LE MARTYRE DU SAINT ENFANT CYRILLE

(L'an de Jésus Christ 260)

fêté le 29 mai

Frères bien-aimés, il n'est pas juste que je vous laisse ignorer le martyre du saint enfant Cyrille, et c'est un devoir pour moi de vous le raconter. Car l’Esprit de Dieu l’a assisté, dans son sacrifice, ou plutôt pour exprimer ici la vérité tout entière, le Seigneur Lui-même a combattu avec lui; avec lui, le revêtant des armes de la foi, le Seigneur a vaincu les juges impies de Césarée. Le bienheureux Cyrille, dans un âge encore tendre, excitait l'étonnement de ceux qul le voyaient; et sa constance dans la foi inspirait à tous les cœurs capables d'un noble sentiment, les louanges les plus glorieuses en l’honneur du Christ; c'est que le nom du Christ était sans cesse sur ses lèvres, et il publiait hautement que c'était en lui seul qu'il trouvait sa force et sa vie. Accablé de coups, chargé, d'injures, il comptait pour rien les menaces et la douleur, supportait tout avec joie et appelait de tous ses désirs des maux plus grands encore. Son zèle dans la foi, grandissant chaque jour, lui avait fait de nombreux ennemis parmi les enfants de son âge. Son père lui-même le renia pour son fils, le chassa de la maison paternelle et lui retrancha sa part d'héritage. Quelques-uns louaient et admiraient la conduite, de ce père. Quant à Cyrille, il considérait comme peu de chose, d'en être abandonné. Pour ces biens vils et périssables, disait-il, sa foi dans le Seigneur lui assurait des trésors d'un prix infini et d'une durée éternelle.
Ces paroles de l'enfant excitèrent la colère du juge; il se le fit amener par ses soldats, et chercha à l'effrayer par l'appareil de la justice. Mais il reconnut tout d'abord qu'il ne réussirait pas; que Cyrille était au-dessus de la crainte, et qu'il méprisait toutes choses comme un néant auprès cle sa foi. «Enfant, lui dit le juge, je te pardonne ta faute, ton père lui-même veut bien oublier l'offense que tu lui as faite; il t’ouvrira de nouveau la maison paternelle et te rendra ta part à son héritage, si tu consens à être sage et à penser un peu à toi-même.» Le bienheureux Cyrille réporidit : «Je me réjouis des traitements que ma conduite attire sur moi; car Dieu, dans sa bonté, m'ouvrira sa gloire pour asile. C'est donc un bonheur pour moi d'être chassé de la maison paternelle; j'en habiterai une autre et plus grande et meilleure. J'accepte volontiers d’être pauvre. pour jouir des richesses éternellés, et je n'ai pas peur d'une mort qui m'assure une vie d'ineffables délices.» Une vertu divine animait ces paroles de l'enfant; le juge irrité donna avec un grand appareil l'ordre de l'enchainer, comme pour le conduire à la mort. Il voulait ainsi, par la solennité d'une sentence et par le nombre de ses officiers, jeter la terreur dans le cœur de l’enfant.
Mais lorsqu'on vint l'avertir que l'enfant ne pleurait pas; que les flammes dans lesquelles on menaçait de le précipiter ne lui inspiraient aucune frayeur; qu'au contraire il allait avec joie au-devant de la mort, le juge le fit rappeler, voulant encore essayer, comme auparavant, de le gagner, par les conseils et la persuasion. «Enfant, lui dit -il, tu as vu les flammes du bûcher, tu as vu le glaive. Reviens à la raison, et tu vas rentrer dans la demeure de ton père, et recevoir ta part de son héritage.» — «Tyran, répondit le jeune martyr, tu me fais cruellement souffrir en me rappelant; tu m'as privé de mes vrais biens, et je ne pouvais redouter un supplice plus affreux. Est-ce donc en vain que tu as allumé ces feux, que tu as aiguisé contre moi le glaive ? Encore une fois, le palais où j'ai hâte d'arriver est plus grand que la maison de mon père, et les richesses que je sacrifie ne sont rien auprès des trésors qui m'attendent. C'est de la Main de Dieu que je dois les recevoir; ne tarde donc pas davantage à frapper ta victime, afin que mes désirs soient promptement comblés.» En entendant ces paroles, tous les assistants fondaient en larmes; mais l'enfant leur reprochait ces pleurs comme une faiblesse. «C'est la joie, leur disait-il, qu'il fallait plutôt faire éclater; partagez mon bonheur; et que vos cœurs tressaillent d'allégresse en m'accompagnant au lieu du supplice. Vous ignorez quelle est la cite qui va me recevoir, et vous ne comprenez pas la confiance dont je suis rempli. Laissez-moi donc acheter la vie véritable à ce prix.» Ainsi parlait le jeune martyr, en allant a la mort; un éclat divin l'environnai par avance ; il était l’admiration non seulement du ciel qui allait recevoir son âme, mais encore de tous les habitants de Césarée. Airisi voulait honorer son serviteur Celui qui règne dans les siècles des siècles. Amen.