LES ACTES DE SAINTE FOY, VIERGE, ET DES SAINTS CAPRAIS, PRIME, ET FÉLICIEN

(L'an de Jésus Christ 287.)

Fêtés le 20 octobre

 

La vierge sainte Foy naquit dans la ville d'Agen, d'une famille noble et illustrée par de glorieux ancêtres. Elle est devenue, par son martyre, protectrice du lieu où elle avait reçu le jour. Noble de naissance, elle fut encore ennoblie davantage par la Grâce du Christ. Car, revêtue de la blanche robe de la virginité, toute brillante par la pureté de sa foi, elle s'offrit au Seigneur Jésus Christ comme un parfum d'agréable odeur. La première dans cette ville d'Agen, elle reçut la couronne, et donna l'exemple du martyre à tous les fidèles. Elle ne craignit pas de perdre cette vie qui passe, pour gagner celle de l'éternité, parce que, dès sa plus tendre enfance, elle avait donné son coeur au Seigneur Jésus Christ, Le reconnaissant pour son souverain Maître. Au temps de son martyre, elle était d'une grande jeunesse, mais d'une prudence et d'une gravité qui égalaient celles des vieillards. Elle était belle de corps, mais plus belle encore par sa foi et par la candeur de sa virginité, qui répandait sur son front une douce sérénité. Un préfet nommé Dacien fut alors envoyé dans ce pays par les empereurs idolâtres Dioclétien et Maximien, qui régnaient à Rome. Ce misérable en était venu à un tel excès de démence qu'il comblait de biens et d'honneurs les sacrilèges, et infligeait les plus cruels supplices aux chrétiens, obligés de se cacher pour éviter sa fureur.

A peine fut-il entré dans Agen qu'il ordonna de rechercher tout d'abord et de lui amener la vierge Foy. Celle-ci s'offrit d'elle-même aux satellites; et, s'armant du signe de la croix, adressa au Seigneur cette prière : "Seigneur Jésus Christ, qui protèges et aides en toutes choses ceux qui T'appartiennent, viens au secours de ta servante, et mets dans ma bouche les paroles que je dois répondre à ce tyran." Ayant ensuite marqué son front, sa bouche et sa poitrine du signe du salut comme d'un bouclier, elle se mit en marche d'un coeur joyeux. Quand elle fut devant le préfet, il lui demanda d'une voix doucereuse : "Quel est ton nom ?" La vierge répondit aussitôt sans aucun trouble : "Je m'appelle Foy, et mes oeuvres s'accordent avec mon nom." Le préfet reprit : "Et quelle est donc la religion à laquelle tu as ainsi donné ta foi ? - Depuis mon enfance, répondit-elle, je sers le Seigneur Jésus Christ; je confesse son Nom, et je Lui donne mon coeur sans aucun partage." Le préfet, affectant une grande tranquillité, lui repartit avec une feinte douceur : "Écoute, ô jeune fille, le conseil que je vais te donner, et qui convient mieux à ta beauté et à ta jeunesse. Cesse de confesser ainsi le Christ, et sacrifie à la très sacrée Diane qui a plus de rapport avec ton sexe. Si tu le fais, je te comblerai de richesses." La vierge du Christ méprisant cette promesse lui répondit : "J'ai appris par la tradition de nos pères que tous vos dieux sont des démons; et tu espères encore me déterminer à leur offrir ce sacrifices ?"

Le préfet transporté de colère lui répliqua : "Qui t'a donné cette audace d'appeler démons nos dieux immortels ? Prosterne-toi, ajouta-t-il, et sacrifie, ou je vais te faire périr dans les supplices." Sainte Foy, entendant ces menaces, se fortifia par le souvenir de la constance des martyrs les plus illustres. Comme elle attendait fermement la même récompense, et que son plus grand désir était de perdre cette vie terrestre pour gagner la gloire du ciel, elle s'écria avec force : "Non seulement je suis prête à souffrir tous les supplices pour mon Seigneur Jésus Christ, mais je désire même subir la mort pour la confession de son saint Nom." Alors le préfet plus irrité encore ordonna à ses satellites de placer la vierge sur un lit d'airain, de l'y étendre, et d'allumer dessous un feu violent, afin de consumer ses membres délicats dans un si cruel supplice.

