PREMIER ÉVEQUE DE JÉRUSALEM fêté le 23 octobre et le dimanche après Noël (L'an de Jésus Christ 61 on 62) Ce récit est emprunté à l'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe, qui l'a tiré lui-même d'Hégésippe, historien du 2e siècle, dont nous ne possédons plus que quelques fragments |
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Après l'Ascension de Jésus Christ et la venue de l'Esprit saint, saint Jacques, frère du Seigneur, prit avec les apôtres le gouvernement de l'Église. On le nommait le Juste dès le temps même du Fils de Dieu, et c'était par un nom si saint qu'on le distinguait de quelques autres, qui, comme lui, portaient le nom de Jacques. Il fut consacré à Dieu dès le sein de sa mère; il ne but jamais ni vin, ni aucune autre liqueur qui pût enivrer, et il garda une perpétuelle abstinence de viande. Il ne prenait aucun soin de sa chevelure; jamais rasoir n'y toucha, et l'usage du bain lui fut toujours inconnu.
Une sainteté si éminente lui fit accorder l'entrée du sanctuaire, qui n'était ouvert qu'aux prêtres, et il eut comme eux le privilège de porter la robe de lin. Il avait coutume d'aller au temple aux heures qu'il n'y avait personne; et là, prosterné devant Dieu, il priait pour les péchés du peuple, et il demeurait si longtemps dans cette posture, que ses genoux s'endurcirent comme la peau d'un chameau. Ce fut cette assiduité à la prière, et cette ardente charité, qui lui firent mériter d'être appelé la justice du peuple de Jérusalem, sa forteresse, et sa défense. C'est ce que les prophètes avaient prédit de lui.
Cependant quelques-uns de ceux qui étaient engagés dans les différentes sectes qui partageaient alors les Juifs, s'adressèrent à lui, et lui demandèrent ce qu'on devait croire de Jésus Christ. Il leur répondit que Jésus Christ était le Sauveur du monde : et cette réponse si nette et si précise en ayant persuadé plusieurs, ils crurent que Jésus était en effet le Christ qu'ils attendaient. La plupart de ces sectes n'admettaient ni la résurrection, ni le dernier avènement du Messie, ni l'éternité des supplices et des récompenses; mais ceux qui furent assez heureux pour être éclairés des lumières de la foi par le ministère de saint Jacques, renoncèrent aussitôt à leurs anciennes erreurs, et reçurent des vérités qu'ils avaient jusque là rejetées.
La conversion de ces Juifs, parmi lesquels se trouvaient des personnes de considération et d'un rang distingué, jeta le trouble et la confusion dans la synagogue. Les pharisiens et les docteurs de la loi se mirent à crier en tumulte que leur religion allait être renversée, que presque tout le peuple séduit se laissait entraîner à la fausse créance que Jésus de Nazareth était le Messie; enfin s'étant rassemblés, et ayant délibéré un moment entre eux, ils vont trouver saint Jacques, et lui parlent en ces termes: " Nous venons te prier et t'exhorter tous ensemble, d'employer tout le pouvoir que la sainteté de ta vie t'a donné sur l'esprit du peuple, pour le porter à renoncer à ces nouveautés dangereuses, qui en ont déjà perverti plusieurs : détrompe-les de la fausse opinion où ils sont, que ce Jésus est véritablement le Messie qui nous est promis. Tu vois que la grande fête de Pâques rassemble ici de toute la Judée un peuple nombreux; inspire-lui les sentiments qu'il doit avoir de cet imposteur; nous savons que rien n'est plus pur que ta vertu, et nous sommes convaincus que ta probité est hors d'atteinte à la faveur et à l'intérêt. Persuade donc à ce peuple de ne plus s'attacher à ce vain fantôme de Messie; monte sur la terrasse du temple, afin que, de ce lieu élevé, tu puisses être entendu de toute cette multitude de Juifs et de gentils, que la solennité a fait venir de toutes parts à Jérusalem."
Les pharisiens ayant ainsi obligé saint Jacques à monter sur la plate-forme du temple, ils lui crièrent :"Saint homme, fais entendre ta voix à ce peuple; il est dans l'erreur, en adorant un certain Jésus qui a été attaché à une croix; enseigne-lui ce qu'il faut qu'il croie de cet homme; parle, explique-toi; tes paroles seront pour nous et pour ce peuple comme autant d'oracles prononcés par la bouche de la vérité même. " Alors saint Jacques, élevant sa voix, leur répondit : "Pourquoi m'interrogez-vous touchant Jésus, Fils de l'homme? Sachez qu'Il est assis à la droite de la souveraine Puissance de Dieu, et qu'Il doit un jour paraître au milieu des nuées, pour juger de là tout l'univers. "
Un témoignage rendu à la Divinité de Jésus Christ d'une manière si authentique et si peu attendue, servit beaucoup à confirmer les nouveaux chrétiens dans la foi qu'ils venaient d'embrasser. Ils s'écrièrent tout d'une voix : "Gloire au Fils de David, honneur et gloire à Jésus." Mais, d'un autre côté, les docteurs de la loi et les pharisiens, se voyant si loin de leur attente, se disaient l'un à l'autre : "Qu'avons-nous fait ? Toute notre prudence n'aura donc servi qu'à fortifier cette nouvelle secte d'un témoignage si considérable ? Allons, courons venger, et notre religion outragée, et notre politique trompée. Montons sur la terrasse du temple, et que celui qui a fait une injure si sensible à l'une et à l'autre, soit précipité à la vue du peuple, et qu'il apprenne aux autres par sa mort qu'on ne renonce pas impunément à la religion de nos pères pour embrasser les nouveaux dogmes d'un inconnu."
Ils se mirent en même temps à crier : "Quoi ! L'homme de Dieu est aussi dans l'erreur, et ce fut alors que l'on vit s'accomplir ces paroles qu'on lit dans la Sagesse : "Mettons à mort le Juste, parce qu'il nous est à charge." Animés d'une fureur aveugle, ils montèrent sur la terrasse du temple, et en précipitèrent le saint. Cependant il ne mourut pas d'abord, et il eut encore assez de force pour se mettre sur les genoux, et pour adresser à Dieu cette prière : "Seigneur, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu'ils font. " Mais ces hommes, moins hommes que des tigres, s'écrièrent : "Il faut le lapider;" et à l'instant même ils font tomber sur lui une grêle de pierres. Il n'y en eut qu'un d'entre eux qui, touché de quelque sentiment d'humanité, dit aux autres : "Arrêtez ! Que faites-vous ? Le Juste prie pour vous, et vous le faites mourir." Ces paroles toutefois furent sans effet, et elles n'empêchèrent pas qu'un foulon ne déchargeât de toute sa force sur la tête du saint un coup d'une espèce de massue de bois dont les foulons se servent pour apprêter leurs étoffes; et ce coup mit fin au martyre du Juste et à sa vie. Son corps fut enterré au même lieu, et son tombeau est encore là, tout près du temple. Jacques fut aux Juifs et aux gentils un témoin irréprochable de la Divinité et de la Mission de Jésus Christ. Mais bientôt eut lieu le siège de Jérusalem par Vespasien, et les Juifs furent emmenés en captivité.