( L'an de Jésus Christ 298)
fêté le 30 octobre
Dans la ville de Tingis, on commandait le président Fortunat, on célébrait l'anniversaire de la naissance de l'empereur. Tous réunis dans des festins se livraient à la bonne chère et offraient des sacrifices. Un des centurions de la légion trajane, nommé Marcel, ne voyant dans ces banquets que des assemblées sacrilèges, jeta, sous les yeux de tous, sa ceinture; militaire au pied des enseignes de la légion, en criant a haute voix : "Je suis soldat de Jésus Christ, le roi éternel." Il rejeta de même le sarment de vigne du centurion avec ses armes, et ajouta : "Dès ce moment, je cesse de servir vos empereurs. Je méprise vos dieux de bois et de pierre; ce ne sont que des idoles sourdes et muettes que je n'adorerai jamais; puis donc que telle est la condition du service militaire qu'on y est forcé de sacrifier aux dieux et aux empereurs; je laisse le sarment de vigne et le baudrier, je renonce à vos enseignes, je refuse d'être soldat."
Les soldats, à ces paroles, furent saisis d'étonnement; ils arrêtèrent Marcel et avertirent le commandant de la légion, Anastase Fortunat, qui le fit jeter en prison. Quand les banquets et les fêtes furent terminés, Fortunat prit place dans la salle du conseil, et ordonna qu'on lui amenât le centurion Marcel. Dès qu'il fut introduit, le préfet Anastase Fortunat lui dit : "Par quel motif, contre les lois de la discipline militaire, as-tu détaché ta ceinture, et rejeté ton baudrier et le sarment du centurion ?" Marcel répondit : "Déjà, le douze des calendes d'août, devant les enseignes de cette légion, lorsque vous célébriez la fête de l'empereur, j'ai déclaré publiquement et à haute voix que j'étais chrétien, que je ne pouvais m'enchaîner aux empereurs par le serment du service militaire, et servir un autre maître que Jésus Christ, le Fils de Dieu le Père tout puissant." Le préfet Anastase Fortunat dit : "Ta témérité est trop grande pour que je puisse la dissimuler; c'est pourquoi j'en ferai mon rapport aux empereurs et au César. Tu seras conduit, sans avoir rien eu à souffrir de ma part, auprès d'Aurélius Agricolanus, que je reconnais pour mon chef, en sa qualité de lieutenant du préfet du prétoire."
Le troisième jour des calendes de novembre, dans la ville de Tingis, le centurion Marcel fut introduit devant Agricolanus, et un officier dit en l'introduisant : "Voici le centurion Marcel, que le préfet Fortunat envoyé pour être jugé par ton autorité. Une lettre explique l'affaire qui le concerne; si tu l'ordonnes, je la lirai."
Agricolanus dit : "Qu'elle soit lue." Et le greffier lut : "Fortunatus à Agricolanus, et le reste. Ce soldat, après avoir rejeté sa ceinture militaire, s'est déclaré chrétien; et, devant tout le peuple, a proféré plusieurs blasphèmes contre les dieux et contre César. C'est pourquoi nous te l'avons envoyé, afin que tu lui infliges le châtiment que ta haute sagesse aura jugé convenable."
Après la lecture de cette lettre, Agricolanus dit : "Est-ce bien là le langage que tu as tenu devant le préfet ?" Marcel répondit : "Oui, j'ai parlé ainsi." Agricolanus dit : "Tu servais comme centurion ordinaire ?" Marcel répondit : "Oui, je servais à ce titre." Agricolanus dit : "Quelle est donc cette fureur qui t'a poussé à renier tes serments, et à dire de telles paroles ?" Marcel répondit : "Il n'y a point place à la fureur chez ceux qui craignent Dieu." Agricolanus dit : "Reconnais-tu avoir dit tout ce qui se trouve écrit dans les actes du préfet ?" Marcel répondit : "Je le reconnais." Agricolanus dit : "Tu as rejeté tes armes ?" Marcel répondit : "Je les ai rejetées. Il ne convient pas en effet qu'un chrétien, qui sert le Christ son Seigneur, soit en même temps l'esclave du siècle et de ses sollicitudes."
Agricolanus dit : "Les actes dont Marcel s'est rendu coupable sont de telle nature qu'ils doivent être punis selon les lois de la discipline militaire." Et il dicta aussitôt cette sentence : "Marcel, qui servait comme centurion ordinaire, convient d'avoir renié publiquement ses serments; de plus, les actes du préfet font foi qu'il a proféré d'autres paroles pleines de fureur. En conséquence, j'ordonne qu'il périsse par le glaive." Comme on le conduisait au supplice, il dit à Agricolanus : "Que Dieu répande sur toi ses Bienfaits." Il était digne d'un martyr de quitter ainsi le monde. A peine avait-il prononcé ces belles paroles que sa tête tombait sous le glaive, pour le Nom de notre Seigneur Jésus Christ, à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Amen.