LES ACTES DE SAINT MAXIMILIEN, MARTYR
(L'an de Jésus Christ 295)
fêté le 12 mars
Sous le consulat de Tuscus et d'Anulinus le quatrième jour des ides de mars, à Tébeste en Numidie, Fabius Victor fut introduit devant le tribunal avec Maximilien. L'avocat de lÕempereur, Pompéianus, se présenta en même temps et dit : «Fabius Victor a été préposé à la levée des nouvelles recrues ainsi que Valérianus Quintianus, gouverneur de la province Césarienne. Victor, aujourd'hui, présente son fils Maximilien pour être enrôlé; je crois qu'il peut être admis, et je demande qu'on le fasse passer sous la mesure militaire.» Le proconsul Dion dit au jeune homme : «Quel est ton nom ?» Maximilien répondit : «Pourquoi veux-tu le connaître ? Il ne mÕest pas permis d'être soldat, je suis chrétien.» Le proconsul dit : «Qu'on lui applique la mesure militaire.» Or, pendant qu'on exécutait cet ordre, Maximilien répétait encore : «Je ne puis être soldat; je ne puis faire le mal; je suis chrétien.» Mais le proconsul insistait et disait : «Qu'on lui applique la mesure militaire.» Quand on l'eut fait, l'officier dit à haute voix : «Il a cinq pieds dix pouces.» Le proconsul dit à l'officier : «QuÕon le marque.» Maximilien résista et dit : «Je ne le souffrirai pas; je ne puis être soldat.»
Le proconsul dit : «Sois soldat, ou je te fais mourir.» Maximilien répondit : «Je ne serai point soldat. Coupe-moi la tête; je ne serai pas le soldat du monde; je suis le soldat de mon Dieu.» Le proconsul dit : «Qui l'a inspiré cette résolution ?» Maximilien répondit : «J'ai pris conseil de ma conscience et de celui qui mÕa appelé.» Le proconsul dit à Victor, père de Maximilien : «Donne un conseil a ton fils.» Victor répondit : «Il a son conseil; il sait ce qu'il doit faire.» Le proconsul dit à Maximilien : «Donne ton nom à la milice, et reçois la marque du prince.» Maximilien répondit : «Je ne la recevrai pas; je porte déjà le signe du Christ mon Dieu.» Le proconsul dit : «Je vais à l'instant tÕenvoyer à ton Christ.» Maximilien répondit : «Que je serais heureux, si tu le faisais ! c'est toute la gloire que j'ambitionne.» Le proconsul dit il l'officier : «Qu'on lui donne la marque du soldat.» Mais Maximilien résista : «Je ne reçois point, disait-il, la marque du monde; et si vous me lÕimposez par violence, je la briserai; car ce n'est qu'un vain signe. Je suis chrétien, et il ne m'est pas permis de porter le collier de plomb de la milice, après avoir reçu le signe salutaire de Jésus Christ, mon maître, le Fils de Dieu vivant, de ce Jésus que tu ne connais pas, que Dieu a livré pour nos péchés, et qui a souffert pour notre salut. Nous, chrétiens, cÕest lui que nous servons; nous nous attachons à lui, comme à l'auteur du salut, au principe de la vie» Le proconsul dit : «Sois soldat, et reçois la marque de la milice, si tu veux échapper à une mort misérable.» Maximilien répondit : «Moi, je ne meurs pas. Mon nom d'ailleurs je l'ai déjà donné à un autre maître. Je ne puis être soldat.» Le proconsul dit : «Songe à ta jeunesse, et sois soldat; les armes conviennent à ton âme.» Maximilien répondit : «Je suis enrôlé au service de mon Dieu, je ne puis être le soldat du monde, je te l'ai dit, je suis chrétien.» Le proconsul dit : «Dans le corps d'élite qui sert de garde à nos maîtres Dioclétien et Maximien, Constance et Valère, il y a des chrétiens qui remplissent fidèlement tout le service militaire.» Maximilien répondit : «Ils savent sans doute ce quÕils font; c'est, leur affaire. Quant à moi, je suis chrétien et ne puis mal faire.» Le proconsul dit : «Mais les soldats, quel mal font-ils donc ?» Maximilien répondit : «Ce qu'ils font, tu le sais bien.» Le proconsul dit : «Encore un coup, sois soldat et ne méprise pas la milice, ou je t'envoie à la mort.» Maximilien répondit : «Je te l'ai dit, moi je ne meurs pas; je puis quitter ce monde, mais mon âme vit à jamais avec Jésus Christ, mon maître,»
Le proconsul dit : «Qu'on efface son nom.» Après qu'on l'eut effacé, il reprit en s'adressant à Maximilien : «Par un prétexte de religion, tu as refusé le service militaire; tu subiras une sentence proportionnée à ton crime, et qui servira d'exemple aux autres.» En même temps il lui lut sur ses tablettes la sentence suivante : «Maximilien a refusé avec opiniâtreté le serment militaire; j'ordonne qu'il périsse par le glaive.» Maximilien répondit : «Grâces soient rendues à Dieu.» Il était âgé de vingt et un ans, trois mois et dix-huit jours. Comme ou le conduisait au supplice, il disait, en s'adressant aux chrétiens : «Frères bien-aimé, de toutes vos forces, de toute l'ardeur de vos désirs, hâtez-vous; venez jouir du bonheur de voir le Seigneur et obtenir, vous aussi, la couronne qui m'attend.» Puis, d'un air tout rayonnant de joie, il dit à son père : «Donne au soldat qui va me frapper le vêtement neuf que tu mÕavais préparé pour la milice. Que les fruits de cette bonne Ïuvre, multipliant pour toi au centuple, je puisse bientôt le recevoir au ciel, et me réjouir avec toi dans la gloire auprès du seigneur.» Presque en même temps le glaive consommait son sacrifice. Une dame romaine, nommée Pompéiana, obtint du juge le corps du martyr; elle le prit dans sa litière, le transporta à Carthage et l'enterra non loin du palais, sous un monticule auprès du martyr Cyprien. Treize jours après, Pompéiana mourut, et fût ensevelie dans le même lieu. Quant à Victor, le père de Maximilien, après l'exécution de son fils, il était rentré plein de joie dans sa maison, rendant grâce à Dieu dÕavoir pu se faire précéder au ciel par une offrande aussi parfaite, et qu'il ne devait pas tarder à suivre. Amen.