LES ACTES DE SAINT RÉVÉRIEN, ÉVEQUE, ET DE SES COMPAGNONS

(L'an de Jésus Christ 274)

fêtés le 1er juin

Après que notre seigneur et Sauveur Jésus Christ, ayant vaincu l'empire de la mort et glorifié la nature humaine, fut monté aux cieux, les bienheureux apôtres firent si merveilleusement resplendir par toute la terre la lumière de I'Évangile du Christ, en fondant la sainte Église catholique, qu'elle s'étendit jusqu'aux limites de l'univers. Ce fut alors que l'ancien serpent, voyant sa puissance renversée et son règne aboli, embrasé des ardeurs de l'envie, excita au moyen des féroces princes païens de très cruels combats contre les soldats du Christ. Mais autant il redoublait d'efforts contre eux en employant divers genres de tourments, et inspirant de pernicieux desseins, autant ces généreux athlètes, fortifiés par l'Esprit saint, soutenaient vaillamment le combat jusqu'à la palme de la victoire; de sorte que l'Église entière, ornée des vertus des saints martyrs, comme des pierreries les plus brillantes, florissait de plus en plus dans le monde par la foi catholique.
En ce temps-là, l'impie Aurélien étant passé des régions de l'Orient dans les Gaules, et dévastant les églises de Dieu, le bienheureux évêque Révérien, qui était venu de la ville de Rome dans le désir de combattre pour la foi du Christ avec ses compagnons, pareillement décorés de la dignité sacerdotale, parvint au lieu où s'était arrêté l'empereur, qui venait d'entrer sur le territoire d'Autun. Il commença aussitôt à annoncer à tous la parole de Dieu, comme il avait coutume de faire. Aurélien l’ayant appris, ordonna qu'on le lui amenât avec ceux qui l'accompagnaient. Lorsqu'ils furent en sa présence, il leur promit beaucoup de dons et de faveurs, pour les engager à convertir au culte des idoles tous ceux qu'ils pourraient, et spécialement ceux qu'ils avaient déjà enseignés. Révérien et Paul étant sortis de l'audience du prince, recommencèrent à prêcher avec plus d'ardeur encore la Grâce du Christ à tout le monde, et à remplir avec un zèle plus ardent l'office qui leur avait été confié. Aurélien, s'apercevant que ses ordres n'étaient pas suivis, et que ni les faveurs, ni les raisonnements n'étaient capables de leur faire abandonner la foi du Christ, les fit rappeler et leur dit : «Observez les prescriptions de l'antique loi, qui veulent que personne ne méprise les sacrifices des dieux. Si vous refusez d'en offrir, j'ordonnerai de vous faire périr par divers genres de supplices; et le secours de votre Christ ne pourra en aucune manière vous délivrer de mes mains.» L'évêque Révérien, qui ne savait pas craindre, revêtu de la ferveur de la foi, répondit : «Notre Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, est Celui-là même qui a fait le ciel et la terre, et tout ce qu’ils contiennent; Il est le seul Dieu immortel, qui est honoré par les anges et par toutes les Vertus célestes : Il est assez puissant pour nous délivrer de tes tourments. Sache donc que nous n'adorerons point par un culte vain et idolâtrique des dieux de pierre et de bois, qui n’ont ni parole, ni sentiment, et auxquels tu te rends semblable en les adorant; mais nous confessons de cœur et de bouche le Christ, rédempteur du genre humain, qui doit venir juger les vivants et les morts, et détruire les puissances de l'air, dont ton âme est l'habitation, et dont tu es le serviteur.» L'impie Aurélien, ne pouvant plus supporter de tels discours, ordonna de les faire tous retirer de sa présence, de les livrer aux licteurs pour les flageller et leur infliger divers tourments, puis de les décapiter. Alors, confessant tous à haute voix le Seigneur Jésus Christ, et s'inclinant spontanément sous les coups des licteurs, ils furent décollés. L'évêque Révérien fut immolé le premier, puis le prêtre Paul, et leurs compagnons au nombre de dix, et ils entrèrent ainsi joyeusement dans le royaume céleste. Après qu'on leur eut coupé la tête, leurs langues semblaient encore louer Dieu.
