(Vers lan de Jésus Christ 250)
fêtés le 15 mai
Au temps de liniquité, lorsqu'on faisait la guerre aux serviteurs de Dieu, et que la terre, arrosée du bienheureux sang des martyrs, partout se couvrait des fleurs de la sainteté, sur le territoire de Lampsaque, fût arrêté un jeune chrétien nommé Pierre. C'était un coeur généreux dans la foi, et il réunissait aux charmes de la vertu un extérieur plein de grâces. On le présenta au proconsul, et le proconsul lui dit : «Quel est toit nom ?» Il répondit : «Pierre.» Le proconsul lui dit : «Es-tu chrétien ?» Pierre répondit : «Oui, je suis chrétien.» Le proconsul dit : «Tu as ici sous tes yeux les décrets de nos invincibles princes; sacrifie donc à la grande déesse Vénus.» Pierre répondit : «Proconsul Optunus, je métonne que tu veuilles me persuader de sacrifier à une femme impudique et infâme, dont les actions sont tellement honteuses, qu'on ne pourrait les raconter sans rougir. Vos histoires elles mêmes accusent ses désordres; et vous punissez dans les hommes de débauche les abominations qui composent sa vie. Si donc vous la nommez courtisane et femme sans pudeur, comment osez-vous me forcer à honorer par l'adoration et les sacrifices une vile prostituée ? Il est donc plus nécessaire et plus glorieux pour moi le devoir qui m'oblige à offrir le sacrifice de l'adoration et de la prière, de la componction et de la louange, au Dieu vivant et véritable, au roi de tous les siècles, an Christ.» A ces paroles, le proconsul fit étendre sur la roue et attacher avec des chaînes de fer les les membres délicats du jeune martyr. En même temps, des pièces de bois furent disposées tout autour, de telle manière que, dans le mouvement de la roue, elles devaient heurter le corps et briser les os en mille pièces. Mais plus la torture était cruelle, plus le serviteur de Dieu se montrait courageux
et fort. Sur ses lèvres était un sourire de pitié pour son persécuteur, et ses yeux étaient fixés au ciel par un regard despérance. Il disait : «Je vous rends grâces, Seigneur Jésus, qui avez daigné donner à ma faiblesse tissez de patience pour vaincre ce tyran cruel.» Le proconsul, témoin de cette merveilleuse constance, et voyant ses tortures inutiles, lui fit trancher la tête d'un coup d'épée.
Vers le même temps, le proconsul faisait le voyage de Troade , accompagné d'un nombreux et brillant cortège. On lui amena trois chrétiens, André, Paul et Nicomaque. Il leur demanda doù ils étaient et quelle était leur religion. Nicomaque, trop impatient, prévient ses frères, et s'écrie : «Je suis chrétien.» Le proconsul dit à André et à Paul: «Et vous, qui êtes-vous ?» Ils répondirent . «Nous sommes chrétiens.» Le, proconsul dit à Nicomaque : «Sacrifie aux dieux, selon les ordres de l'empereur.» Nicomaque répondit :«Tu sais qu'un chrétien ne doit pas sacrifier aux démons.» Le proconsul aussitôt le fit suspendre et appliquer à la torture. Mais, vaincu par la violence de la douleur et sur le point d'expirer, le malheureux, élevant la voix, sécria: «Je n'ai jamais été chrétien. Je sacrifie aux dieux.» Le proconsul aussitôt le fit détacher. Mais, à peine a-t-il sacrifié, que le démon s'empare de lui. Il se roule à terre, se coupe la langue avec les dents, et expire.
