LE MARTYRE DES SAINTS DONAT, ROMULUS, SYLVAIN, VÉNUSTUS ET HERMOGÈNE

(Sous la persécution de Dioclétien)

fêtés le 6 mai

En ce temps-là, sous le règne des empereurs Dioclétien et Maximien, il fut décrété que l'on poursuivrait avec la plus grande rigueur dans toutes les villes et les bourgades ceux qui s'appelaient chrétiens, afin de les obliger à renier la foi du Christ. Le président Victorien, envoyé par les princes, se rendit alors à Sirmium pour persécuter les fidèles, et commença ses poursuites par les membres du clergé. Sur son ordre le saint diacre Donat, qui était attaché à l'Église de Singidunum, fut saisi, par les satellites et jeté dans un cachot. Le lendemain, dès la pointe du jour, le président se l'étant fait amener, lui dit : «Donat qui a pu te persuader de renoncer au culte des dieux que nous honorons, ainsi que nos empereurs ?» Le bienheureux Donat répondit : «Je n'adore pas tes dieux sourds et muets ; car je ne rends mes hommages quĠà mon Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu vivant, qui est le seul Dieu véritable et tout-puissant.» Le président Victorien dit tout en colère : «Laisse donc là ces folies.» Le bienheureux Donat répondit : «Tu est fou, et tes maîtres sont des insensés.» Transporté de fureur en entendant cette réponse, le président commanda de la garrotter, et prononça contre lui la sentence capitale.
Ce juge cruel frappa de la même condamnation un prêtre de l'Église de Sirmium, nommé Romulus. Ce prêtre avait combattu généreusement pour la foi et pour le salut du peuple qui lui était confié, avec le vaillant athlète du Christ, le bienheureux diacre Donat. Un autre diacre de la même église, appelé Sylvain, refusant d'adorer les idoles et d'obéir aux décrets impies des empereurs, fut aussi livré par Victorien aux plus affreux supplices, et mérita par sa constance la couronne éternelle. Tant de cruautés ne pouvant toutefois satisfaire la rage du président, il résolut, afin de faire plus de victimes, de parcourir, sous prétexte de la nécessité de sa charge, les villes de son gouvernement; et ce fut ainsi qu'étant arrivé à Civilitana, il donna l'ordre de saisir le bienheureux Vénusus, frère de saint Donat, et de l'amener devant son tribunal. Il lui dit dès qu'il l'aperçut : «Vénustus, souviens-toi que j'ai fait trancher la tête à ton frère Donat; penses y sérieusement, et tu n'hésiteras pas à sacrifier à nos dieux, que nous vénérons tous, ainsi que nos princes; si tu refuses, le même sort tĠest réservé.» Le bienheureux Vénustus répondit avec un sourire de dédain : «Vive mon Seigneur Jésus Christ ! J'ignore s'il y a plusieurs dieux, comme tu le dis; car je ne reconnais qu'un seul Dieu vivant et véritable, Père, Fils et saint Esprit, un et trine tout à la fois.» Le président Victorien dit : «Assez de paroles : sacrifie.» Le saint martyr répondit: «Je ne sacrifie pas à tes dieux vains et impuissants; c'est à Dieu le Père, qui règne dans les cieux, que j'offre chaque jour un sacrifice de louanges.» Alors le président, plein de fureur, ordonna à ses ministres de saisir Vénustus, de le conduire hors de la ville pour être frappé du glaive; et l'athlète du Christ reçut le coup de la mort, pendant qu'il priait le Seigneur.
On amena ensuite au président le bienheureux Hermogène, que les satellites avaient déjà garrotté. Victorien lui dit : «Hermogène, réponds-moi : veux-tu donc aussi te laisser séduire ?» Hermogène répondit : «C'est toi, malheureux, qui es déjà séduit.» Victorien reprit : «Tu prends sans doute le nom de chrétien ?» Hermogène répondit : «Oui, je m'appelle chrétien.» Victorien dit : «Quel est ton office comme chrétien ?» Hermogène répondit : «Je suis de ceux qui ont coutume de lire au peuple l'Écriture.» Le président dit : «Quels sont les préceptes que tu lis au peuple et les voies salutaires que tu lui enseignes ?» Le bienheureux Hermogène répondit : «Ce sont les préceptes pieux et les saints enseignements de mon Seigneur Jésus Christ, le Roi des siècles.» Le président dit : «Et quel est le Dieu que tu adores ?» Le bienheureux Hermogène répondit : «C'est le seul vrai Dieu, qui a fait le ciel, la terre et tout ce qu'ils contiennent.» Le président lui dit : «Est-ce que nos dieux ne sont pas de vrais dieux ?» Le bienheureux Hermogène répondit : «Tes dieux sont de bois et de pierre; ils n'ont rien de divin, et ils ne peuvent t'apporter le salut, ni sauver aucun homme.» Le président dit : «Hermogène, je te conseille de ne pas te perdre toi-même; approche et sacrifie à nos dieux; autrement je te ferai bientôt punir cruellement.» Le bienheureux Hermogène répondit : «Je t'ai dit déjà que je ne sacrifie pas à tes dieux impuissants, sourds et muet.» Le président irrité, ordonna alors de le jeter en prison. Les gardes se saisirent de sa personne, et l'ayant enchaîné, l'entraînèrent avec eux.
