fêtée le 21 juillet
En ce temps-là, Julie, originaire de la ville de Troyes et consacrée au Christ, fut prise par un certain Claude, chef des barbares. Après qu'il l'eut ainsi réduite en captivité, il l'emmena en son pays; et comme il remarqua son éclatante beauté, il résolut aussitôt de s'unir à elle par le mariage. Mais la servante du Christ lui dit : «J'ai pour Époux le Seigneur, auquel je me suis vouée et à qui j'ai confié mon âme; et son ange demeure toujours avec moi. S'il saperçoit que tu me touches même légèrement par l'effet d'un amour impur, son Courroux s'allumera soudain contre toi, et Il vengera sur toi les injures que j'aurais à souffrir.» Claude entendant cela, fut saisi de colère, et lui dit : «Et qui est donc ton époux ? ou quel est celui à qui il a remis le soin de venger les outrages que tu recevrais de ma part ?» La servante du Christ, pleine de confiance, répondit sans aucune crainte, et lui dit : «J'ai pour Époux mon Seigneur Jésus Christ, qui est dans les cieux; à Lui jai voué ma virginité, et Il est assez puissant pour tout accorder à ceux qui Le prient avec foi.» Le chef lui dit ensuite : «À ce que j'apprends, tu es chrétienne ?» Elle répondit : «Oui, je suis chrétienne.» À ces paroles, Claude sentit sa crainte redoubler, et depuis lors il commença à lhonorer. Il ordonna en même temps de lui préparer une chambre digne d'elle, et défendit qu'aucun homme n'osât en approcher; puis il lui donna des jeunes filles pour la servir sans interruption; et tant qu'elle demeura en cet endroit, chacune lui rendait, tour à tour, les services dont elle avait besoin. La servante du Christ étant donc entrée dans cette chambre, se livra à la prière et au jeûne, et jour et nuit elle rendait grâces a Dieu davoir daigné jeter les yeux sur elle dans sa captivité, en sorte qu'elle fût si bien traitée par un infidèle. Et c'est pour cela quelle suppliait dévotement le Seigneur de ne pas permettre qu'il arrivât aucun malheur dans le pays ni dans la maison du roi.
Tandis qu'elle se livrait à ses pieuses occupations, peu de temps après il advint que le roi Claude déclara la guerre à ses ennemis. Avant de partir, il appela Julie, servante du Christ, et lui dit : «Prie pour moi ton Seigneur, afin que je revienne sain et sauf et victorieux de mes ennemis; et alors je te comblerai des plus grands honneurs.» La très chaste Julie lui répondit : «Pars en toute sécurité, mon maître; oui, je prierai mon Seigneur, et tu reviendras plein de vie.» Le chef, après cette promesse de Julie, s'avança la nuit contre ses ennemis et les tailla en pièces. Après cette victoire, il revint à sa maison dans la gloire du triomphe. Il alla aussitôt trouver Julie, qu'il vénéra comme une matrone, et non comme une servante, et il lui rendit les plus grands honneurs; car il avait compris que c'était par ses prières que le Seigneur avait daigné lui donner la victoire.
Comme il serait trop long de raconter en détail tous les événements, je me bornerai à en faire un résumé, succinct. Toutes les fois que le roi Claude allait à la guerre, il avait l'avantage sur ses ennemis, et revenait victorieux au Nom de Dieu; le Seigneur Jésus Christ lui faisant cette grâce par les prières de la bienheureuse Julie sa servante.
Après que Julie eut ainsi passé vingt-huit années en ce lieu, le Seigneur lui apparut dans une vision et lui dit : «Lève-toi, Julie; car tu ne dois pas demeurer plus longtemps ici; retourne à la ville qu'on appelle Troyes, d'où tu as été emmenée, en captivité, parce que tu dois y recevoir la couronne du martyre.» Julie se levant donc dès le point du jour, adora le Seigneur dans la joie de son cur; elle le bénissait avec la plus vive allégresse de ce qu'Il lui avait ordonné, dans cette vision, de retourner à sa ville natale; puis elle ranimait son courage en pensant qu'elle aurait le bonheur de subir le martyre pour la Gloire et la louange du Christ. «Puisque je dois, disait-elle, terminer ma course en cette ville, c'est que je suis appelée à la couronne du martyre.»
