LA PASSION

DE SAINT BAISAR

ET DE SA MÈRE

fêtés le 24 octobre

Un écrivain anonyme nous a conservé un épisode d'une grâce exquise :

On conduisait mourir une jeune femme, et pendant la route elle donnait la main à son petit garçon, âgé de quatre ou cinq ans, qui trottinait comme il pouvait. Quand on fut arrivé et tandis qu'on garrottait sa mère, l'enfant vit Dhou-Nowas, le juif, assis sur son trône en vêtement de cérémonie ; il courut à lui et lui embrassa les genoux. Le roi l'éleva jusqu'à lui et l'embrassa : "Dis-moi, petit, veux-tu aller avec ta mère ou rester avec moi ?"

- "Je vais avec maman, elle m'a dit : " Viens, nous serons martyrs ". J'ai dit : " Maman, qu'est-ce que c'est, martyr ? " Elle m'a dit : " C'est mourir et puis c'est vivre ". Laisse-moi aller avec maman, je vois les hommes qui partent avec elle ; et il cria : Maman, maman !"

- "Connais-tu le Christ ?" dit le roi.

- "Je crois bien."

- "Comment le connais-tu ?"

- "Je Le voyais tous les jours à l'église quand j'allais avec maman ; veux-tu venir ? Je te Le montrerai."

- "Qui aimes-tu mieux, le Christ ou moi ?"

- "Le Christ, puisque je L'adore."

- "Et qui aimes-tu mieux, ta mère ou moi ?"

- "C'est maman ; mais laisse-moi retourner avec elle."

- "Pourquoi l'as-tu laissée et m'as-tu embrassé les genoux ? Tu ne sais donc pas que je suis juif ?"

- " Je croyais que tu étais chrétien, et je suis venu te demander de laisser maman tranquille."

- "Et bien, je suis juif ; mais si tu veux demeurer avec moi, je te donnerai des noix, des amandes et des figues."

- "Laisse-moi aller avec maman, je ne veux pas de tes cadeaux, juif."

- "Reste ici, tu seras mon enfant à moi."

- "Non, tu sens mauvais, et maman sent bon."

- "Voyez, dit le roi à son entourage, oh ! la mauvaise racine !"

Un des assistants dit à l'enfant : " Veux-tu que je te conduise chez la reine ?"

- "Non."

Et comme il vit qu'on emmenait sa mère et qu'on la brûlait, il cria : "Je veux maman". Mais on le retint de force, alors le petit se jeta sur le roi et le mordit à la cuisse ; mais on le remit à un courtisan : "Emmène-le, dit le Roi, élève-le et fais-en un juif." Comme on passait près du bûcher de sa mère, il s'échappa et courut se jeter dedans, il y fut consumé.