MARTYRE DE SAINT BAR-SABAS, ABBÉ, ET DE DIX DE SES COMPAGNONS, ET D'UN MAGE

(L'an 342 de J.-C.)

fêtés le 17 juin


Vers le même temps que saint Milles cueillait la palme du martyre, on dénonça au prêteur de la ville d'Astakara Bar-Sabas, abbé d'un monastère en Perse, qui avait dix moines sous sa conduite. «Cet homme, disaient les délateurs, en a entraîné un grand nombre dans l'erreur. C'est un magicien, qui veut substituer ses pratiques à la religion des mages.» Le prêteur se le fit donc amener, lui et ses disciples, chargés de chaînes. On leur fit souffrir tout ce que les tortures ont de plus horrible; on leur broya les genoux, on leur cassa les jambes, on leur coupa les bras, le nez et les oreilles, et on les frappa rudement sur le visage et sur les yeux. Le juge féroce, furieux de voir que les martyrs non seulement n'avaient pas succombé a ces affreux tourments, et n'avaient pas renié leur Dieu, mais qu'ils n'avaient pas même changé de visage, ordonna de les conduire hors de la ville et de les mettre à mort. Ils furent traînés au lieu du supplice, suivis d'une multitude immense, et au milieu des soldats et des bourreaux ils ne cessèrent de chanter des hymnes et des cantiques.
Comme on commençait l'exécution, un mage qui sortait de la ville avec sa femme, ses deux enfants et plusieurs domestiques, vint à passer non loin de là. Apercevant le peuple attroupé, il fit arrêter sa suite, pour aller voir ce qui se passait. Il s'avance à cheval, précédé d'un serviteur, fend la presse, et pénètre tout près des martyrs. Le saint abbé faisait entendre des chants pleins de douceur et d'harmonie, et non seulement il encourageait ses compagnons à mourir, mais encore il les prenait par la main, et les présentait lui-même au bourreau. Ce spectacle frappait d'admiration le mage; mais, Dieu lui ayant alors ouvert les yeux, il vit une chose plus merveilleuse encore : une croix lumineuse brillait sur le front de chacun des martyrs immolés. À cette vue, le mage, soudainement converti, saute à bas de son cheval, change d'habits avec le serviteur qui l'avait suivi, et, s'approchant de Bar-Sabas, lui raconte à l'oreille ce qu'il vient de voir, et ajoute : «Votre Dieu, sans doute, a voulu me choisir pour rendre aussi témoignage à votre foi. Je la confesse, ce Dieu, j'y crois de toute mon âme. Personne ici ne sait si je suis ou non de vos disciples. Prenez-moi donc aussi par la main, et présentez-moi aux bourreaux. Je sens le plus ardent désir de donner ma vie avec vous, qui êtes vraiment le peuple saint et fidèle.» Bar-Sabas, frappé du signe miraculeux que Dieu avait fait voir au mage, le prend par la main, et le présente après le neuvième de ses compagnons aux bourreaux, qui lui coupèrent la tête sans le connaître. Le saint abbé fut décapité le dernier de tous. Ainsi, par l'adjonction du mage, douze martyrs furent couronnés ce jour-là. Leurs têtes furent suspendues dans le temple de Nahitis, ou Vénus, pour inspirer de la terreur au peuple; leurs corps furent abandonnés aux oiseaux et aux bêtes.
La belle action du mage ne tarda pas à être connue, et se répandit rapidement dans toute la province; elle excita la plus vive admiration, et convertit à la religion chrétienne un grand nombre de païens, et d'abord la femme du mage, ses enfants et ses domestiques, qui se hâtèrent de se faire instruire, reçurent le baptême, et demeurèrent toute leur vie fidèles à Dieu.