Dans la foule des spectateurs était une jeune vierge nommée Dionysia, âgée de seize ans, qui s'écria : «Ah! misérable, le plus infortuné de tous les hommes, comment pour une heure de vie as-tu pu acheter des peines éternelles et que la parole humaine ne saurait décrire ?» Le proconsul, entendant ces paroles, fit amener la vierge devant son tribunal , et lui demanda si elle était chrétienne. Dionysia répondit : «Oui, je suis chrétienne; c'est pourquoi je plains cet infortuné de n'avoir pas pu souffrir quelques instants de plus, qui allaient lui assurer un repos sans fin.» Le proconsul dit : «Il a vraiment trouvé le repos dont tu parles, en accomplissant par un sacrifice la volonté, des dieux et celle de nos invincibles princes, car Vénus et la grande Diane ont daigné l'enlever pour le soustraire aux reproches dont l'auraient accablé ceux qui professent vos vaines superstitions. Sacrifie donc, comme lui, et ne sois pas plus longtemps dans ces illusions honteuses qui me forceraient à te brûler vive.» Dionysia répondit : «Mon Dieu est plus grand que toi. C'est pourquoi je ne crains pas tes menaces; il est assez puissant pour me donner la patience dans tous les supplices dont tu voudras maccabler.» Le proconsul la livra aux mains infâmes de deux jeunes débauchés. Pour André et Paul, Il les fit jeter en prison. Cependant les jeunes gens avaient conduit dans leur demeure la vierge, chaste épouse de son Dieu. Jusqu'au milieu de la nuit, ils s'épuisèrent en vains efforts pour triompher de sa pudeur. Déjà s'apaisaient les emportements de leur brutale passion, quand tout à coup leur apparut un jeune homme, revêtir d'une éclatante lumière qui illumina toute la maison. A cette vue, comme terrassés par la crainte, ils tombèrent aux pieds de la jeune fille. Dionysia les releva, et leur dit : «Ne craignez point; c'est le défenseur et le gardien que Dieu m'a donné; parce que j'ai été livrée entre vos mains par un juge impie.» Les jeunes gens lui demandèrent d'intercéder pour eux , afin quil ne leur arrivât aucun mal.
Dès que le jour parut, le peuple se porta en foule au palais du proconsul , demandant à grands cris quon lui livrât André et Paul. Ce tumulte séditieux était excité par deux prêtres de Diane, Onésicrates et Macédon. Le proconsul, ayant donc fait venir les deux confesseurs, leur dit : «André et Paul, sacrifiez à la grande Diane.» André et Paul répondirent «Nous ne connaissons ni Diane, ni les autres démons que vous adorez. Nous navons jamais adoré que le seul Dieu.» Le peuple, entendant ces paroles, criait plus haut encore qu'on les lui livrât pour qu'il les fit mourir. Enfin le proconsul, voyant qu'il ne pouvait triompher de la persévérance des saints martyrs, les fit battre de verges, et les livra au peuple pour qu'il les lapidât
Mais, pendant qu'on les lapidait, la vierge du Seigneur, Dionysia, en fut avertie par le tumulte; aussitôt elle pousse un grand cri, accompagné de sanglots et de larmes, s'échappe de sa prison et court au lieu du supplice. La, elle se jette sur les corps expirants des martyrs, en disant : «Afin de pouvoir vivre avec vous dans le ciel, je veux mourir avec vous sur la terre.» A cette vue, on sempressa d'aller exposer au proconsul comment cette vierge, dont il avait abandonné la vertu à la passion de deux jeunes débauchés, avait été miraculeusement sauvée par un jeune homme tout éclatant de lumière, et comment, s'échappant de la prison, elle était venue se jeter sur les corps de Paul et d'André, demandant a être lapidée avec eux. Le proconsul, pour ne point exaucer sa prière, ordonna de l'enlever et de la décapiter dans un autre lieu; ce qui fût exécuté.
Ainsi ces illustres martyrs, après avoir soutenu ensemble les mêmes combats contre le siècle, le diable et le proconsul Optimus, ont mérité, par la grâce du Christ, les honneurs de la victoire, chacun, il est vrai, dans des supplices différents; Pierre après mille tortures, André et Paul sous les coups des pierres, et Dionysia par le glaive. Ceci se passa à Lampsaque, le jour des ides de mai, sous l'empire de Décius et le proconsulat d'Optimus, notre Seigneur Jésus Christ régnant sur le monde. A lui soit la gloire, l'honneur et la puissance.