La vierge intrépide monta d'elle-même sur cet instrument de torture et s'y étendit. On lui écarta violemment les membres, et on les lia avec de fortes chaînes de fer sur ce lit embrasé. Aussitôt les cruels bourreaux, remuant les charbons avec le fer de leurs piques et y répandant de la graisse fondue, firent monter les flammes dévorantes jusqu'aux flancs de la victime. À cette vue, ceux qui étaient présents s'écrièrent tout d'une voix : "Oh ! quelle impiété et quel jugement inique ! Pourquoi livrer à cet affreux supplice une noble vierge, innocente et fidèle servante du vrai Dieu ?" En ce jour donc, il y en eut plusieurs, dont les noms ne nous ont pas été conservés, qui, voyant la constance de sainte Foy, secouèrent le joug sacrilège des démons, crurent au Seigneur Jésus Christ, et reçurent la glorieuse couronne du martyre.

Or, durant ce temps-là, saint Caprais, choisi de Dieu pour être lui aussi martyr, s'était enfui avec les autres chrétiens pour éviter les poursuites de ce préfet impie. Ils s'étaient cachés à peu de distance de la ville, dans une grotte formée par des rochers, et de l'entrée de laquelle on pouvait apercevoir ce qui se passait dans l'enceinte des murs de la cité. Or, ce jour-là, saint Caprais s'étant placé à l'ouverture de cette caverne pour examiner ce qu'il y avait de nouveau dans la ville, aperçut la sainte martyre étendue au-dessus des charbons ardents. Levant donc les yeux au ciel, il adressa une fervente prière à Dieu, afin qu'il Lui plût de donner la victoire à sa généreuse servante. Puis avec une ferveur inexprimable, il se prosterna à terre pour demander à Dieu un signe qui lui donnât à lui aussi la confiance d'aller s'offrir au supplice. Sa prière fut exaucée : il vit une colombe blanche comme la neige descendre du ciel et poser sur la tête de la vierge une couronne ornée de pierres précieuses et de perles célestes, et plus brillante que le soleil. Puis regardant la vierge elle-même, il la vit couverte d'un vêtement d'une blancheur admirable; ce qui lui fit comprendre que cette bienheureuse martyre, déjà si comblée des faveurs célestes, entrerait bientôt en possession de la récompense éternelle.

Caprais, serviteur de Dieu, affermi par la vue de ce prodige si grand et si admirable, et digne, par les mérites de sa vie, d'obtenir lui aussi une semblable gloire, frappa de sa main la roche qui lui servait de retraite, et aussitôt il en sortit une source d'eau vive qui coule jusqu'à ce jour, et qui, par la vertu que Dieu y a attachée, donne la santé à tous ceux qui viennent la chercher en ce lieu. Quiconque en effet est affligé de quelque maladie, lorsqu'il goûte l'eau qui sort de cette pierre, est aussitôt guéri par les mérites du saint martyr.

Fortifié par ce miracle dans sa confiance en la Grâce de Dieu, Caprais partit d'un coeur intrépide, sans avertir les autres chrétiens qui étaient cachés avec lui. Il parut à l'improviste sur la place où la glorieuse vierge et martyre sainte Foy subissait le supplice du feu, et avec un visage tranquille, il se mit à prêcher hautement le Christ. Aussitôt que le tyran barbare l'eut entendu, il le fit saisir et amener devant son tribunal; puis aussitôt il commença l'interrogatoire.

Saint Caprais répondit : "Mon premier titre est d'être chrétien, et dans le bain de la régénération, j'ai reçu du prêtre le nom de Caprais." À cette réponse, le préfet tâcha de le séduire par de douces paroles : "Tu es encore, lui dit-il, à la fleur de ton âge : si tu veux consentir à faire ce que je te demanderai, tu pourras être admis dans le palais des princes, jouir de leur amitié, et recevoir de grandes richesses." Le saint, averti par les prodiges célestes, et animé par l'exemple de la vierge sainte Foy, avait attaché pour jamais son coeur aux seuls biens véritables, et il répondit : "Le palais où je désire habiter, c'est celui du Seigneur que j'ai aimé depuis mon baptême, et que j'ai toujours reconnu pour le Rédempteur de tous ceux qui espèrent en Lui". "Jeune homme, reprit le préfet, je voudrais te guérir de ton opiniâtreté, afin de te combler de grandes richesses". "Je crois fermement, répondit Caprais, que je recevrai des richesses impérissables de la Main de Celui qui est fidèle dans ses paroles et saint dans toutes ses oeuvres." Le préfet le voyant inébranlable, et ne pouvant rien répondre à ses discours, dit à ceux qui l'entouraient : "Je ne veux pas disputer plus longtemps avec cet homme, de peur que la fatigue venant à me gagner, je ne paraisse vaincu." Il ordonna donc à ses satellites de saisir Caprais, et de déchirer son corps sans aucune pitié. On exécuta cet ordre; et le saint supporta les coups avec un visage tranquille, sans cesser de prêcher le Christ au peuple assemblé.