Comme ils passaient devant un temple d'idoles, l'athlète du Seigneur fit le signe du Christ et commanda avec menaces à l'esprit mauvais qui s'y cachait. Au même instant la plus grande partie du temple s'écroula, et voilà que le démon, en sortant des idoles, se mit à crier : «Qu'y a-t-il de commun entre nous et toi, homme de Dieu ? Tu viens, avant le temps, pour nous tourmenter;» et disant ces paroles, il entra dans la fille du président, criant par sa bouche : «Si lĠhomme de Dieu, que vous avez jeté en prison, ne vient me chasser, je ne sortirai pas d'ici.» Le président, entendant cette déclaration, fit venir en secret Hermogène, et lui dit : «Peux-tu, Hermogène, sauver ma fille ?» Le bienheureux Hermogène lui répondit : «Moi-même, je ne le pourrais pas; mais il me sera facile de la sauver au nom de Jésus Christ mon Seigneur.» Le président dit : «Si cela est en ton pouvoir, comme tu l'affirmes, fais-le promptement.»
L'homme de Dieu dit alors : «Si tu veux croire en mon Seigneur Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant, qui est ressuscité d'entre les morts le troisième jour, je ferai ce que je t'ai promis.» Le président répondit : «Je croirai à ton Dieu, quand je verrai ma fille délivrée.» Le bienheureux Hermogène dit : «Je sais que tu me trompes et que tu ne croiras pas, parce que ton cÏur est endurci; mais je délivrerai ta fille, à cause du peuple ici présent.» Ayant aussitôt fléchi les genoux, il pria le Seigneur en disant : «Dieu tout-puissant, vous qui connaissez toutes choses, faites, par la force de votre bras, que le démon sorte de cette jeune fille.» À ces paroles il se leva, posa la main sur la tête de la fille du président, et avant fait le signe du Christ, il dit : «Je te commande, esprit immonde, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, de sortir de cette jeune fille, et te défends d'oser jamais la molester.» À l'instant même le démon s'enfuit, et la jeune fille tomba comme morte. Hermogène élevant la voix, se mit à louer et à glorifier le Seigneur, qui venait de la sauver.
Le président, voyant sa fille sauvée et qui bénissait elle même le Dieu du ciel, endurcit son cÏur et lui dit : «Mon enfant, ce sont nos dieux qui t'ont délivrée.» Le bienheureux Hermogène l'entendant ainsi parler, sourit de pitié et dit : «Tes dieux sont impuissants, comme tu le seras bientôt toi-même; ils ne peuvent même te protéger.» Victorien, ce juge inique, dit alors : «Hermogène, tu as tenu trop longtemps des discours vains et inutiles; approche, et sacrifie aux dieux qui ont sauvé ma fille. «Le serviteur de Dieu répondit : «Vive le Seigneur mon Dieu, qui seul a pu délivrer ta fille !» CĠest Lui que j'adore, c'est à lui que j'offre tous mes sacrifices.» Victorien dit : «Hermogène, j'ai pitié de la beauté de ta jeunesse, mais si tu n'obéis promptement, je vais te soumettre aux plus affreuses tortures.» Et il ordonna de l'enchaîner et de le reconduire en prison. Peu de temps après, lĠayant fait revenir devant son tribunal, il lui dit : «Hermogène, les empereurs ont ordonné que lĠon sacrifiât.» L'athlète du Christ répondit : «Je ne veux pas obéir aux ordres de lĠempereur, ni me soumettre à tes commandements.» Plein de fureur en entendant ces paroles, le président commanda de lui mettre un bâillon à la bouche, et de le conduire hors de la ville pour y être décapité. Quand on fut arrivé au lieu du supplice, le bienheureux martyr se jeta à genoux et pria le Seigneur Jésus de recevoir son esprit; à lĠinstant il eut la tâte tranchée, dans ce même lieu. Des hommes pieux vinrent bientôt pour enlever sa précieuse dépouille, qu'ils déposèrent auprès des corps des autres martyrs. Les bienheureux Donat, Vénustus et Hermogène ont consommé leur glorieuse passion le douze des calendes de septembre, au temps des empereurs Dioclétien et Maximien, sous le règne de notre Seigneur Jésus Christ, à qui honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! Amen.