LE MARTYRE DE SAINT IRÉNÉE, ÉVÊQUE DE LYON

(L'an de Jésus Christ 202)


fêté le 28 mai


Aux jours où les cruels édits de Sévère donnaient dans le monde entier le signal de l'extermination des chrétiens, la persécution prit une telle extension, que l'empire entier semblait pencher à une ruine d'autant plus imminente qu'une guerre civile s'élevait contre le tyran. Alors Sévère passe dans les Gaules, met à mort Claude, qui s'était déclaré César à Lyon; et là, informé que cette pieuse cité, sous l'influence du bienheureux Irénée, s'opposait au culte de ses dieux, inspiré par sa férocité habituelle, il fait choix des gladiateurs les plus cruels et leur fait enceindre la ville de toutes parts, en leur disant : «Fermez les portes, entourez les demeures, et que quiconque refusera de sacrifier à nos dieux soit immolé par le glaive vengeur.»
Mais la Bonté du Christ députa un ange au bienheureux Irénée pour l'avertir du danger qu'il courait. Vers le milieu d'une nuit que le saint pontife passait en prières avec Zacharie, l'un de ses prêtres, tout à coup l'ange du Seigneur lui apparaît tout brillant de lumière et lui tient ce discours : «Très fidèle soldat du chef de la blanche milice, le Seigneur t'appelle au royaume céleste avec ton peuple, par le triomphe du martyre. Confirme donc tes frères, afin que leur fraternité soit intrépide; le meurtrier approche, et l'heure est arrivée pour eux du glorieux combat du martyre pour le Christ, qu'ils aiment dans toute l'intégrité de la foi. Qu’ils ne redoutent point les menaces de l'antique ennemi, ni celui qui tue le corps, mais ne peut tuer l'âme. Une heure suffira à leurs tourments, mais une lutte plus prolongée t'est réservée; ton triomphe en sera plus glorieux. Ne néglige rien pour soustraire à la mort ton prêtre Zacharie; c’est lui qui doit te succéder et raffermir les frères dans le Christ.» Le bienheureux Irénée, ayant entendu ceci, répondit : «Seigneur Jésus Christ, lumière éternelle, splendeur de la justice, source et principe de piété, je Te rends grâces d'avoir daigné me réjouir et me consoler par le ministère de ton ange. Donne, Seigneur, à ce peuple, qui est le tien, la constance qui empêchera qu'aucun ne défaille dans la confession de ton Nom; soutenus par ta Force, qu'ils obtiennent dans un noble triomphe le prix annoncé par tes saintes Promesses, et qu'ils trouvent en mourant la gloire de l'immortalité.» Après cette prière, Irénée s'occupa à fortifier ses frères dans le Christ.
Alors se fit la distribution des biens aux pauvres, et le plus ardent désir du martyre embrasait les cœurs. Les jours et les nuits étaient consacrés à la prière et aux divins entretiens, dans l'attente de l'heure que le Christ avait signalée.
Le cruel césar, après avoir investi la ville par ses soldats, déclara que celui qui favoriserait la fuite ou le salut d'un chrétien encourrait la sentence portée contre eux. «Et cela, dit-il, afin de pouvoir dans notre ville rendre un culte et offrir des libations à nos dieux, qui ne souffrent pas que leurs sacrifices soient mêlés à ceux des chrétiens.»
Tous étaient donc immolés çà et là, sans distinction de sexe, d'âge et de condition. Bien plus, on les voyait, prompts et joyeux, livrer leur vie pour la liberté de leur foi et tomber sous le glaive dont la fureur sévissait dans toute la ville. Des ruisseaux d'un sang précieux coulaient sur les places publiques, et allaient rougir en s'y mêIant les flots des deux rivières. Le césar persécuteur donna ordre de faire comparaître le bienheureux Irénée en sa présence; mais il serait trop long de raconter en détail les tourments que la rage du tyran fit subir au saint évêque. Le livre de sa passion en parle assez au long. Après qu'il eut consommé l'invincible combat de son martyre, le saint prêtre Zacharie enleva son corps pendant la nuit et le renferma dans une crypte très secrète. L'autel qu'on a construit dessus atteste que là repose une victime agréable à Dieu, et qui, étant déposée au lieu même où l'on sacrifie l'hostie du Christ, aide les fidèles à goûter le Mystère divin, les protège de son patronage, ranime leur foi par des prodiges éclatants, selon le bon plaisir du Seigneur Jésus Christ, notre Sauveur, en union avec le Père et le saint Esprit. Amen.