LE MARTYRE DE SAINT BARNABÉ, APOTRE

(L'an de Jésus Christ 53)

fêté le 11 juin

Barnabé ayant pris avec lui Marc, fit voile pour lÕîle de Chypre. Il la parcourut tout entière, et convertit plusieurs peuples à la foi du Christ; puis il vint à Salamine où il s'arrêta quelque temps. Il y annonça le royaume de Dieu, et y opéra plusieurs miracles; à sa voix, une grande multitude des habitants de cette ville embrassa la foi chrétienne. Tous les jours de sabbat, il discutait dans la synagogue avec les Juifs, et leur prouvait, par les témoignages des saintes lettres, que Jésus est le Christ que Dieu avait promis.
Tout le monde révérait Barnabé, et admirait en lui une certaine grâce toute divine qui reluisait sur son visage. Car il avait un air très grave, un maintien modeste, et son vêtement était fort simple. Tels vous apparaissent ceux qui, méprisant les délices, s'exercent à la pratique des vertus. Il avait les sourcils arqués, et ses yeux, exprimant une douce gaieté et une certaine gravité, n'avaient rien de sévère; il les tenait modestement baissés. Sa bouche pleine de charmes et ses lèvres vermeilles distillaient la suavité du miel; il ne proférait jamais une parole qui n'eût quelque utilité. Sa démarche était composée, mais éloignée de toute ostentation. Enfin, sous quelque aspect qu'on l'envisageât, l'apôtre Barnabé apparaissait comme une belle et droite colonne divine, éclatante de la splendeur de toutes les vertus.
Lorsqu'il évangélisait ainsi la ville de Salamine, survinrent quelques Juifs de la Syrie qui cherchaient à soulever la foule en vomissant contre lui mille injures. Ils combattaient sa doctrine, et soutenaient qu'il n'enseignait que des erreurs, ajoutant que, celui qu'il appelait Jésus Christ était un certain imposteur qui avait toujours été opposé à Dieu même, et qui rejetait la loi, les prophètes et l'observance du sabbat. Ils cherchèrent donc une occasion favorable pour mettre à mort Barnabé.
Le saint apôtre ayant assemblé tous les frères : «Vous savez, leur dit-il, comment j'ai constamment vécu au milieu de vous, donnant des avis à chacun, et vous exhortant à demeurer toujours fortement attachés à la foi et à la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, à garder ses préceptes et à défendre à votre esprit et à votre main toute Ïuvre mauvaise. Car il faudra que nous comparaissions tous devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu'il aura mérité en cette vie, soit en bien soit en mal. La figure de ce monde passe, et le Seigneur doit venir du ciel pour juger les vivants et les morts. Ne vous laissez donc point aller à la négligence, et sachez que le Seigneur viendra au moment que vous n'y pensez pas. Supportez de bon cÏur les peines et les travaux de cette vie, affermissant vos cÏurs par l'espérance; car l'avènement du Seigneur est proche. Souvenez-vous de ce que je vous ai dit souvent, que les choses de la vie présente, la prospérité comme l'adversité, sont courtes et caduques, et que tout cela passe vite; au contraire, les biens de la vie future sont immuables, éternels, sans fin. Car le royaume des cieux ne saurait avoir de terme, et le jugement universel ne sera jamais réformé; mais il accablera perpétuellement ceux qui ont passé leur vie dans le péché, d'une peine éternelle et qu'ils ne verront jamais finir. Employez donc tous vos soins à vivre de telle sorte qu'en ce dernier jour vous soyez trouvés sans péché, sans
tache, afin de n'être pas précipités dans la géhenne éternelle. Rappelez-vous combien de miracles, combien de prodiges Dieu lui-même a opérés au milieu de vous par moi son serviteur, et priez pour moi. Car je vais incessamment être immolé, et le temps est arrivé de quitter ce corps mortel, ainsi que notre Seigneur Jésus Christ me l'a fait connaître. J'ai combattu un bon combat, j'ai terminé ma course, j'ai conservé la foi; et maintenant je vais recevoir la couronne de justice qui m'est réservée, non pas seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront combattu pour la confession du Nom de Jésus Christ.»
Ayant ainsi parlé, il pria Dieu avec tous les frères; et ils répandirent beaucoup de larmes, parce que l'apôtre leur avait dit qu'il était sur le point de quitter la vie.
Barnabé prit ensuite le pain et le calice; et après avoir célébré les sacrés mystères selon le rite usité, il se communia de l'Eucharistie, puis il la distribua aux frères. Cela étant fait, il se retira à l'écart avec Marc, et lui dit : «Il faut qu'aujourd'hui je sois mis à mort par les mains des Juifs infidèles : pour toi, sors de la ville du côté de l'occident; tu y trouveras mon corps, après que tu l'auras enseveli, quitte l'île de Chypre, et va trouver Paul. Tu demeureras avec lui jusqu'à ce que le Seigneur ait disposé de toi; car ton nom doit être célèbre dans l'univers entier.»
Barnabé entra ensuite clans la synagogue pour instruire les Juifs eux-mêmes, s'efforçant de les convaincre que le Seigneur Jésus Christ est le Fils du Dieu vivant. Les Juifs qui étaient venus de la Syrie, entrant alors en fureur, sortent de la synagogue, se jettent sur l'apôtre, et le précipitent dans un obscur réduit de la synagogue, où ils le gardèrent durant toute la nuit. Après qu'ils l'eurent tiré de prison, ils lui firent endurer divers tourments; enfin des hommes pervers le lapidèrent; puis ayant allumé un grand bûcher, ils y jetèrent son corps, afin qu'il n'en restât plus le moindre vestige. Mais la Providence divine permit que le corps de l'apôtre subsistât tout entier, et qu'il ne fût pas même endommagé par le feu. Marc, conformément à la recommandation de Barnabé, sortit de la ville du côté de l'occident, accompagné de quelques frères, enleva secrètement le corps de l'apôtre, et l'ensevelit dans une caverne éloignée de la ville d'environ cinq stades. Lorsqu'ils furent rentrés à Salamine, ils le pleurèrent avec de grands gémissements.
En ce temps-là il s'éleva une grande persécution contre lÕÉglise de la ville de Salamine, et tous les fidèles furent dispersés de côté et d'autre : ce qui fut cause que le tombeau du saint apôtre Barnabé demeura ignoré.
Marc ayant quitté l'île de Chypre, se retira auprès de Paul, qui était alors à Éphèse, et l'instruisit du martyre de Barnabé. À cette nouvelle, Paul fondit en larmes. Il retint Marc auprès de lui. Dans la suite, l'apôtre Pierre ayant reçu l'ordre du Ciel d'aller à Rome, il emmena avec lui Marc, qu'il regardait comme un fils qu'il eût engendré. Lorsqu'ils étaient dans la ville de Rome, Marc écrivit l'Évangile; Pierre le lut, et ayant reconnu qu'il avait été écrit par l'inspiration du saint Esprit, il lui donna son approbation. Il conféra ensuite l'ordination à Marc par l'imposition des mains; et comme il le jugea très propre à la prédication de la foi, il l'envoya à Alexandrie, ville d'Égypte, et dans la Lybie et la Pentapole. Lorsqu'il y fut arrivé, Marc prêcha l'Évangile de Jésus Christ dans ces contrées, où il convertit au Christ un grand nombre d'habitants. Après avoir ainsi planté la foi de Dieu en ce pays, il fut couronné du martyre dans la ville d'Alexandrie.