C'est la seconde année de Vararanne, roi des Perses, que le bienheureux Maharsapor souffrit le martyre. Il était d'une des plus illustres familles de Perse, mais encore moins distingué par sa naissance que par la pureté de sa foi, qu'il sut préserver également des superstitions païennes et de l'hérésie. Il menait donc tranquillement au port du salut sa barque chargée de richesses : l'ennemi du genre humain en fut jaloux, et résolut sa perte. Il suscita des hommes pervers qui l'attirèrent perfidement chez des ennemis déclarés du nom chrétien : ceux-ci le dénoncèrent. Aussitôt le roi le fit jeter dans un affreux cachot, espérant triompher de sa constance par les privations et les souffrances de la prison. Ce fut en vain, Maharsapor fut inébranlable. La persécution n'était pas encore déclarée, quand Maharsapor souffrait ces tourments et faisait cette confession généreuse.
Quand elle eut embrasé toutes les provinces de l'empire, il fut un des premiers qui tombèrent entre les mains des soldats : dans son ardeur pour le martyre, il avait prévenu ses nombreux accusateurs, et était venu plusieurs fois se livrer lui-même aux satellites du tyran. Enfin, il fut arrêté, et cruellement traité par Hormisdavare, le bourreau du martyr Narsès, et de son compagnon Sabucatas, avec qui Maharsapor avait été pris. Pendant trois ans on essaya sur lui les plus affreux supplices : rien ne put vaincre sa constance. Quand on l'amena devant le juge pour prononcer enfin sa sentence, le juge ne put le reconnaître, tant les tourments qu'il avait soufferts et le long séjour dans la prison l'avaient défiguré. «Sais-tu, lui dit le juge, que tout ce que tu as souffert jusqu'à présent n'est rien auprès de ce que je puis te faire souffrir encore ? Mais je puis aussi te combler, si tu veux, des plus grands bienfaits; l'un et l'autre est en mon pouvoir.»
e martyr lui répondit : «Tes menaces ne m'effrayent pas, puisque les supplices seront mon salut et ma gloire. Ce que je regrette, c'est d'être condamné par un homme d'aussi basse extraction que toi, tandis que j'aurai dû avoir pour juges mes pairs en noblesse. Cependant exécute les ordres qu'on t'a donnés, car tu es esclave, et tu as un maître; pour moi, le maître que je sers, et pour qui je souffre, est aux cieux, et je ne reconnais pas d'autre maître sur la terre. Je ne résiste pas aux ordres du roi quand ils sont justes; mais quand le roi commande le mal, l'obéissance serait un crime.» Une telle constance en face des supplices et de la mort irrita le juge, et il commanda de jeter immédiatement le martyr dans une fosse profonde et d'en fermer l'entrée. Il ordonna aussi d'y mettre des gardes pour empêcher qu'on ne lui donnât de la nourriture.
Sur-le-champ les soldats l'entraînent, le garrottent, et le jettent dans une fosse profonde et ténébreuse, persuadés que bientôt il mourrait de faim. Il y resta depuis le mois d'août jusqu'au 16 des ides d'octobre. Le tyran alors ordonna aux soldats d'aller voir ce qu'il était devenu. Ceux-ci ayant ouvert l'entrée de la fosse, aperçurent au fond le martyr à genoux et environné d'une brillante lumière; ils furent frappés de terreur; ils crurent que dans les profondeurs de la caverne un dragon terrible, et dont les yeux lançaient la flamme, veillait sur le martyr, et lui sauvait la vie : ils n'avaient pas vu que le saint était mort dans l'attitude de la prière : enfin ils s'en aperçurent et allèrent l'annoncer au juge.
Ce fut au mois d'octobre, un samedi, qu'on apprit que le glorieux martyr avait remporté la couronne.