LES ACTES DES MARTYRS SCILLITAINS

(L'an de Jésus Christ 200)


fêtés le 19 juillet


Le quatorze des calendes d'août, sous le second consulat de Claudius, à Carthage, métropole d'Afrique, l'audience tenant, ont été cités par-devant les magistrats, et personnellement ajournés les nommés Speratus, Narzalis, Cittinus, et les nominées Donata, Vestina et Seconda; lesquels ayant comparu, le proconsul Saturnin a dit : «Vous pouvez espérer de trouver grâce auprès de nos très augustes empereurs Sévère et Antonin, si vous vous mettez sincèrement en état de rendre à nos dieux l'honneur que vous leur devez.» Speratus a répondu : «Nous n'avons point commis d'injustice, personne ne se peut plaindre de nous, nous ne faisons tort à personne. Vos mauvais traitements n'ont jamais pu tirer de notre bouche la moindre plainte contre vous. Au contraire, nous ne rendons que des bénédictions et des actions de grâces pour tout le mal que vous nous faites : c'est pourquoi nous vous déclarons que nous adorons le vrai Seigneur, le Roi véritable.» Le proconsul Saturnin a dit : «Et nous aussi, nous sommes des gens d'honneur et de mœurs douces; mais nous jurons par le génie de l'empereur notre maître; nous prions pour son salut; ce que vous devez faire, vous aussi.» Speratus a répondu : «Si tu veux m'écouter tranquillement, je te découvrirai le mystère de la douceur et de la simplicité chrétiennes.»
Le proconsul Saturnin a dit : «Ne craignez rien, je veux bien vous entendre; jurez seulement par le génie de notre prince.» Speratus a répondu : «Je ne connais point le génie de l'empereur de la terre; mais je sers mon Dieu qui est le Dieu du ciel, que nul homme n'a jamais vu, ni ne peut voir. Je ne suis coupable d'aucun crime, je ne prends point le bien d'autrui. Si j'achète quelque chose, j'en paie les droits aux receveurs de l'empereur, parce que je sais que Dieu me l'a donné pour maître; mais je n'adore que mon Seigneur, qui est le Roi des rois, et le Maître de toutes les nations du monde.» Le pro-consul Saturnin a dit : «Laissez là tous ces vains discours, et, sans différer davantage, sacrifiez aux dieux.» Speratus a répondu : «Je ne crains rien, je n'ai offensé personne.» Le proconsul Saturnin, s'adressant aux autres, a dit : «Ne vous laissez pas séduire par l'exemple de celui-ci, et ne vous rendez pas complices de sa fureur, mais craignez plutôt de déplaire à l’empereur, en refusant d'obéir à ses ordres.» Cittinus a dit : «Nous ne craignons de déplaire qu'à Dieu, notre unique Seigneur qui est dans le ciel.» Le proconsul Saturnin a dit : «Qu'on les mène en prison, et qu'on les mette au ceps, jusqu'à demain.»
Le jour suivant, treize des calendes d'août, le proconsul Saturnin, séant sur son tribunal, a ordonné que les prisonniers fussent représentés, lesquels étant arrivés, le proconsul a dit aux femmes : «Ne voulez-vous pas rendre à nos princes l'honneur que vous leur devez, et sacrifier à nos dieux ?» Donata a répondu : «Nous rendons à l'empereur l'honneur que nous lui devons, comme à l'empereur; mais nous n'offrons qu'à notre Dieu nos adorations et nos prières.» Vestina a dit : «Moi aussi je suis chrétienne.» Seconda a dit pareillement : «Et moi je crois en mon Dieu, et je veux toujours demeurer attachée à Lui; pour vos dieux, nous ne les adorerons point.»
Le proconsul Saturnin ayant ouï ces réponses, a fait approcher les hommes, et il a dit à Speratus : «Persistes-tu à demeurer chrétien ?» Speratus a répondu : «Oui, j'y persiste, Écoutez, vous tous qui êtes ici présents, je déclare que je suis chrétien.» Les autres prisonniers ont tous dit de même : «Nous déclarons que nous sommes chrétiens.» Le proconsul a dit : «Vous ne voulez donc point qu'on vous accorde de (délai pour prendre une dernière résolution, ni qu'on vous fasse grâce ?» Speratus a répondu : «Nous n'en voulons pas, et l'on n'en doit point demander dans une guerre juste. Fais ce que tu voudras, nous mourrons avec joie pour le Christ.» Le proconsul Saturnin a dit : «Quels sont ces livres qu'on dit que vous adorez ?» Speratus a répondu : «Ce sont les quatre Évangiles de notre Seigneur Jésus Christ, les épîtres de l'apôtre saint Paul, et toute l'Écriture qui a été inspirée de Dieu.» Le proconsul Saturnin a dit : «Je vous donne trois jours, afin que vous ayez le temps de penser à ce que vous avez à faire, et de rentrer en vous-mêmes.» Speratus a répondu : «Je suis chrétien, et tous ceux qui sont avec moi le sont aussi : rien ne pourra nous faire charger, nous n'abandonnerons pas la foi de notre Seigneur Jésus Christ; fais ce que tu voudras.»
Le proconsul, voyant leur fermeté inébranlable, rendit contre eux cette sentence, qui fut enregistrée sur l'heure. «Nous ordonnons que Speratus, Narzalis, Cittinus, Veturius, Félix, Acyllinus, Lætantius, Januaria, Generosa, Vestina, Donata et Seconda, pour avoir confessé qu'ils étaient chrétiens, et avoir refusé de rendre à l'empereur l'honneur qui lui est dû, auront la tête tranchée.»
Après que lecture leur eut été faite de cette sentence, Speratus et les autres dirent : «Nous Te rendons grâces, Dieu éternel, de ce que Tu daignes nous recevoir aujourd'hui dans le ciel au nombre de vos martyrs.» On les conduisit ensuite au lieu du supplice, où s'étant mis à genoux, et après avoir encore rendu leurs actions de grâces au Christ, ils eurent la tête tranchée. Ces martyrs du Christ furent immolés le dix-septième jour de juillet, et ils intercèdent pour nous auprès du Seigneur Jésus Christ, à qui honneur et gloire, avec le Père et le saint Esprit, dans les siècles des siècles. Amen.