LE MARTYRE DE SAINTE SYMPHOROSE ET DE SES SEPT FILS

(l’an de Jésus Christ 120)

fêtés le 17 juillet

L'empereur Adrien, ayant fait élever à Tibur un palais magnifique, voulut le dédier avec les cérémonies que les païens observaient en ces rencontres. Il offrit des sacrifices, il consulta ses dieux touchant la durée de ce superbe édifice, et il attendait quelque réponse favorable, lorsqu'il reçut celle-ci : «Prince, nous ne pouvons satisfaire ta curiosité, que tu n'aies fait cesser l'insulte que nous fait une veuve chrétienne, en invoquant son Dieu en notre présence. Elle se nomme Symphorose, et elle est mère de sept fils; fais en sorte qu'elle nous offre de l'encens, et nous répondrons à tes demandes.
Adrien, sensiblement touché de l'outrage qu’on faisait à ses dieux, commanda qu'on se saisit de Symphorose et de ses enfants. Il se les fit amener devant lui; et, cachant son indignation sous une douceur apparente, il n'employa d'abord que des paroles flatteuses pour les porter à sacrifier aux idoles. Mais Symphorose, pleine du Dieu qui la faisait parler, répondit à l'empereur en ces termes : «Seigneur, j'ai eu pour mari et pour beau-frère deux officiers de tes armées; l'un et l'autre avaient l'honneur de commander tes soldats; ils étaient tribuns. Ils ont donné leur vie pour Jésus Christ, et ils ont mieux aimé endurer mille tourments, que de brûler un seul grain d'encens devant les démons que vous adorez; ils sont morts enfin après avoir vaincu ces mêmes démons; et si leur trépas a été honteux devant les hommes, il a été honorable devant les anges; ils sont maintenant couronnés d'un éclat immortel; ils vivent dans le ciel, et suivent partout le grand Roi qui y règne; ils marchent couverts de gloire parmi les trophées qu'ils se sont élevés en mourant pour lui.» Adrien, piqué jusqu'au vif d'une réponse si généreuse, ne put se contraindre davantage. «Ou sacrifie à l'instant même, lui dit-il, aux dieux tout-puissants, ou moi-même je te sacrifierai avec tes enfants à ces dieux que tu méprises.» «Et d’où me vient ce bonheur, s'écria Symphorose, de pouvoir être immolée huit fois à mon Dieu ?» «Je te le dis encore, interrompit Adrien, je te sacrifierai à mes dieux.» « Tes dieux, répliqua cette admirable veuve, ne peuvent me recevoir en sacrifice. Je ne suis pas une victime pour eux; mais si tu ordonnes que je sois brûlée pour le Nom de Jésus Christ mon Seigneur, sache que le feu qui me consumera ne fera qu'augmenter celui qui fait leur supplice.» «Choisis, te dis-je, reprit brusquement l’empereur : ou sacrifie, ou meurs !» «Tu penses sans doute m'épouvanter, repartit Symphorose; non, non, tes menaces ne me feront point changer de sentiments; je ne serai jamais assez tôt réunie à mon époux. Tu l'as fait mourir pour avoir confessé Jésus Christ; qu'attends-tu ? me voilà prête à mourir aussi; j'adore le même Dieu.» Alors l'empereur commanda qu'elle fût conduite devant le temple d'Hercule, qu'on lui meurtrit le visage à coups de poing, et qu'on la suspendit ensuite par les cheveux. Mais apprenant que ces tourments ne servaient qu'à l'affermir davantage dans la foi, il la fit jeter dans le Tibre. Son frère Eugène, qui était un des principaux du conseil de Tibur, la retira de l'eau et l'enterra dans un faubourg de cette ville.
Le lendemain Adrien ordonna qu'on amenât en sa présence les sept fils de Symphorose. Et voyant que ni ses menaces, ni ses promesses, ni l'appareil des plus affreux supplices qu'il fit étaler à leurs yeux, ne pouvaient ébranler la constance de ces généreux frères, ni les porter à sacrifier aux idoles, il fit planter sept pieux autour du temple d’Hercule, où on les étendit avec des poulies. Ce cruel prince prit plaisir à diversifier leurs tourments. Crescentius, l'aîné de tous, fut percé d'un coup d'épée dans la gorge; le second, nommé Julien , eut la poitrine traversée de plusieurs pointes de fer qu'on y enfonça. Némésius reçut un coup dans le cœur. Primitivus fut frappé dans l'estomac. On rompit les reins à Justin. On ouvrit les côtés à Stactéus; et Eugène, le plus jeune, fut fendu depuis le haut jusqu'en bas.
Le jour qui suivit la mort de ces heureux frères, Adrien étant venu au temple, commanda qu'on enlevât leurs corps, et qu'on les jetât dans une fosse profonde. Le pontife et les sacrificateurs du temple d'Hercule nommèrent ce lieu les Sept-Biothanates, c'est-à-dire les sept suppliciés. Leur sang éteignit la persécution, qui ne se ralluma que dix-huit mois après. Les chrétiens employèrent ce temps de paix à rendre aux sacrées reliques des martyrs l'honneur qui leur est dû, et on les enferma dans des tombeaux que la piété des fidèles leur éleva en plusieurs endroits : leurs noms furent gravés sur ces monuments; mais ils le sont dans le livre de vie, avec des caractères de lumière que le temps ne pourra jamais effacer. Le martyre de sainte Symphorose et de ses sept fils est honoré par l'Église le dix-sept de juillet. Leurs corps reposent sur la voie Tiburtine, à huit milles de Rome.