques vénérables, qui exhalaient une odeur si suave qu'on eût cru le vaisseau chargé d'aromates ou de roses. Lorsqu'ils furent de retour à Lérins, le bienheureux Pigromo, successeur de l'abbé Aigulphe, ensevelit honorablement les ossements sacrés.