fêtés le 31 novembre
L'AN DE CHRIST 339
La troisième année du règne de Sapor, les mages accusèrent les Nazaréens. "Nous ne pouvons plus, dirent-ils, adorer le soleil et l'air, qui nous donnent des jours sereins, ni l'eau, qui nous purifie, ni la terre, qui sert à nos expiations. Voilà où nous ont réduits ces Nazaréens, qui blasphèment contré le soleil, qui méprisent le feu, qui ne rendent aucun honneur à l'eau." Le roi, vexé, ajourna son voyage à Aspharèse, et publia un édit pour arrêter les Nazaréens. Sur le-champ trois d'entre eux furent saisis par les soldats Mané, Abraham et Simon.
Le lendemain, les mages revinrent vers le roi et lui dirent : "Sapor, évêque de Nicator, et Simon, évêque de Beth-Séleucie bâtissent des oratoires et des églises, et séduisent le peuple par des discours artificieux." "Qu'on recherche les coupables par tout mon empire, dit le roi, et qu'on les juge avant trois jours." Des cavaliers partirent aussitôt, et parcoururent jour et nuit toutes les provinces de la Perse. Tous les Nazaréens découverts furent amenés au roi, qui les fit emprisonner là où étaient déjà leurs frères.
Le lendemain, le roi appela quelques personnages de marque et leur demanda s'ils connaissaient Sapor et Isaac les Nazaréens.
Sur leur réponse affirmative, il fit comparaître les coupables et leur dit : "Ignorez-vous que moi, fils du ciel, je sacrifie cependant au soleil, et rends au feu les honneurs divins ? et vous, qui êtes-vous donc pour outrager le soleil et mépriser le feu ?"
Les martyrs répondirent ensemble : "Nous ne connaissons qu'un Dieu, et n'adorons que Lui."
"Est-il un Dieu, répliqua le roi, meilleur qu'Hormisdate, ou plus fort qu'Ahriman irrité ? Et qui peut ignorer que le soleil mérite qu'on l'adore ?"
L'évêque Sapor lui répondit : "Nous ne connaissons d'autre Dieu que Celui qui a créé le ciel et la terre, et par conséquent la lune et le soleil, et tout ce que nos yeux contemplent, et tout ce que notre esprit conçoit; et nous croyons, en outre, que Jésus de Nazareth est son Fils."
Le roi fit frapper le saint évêque sur la bouche, et si brutalement qu'on lui brisa toutes les dents; mais il disait : "Jésus m'a donné quelque chose que tu ignores, qu'il te serait impossible d'obtenir."
"Pourquoi ?"
"Parce que, répondit le martyr, tu es un impie."
Le roi, irrité, le fit frapper sans pitié avec le bâton; ce qui fut fait jusqu'à ce qu'on lui eût rompu les os; on le releva à demi mort, et on le reconduisit enchaîné en prison.
Isaac comparut, et le roi, après lui avoir fait quitter son manteau lui dit : "Es-tu aussi fou que Sapor, faut-il que je mêle ton sang au sien ?"
"Cette folie, répondit Isaac, est une grande sagesse, dont tu es bien loin, sire."
"Tu parles avec bien de l'assurance; si je te faisais couper la langue ?"
"Il est écrit, répliqua Isaac : Je parlerai le langage de la justice en présence des rois, et je ne serai pas confondu."
"Comment, dit le roi, as tu osé bâtir des églises ?"
"Je l'ai fait, et je n'ai rien épargné pour le faire."
Le roi, tout en colère, appela sur-le-champ les principaux de la ville, et leur dit : "Vous savez que quiconque conspire contre moi est coupable de lèse-majesté et mérite la mort. Comment donc avez-vous si peu ressenti mes injures, que vous ayez fait alliance avec Isaac et soyez passés dans son camp? J'en jure par le soleil et par le feu qui ne peut s'éteindre, vous mourrez tous avant moi." Aussitôt tous ces grands, qui jusque-là s'étaient dits chrétiens, tremblent et se jettent la face contre terre, puis, saisissant Isaac, ils l'entraînent et le lapident, tant la frayeur les avait égarés.
L'évêque Sapor, ayant appris dans sa prison la mort du courageux martyr, en fut comblé de joie, et bénit le Seigneur d'avoir couronné son athlète. Lui-même mourut deux jours après, dans son cachot, des suites de ses blessures et sous le poids de ses chaînes. Le roi se fit apporter sa tête, car il avait refusé de croire qu'il était mort.
Après qu'lsaac eut été lapidé et que Sapor fut mort en prison, le roi fit comparaître devant lui Mané, Abraham et Simon, et les pressa de sacrifier au soleil et d'adorer le feu. Ils répondirent : "Dieu nous préserve d'un pareil crime; c'est Jésus que nous adorons et que nous confessons. "
Le roi ordonna de les faire mourir en divers supplices. Mané fut écorché vif depuis le sommet de la tête jusqu'au milieu du ventre, et expira dans ce tourment. Abraham eut les yeux crevés avec un fer rouge, et mourut deux jours après. Simon fut plongé jusqu'à la poitrine dans une fosse profonde et percé à coups de flèches. Les chrétiens enlevèrent secrètement leurs corps et les ensevelirent.