Ces saints martyrs ayant ainsi été mis à mort par l'inique empereur Aurélien, ne tardèrent pas, par la Grâce du Seigneur Christ, à se manifester par beaucoup de miracles. Aurélien l'ayant appris, fit venir ses soldats et leur dit : «Ces hommes insensés, que notre sentence a fait périr pour l'honneur des dieux, jetez-les dans une vaste solitude, afin que leurs corps soient dévorés par les bêtes, et qu'ainsi ils soient privés des honneurs de la sépulture.» Il y avait alors en cet endroit une matrone nommée Maxima, toute remplie de l'amour du Christ. Elle eut soin d'examiner en quel lieu on avait jeté les saints martyrs; et après que les soldats se furent retirés, elle y vint elle-même avec ses serviteurs, et ensevelit ces saints corps avec grand honneur. Mais pendant longtemps, personne ne connut le lieu de leur sépulture.
Le Dieu tout-puissant ne voulut pas cependant qu'ils demeurassent toujours inconnus, et Il permit, pour la consolation des fidèles qui combattent pour lui, que ce trésor caché fut enfin découvert. Sept moines, qui venaient de la ville de Rome, portant avec eux des reliques des saints apôtres Pierre et Paul, arrivèrent au lieu même où reposaient les corps des saints. Ils s'étaient retirés dans une hôtellerie, fatigués du voyage, lorsque, au milieu de la nuit, ils entendirent comme un concert des anges qui louaient Dieu dans les airs. S'étant donc levés, ils aperçurent une grande clarté qui jetait un éclat éblouissant. Stupéfaits d'une aussi merveilleuse splendeur, ils songeaient entre eux à ce qu'ils devaient faire; mais la crainte excessive dont ils étaient saisis leur fit prendre le parti de fuir à travers le désert. Au milieu du chemin leur apparurent deux hommes resplendissants d'une vive lumière, en sorte qu'il leur fut impossible de tenir la route qu'ils avaient prise. Reconnaissant donc qu'ils ne pouvaient porter plus loin les reliques dont ils étaient chargés, ils les laissèrent au même lieu; et le prêtre Abolénus construisit un oratoire en leur honneur.
Cependant, ce prêtre n'avait point connaissance des restes de saint Révérien, bien que les précieux corps des saints se trouvassent tout près dudit oratoire. Comme ils séjournaient en ce lieu avec une certaine sollicitude, la Bonté de Dieu ne voulut pas permettre que ces saintes reliques demeurassent plus longtemps cachées au sein de la terre; car ces saints martyrs, dans la Clarté du Très-Haut, resplendissaient plus brillants que le soleil. La terre fut donc creusée par le Commandement du Christ, et aussitôt apparurent les précieux corps des saints, sans la moindre diminution de leurs membres, car ni les bêtes ni les vers n'avaient pu approcher de ceux qui étaient gardés par la Protection du Très-Haut. On bâtit alors une église sur leur tombeau, par la Miséricorde de Dieu. Depuis le jour où le précieux corps du bienheureux Révérien fut révélé, Celui qui a créé toutes choses de rien a fait jaillir, au même lieu, une source d'huile miraculeuse, et tous les malades qui en emportent avec foi recouvrent leur santé première.
Je ne dois pas non plus passer sous silence une chose dont tout le monde peut rendre témoignage. Depuis l'invention de ces pieuses reliques, tous les jours, en toute saison, par l'intercession des glorieux martyrs, les aveugles sont éclairés, les paralytiques reprennent l'usage de leurs membres, les sourds recouvrent l'ouïe, les muets la parole, et les démons sont chassés des corps qu'ils obsédaient. Je ne me sens pas capable de raconter tous les prodiges que le Seigneur daigne opérer continuellement en ce lieu. Qu'Il veuille bien, dans sa Bonté me pardonner; car, si j'en ai décrit quelques-uns, j'en ai omis un bien plus grand nombre.
Or ces saints martyrs souffrirent aux calendes de juin, par
la Grâce de notre Seigneur Jésus Christ, qui étant Dieu avec le Père et le saint Esprit, vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.