La foule touchée de compassion pleurait sur lui et faisait entendre de grands gémissements. Tous s'écrièrent d'une seule voix : "Quelle impiété ! Quel jugement inique ! Pourquoi voulez-vous faire périr cet homme de Dieu, si bon et si rempli de toutes les vertus ?" Car le bienheureux martyr était aimé de tous, et faisait paraître au milieu des tourments un calme et une douceur angéliques. Aucune injure, aucune invention cruelle des bourreaux ne purent fatiguer sa constance. On vit alors deux frères, Prime et Félicien, admirant ce grand courage, se joindre à lui par la foi et les oeuvres, et s'offrir généreusement aux supplices et à la mort. Le préfet impie les voyant tous unis ensemble et prêts à affronter la mort avec une même ardeur, tenta de les gagner par les promesses et les menaces. Il n'y put réussir, et voyant ainsi que tous ses efforts étaient inutiles, il rendit sa sentence définitive, d'après laquelle ils devaient être tous conduits avec la vierge sainte Foy au pied de l'autel des idoles; là, ils devaient sacrifier, et s'ils refusaient, on leur trancherait la tête.

Ces généreux soldats du Christ furent donc conduits au temple des idoles avec la vierge sainte Foy; on ne put en aucune manière les décider à sacrifier; et ils eurent tous ensemble la tête tranchée. Ainsi le même jour, à la même heure, ils triomphèrent par le martyre, afin qu'après avoir été unis en cette vie par la profession de la même foi, ils le fussent pareillement au ciel, d'une manière plus excellente encore, par la participation à la même couronne. Au milieu de la joie des choeurs angéliques, le Christ les a reçus dans sa Gloire et leur a donné la robe d'immortalité et la palme qui ne se flétrira jamais. Ils jouissent d'un bonheur ineffable en contemplant la Bonté divine, et règnent pour toujours avec l'Agneau. Nous célébrons leur passion glorieuse la veille des nones d'octobre, à l'honneur de Celui qui Se glorifie dans ses saints, et à qui soit la gloire avec le Père et le saint Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

La ville d'Agen, qui eut l'honneur de donner naissance à ces saints martyrs et d'être le théâtre de leurs combats, a eu aussi celui de posséder leurs corps qui, défigurés par les supplices et tout mutilés, avaient été laissés sans sépulture par les païens. La petite troupe des fidèles les enleva secrètement avec grande vénération, et recueillit dans des linges très-blancs le sang qui coulait de leurs blessures. On les plaça dans un lieu qui semblait moins propre à leur donner une sépulture honorable qu'à les cacher. Car dans le trouble dont les chrétiens étaient agités alors, ils craignaient que leurs ennemis venant à découvrir la place où ils avaient mis ce sacré dépôt, ne voulussent l'enlever, ou jeter les saints corps dans le fleuve voisin, au grand détriment du peuple fidèle. Ces précieuses reliques restèrent longtemps dans ce premier tombeau, jusqu'à ce que les ténèbres du paganisme ayant été entièrement dissipées, saint Dulcidius monta sur le siège épiscopal. Comme il s'acquittait avec vigilance de la charge de pasteur, son premier soin fut de lever les saintes reliques du lieu trop peu convenable où elles se trouvaient, pour les placer solennellement dans la nouvelle basilique qu'il avait fait construire sous l'invocation de la vierge sainte Foy. Là s'opérèrent une foule de miracles par l'intercession de ces glorieux martyrs et par la Grâce de notre Seigneur Jésus Christ, qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.