Elle alla donc trouver le roi Claude et lui dit : «Mon Seigneur Jésus Christ, que je sers chastement d'esprit et de corps, a daigné me révéler qu'il faut que je retourne à Troyes, parce que c'est là que je dois recevoir la couronne du martyre. Ne cherche donc pas, ô roi, à me retenir ici; car il pourrait t'en arriver mal.» Claude dit alors à Julie : «Tu vas partir; et à qui me laisses-tu ? Il ne m'est pas avantageux que tu ten ailles; car mes ennemis viendraient, eux dont tu me délivrais toujours par tes prières, et ils me tueraient. J'aime mieux abandonner tout ce que j'ai et m'en aller avec toi.» Julie lui dit : «Abandonne tous tes biens et viens avec moi; car j'ai confiance en mon Seigneur qu'Il te rendra agréable à ses yeux et à ceux de son saint troupeau.» Claude, après cet entretien, quitta sa maison, sa femme, ses enfants, son or, son argent et ses immenses possessions, et partit avec la servante de Dieu, non comme un étranger, mais comme le familier des saints; non comme un barbare, mais comme un chrétien fidèle; non comme un loup, mais comme une brebis du Christ. Il part avec la servante de Dieu, et ils s'empressent tous deux vers le territoire de Troyes. Or, lorsqu'ils entrèrent dans la ville, le feu de la persécution y était allumé.
Des personnes religieuses avaient été jetées en prison pour le Nom du Seigneur Jésus Christ. Julie ne négligeait rien pour se montrer publiquement à elles, afin d'être maltraitée par les soldats. Peu de temps après, elle fut prise et conduite devant César. On la présenta ensuite au préfet Élidius, qui lui dit : «Tu adores le Christ, que tu dis avoir pour Époux ?» Julie répondit : «Je confesse le Christ, mon Seigneur, et je n'adore point les démons immondes.» Le préfet dit alors aux soldats : «Allez la suspendre aux poulies, et mettez sur son dos des charbons ardents.» La bienheureuse Julie, ayant été ainsi suspendue, les yeux des bourreaux furent aveuglés, et ils criaient, disant : «Secours-nous, Julie.» Ceux qui la frappaient ayant aussi perdu la vue, on en fit venir d'autres armés de nerfs de buf; mais ils ne purent l'atteindre. Le très impie Aurélien, témoin de cela, voyant que cette vierge très sainte persévérait dans ses premiers sentiments, lui dit : «Sacrifie aux dieux, ou bien aujourd'hui même tu périras par le glaive, sois-en sûre.» La bienheureuse Julie répondit : «Je suis prête à mourir pour le nom de mon Seigneur Jésus Christ, qui a daigné m'appeler, afin que, après le combat, je reçoive la couronne de vie.» L'empereur ordonna par sentence qu'elle fût décapitée.
Claude, ayant appris ce qui était arrivé à la servante de Dieu, se présenta devant l'empereur et lui dit : «Ordonne aussi de me faire mourir avec elle; car je suis son disciple.» L'empereur lui demanda qui il était. Il répondit : «Je suis le roi Claude, qui l'avais emmenée en captivité, lorsque je combattais contre les Romains; et, par son entremise, Dieu m'a comblé de biens. Je l'ai gardée avec respect durant vingt-huit ans; mais Dieu lui étant apparu une nuit en songe pour lavertir qu'elle allait recevoir la couronne du martyre, elle m'a dit : «Ne me retiens pas plus longtemps, mon seigneur; mais rends-moi la liberté, afin que j'aille en la ville de Troyes, où le Seigneur doit me donner la couronne.» Je lui ai répondu : «Tu ne t'en iras point, si je ne vais avec toi.» Et la sainte m'a dit: «Abandonne tes biens, donne-les aux pauvres, puis viens avec moi, afin de recevoir aussi la couronne de la vie éternelle.» J'ai donc quitté tout pour le Nom de mon Seigneur Jésus Christ et je suis venu avec elle.» L'empereur Aurélien lui dit : «Tu nes pas chrétien; comment peux-tu mourir pour le Nom du Christ ?» Le roi Claude répondit : «Je crois que, si je répands mon sang pour le nom du Seigneur Jésus Christ, je serai vraiment chrétien; et les mérites de la bienheureuse Julie, sa martyre, m'obtiendront que je ne sois pas étranger en la Présence de sa souveraine Di-vinité.» L'empereur Aurélien, après ce discours, rendit une sentence, qui le condamnait à périr par le glaive, hors des murs de la ville de Troyes, où la glorieuse vierge Julie eut le bonheur de recevoir la palme du martyre, le douze des calendes d'août.
L'empereur étant retourné au prétoire, on lui présenta vingt autres personnes, dont voici les noms : Justa, Jocunda, Ternus, Antoine, Hérénus, Théodore, Dionysius, Apollonius, Appamia, Pionicus, Custion, Papyras, Saturius et leurs compagnons, dont les noms sont écrits dans le livre du Christ et de l'Agneau. Ils consommèrent pareillement en paix leur martyre, et furent ensevelis dans le même lieu où la vierge Julie fut martyrisée et inhumée. Ils reçurent donc la couronne de vie de notre Seigneur Jésus Christ pour la confession de son Nom; car Il a daigné Lui-même leur donner la vie éternelle. À Lui appartiennent lhonneur et la gloire, la force et l'empire éternel, la louange et la puissance, avec Dieu le Père et le saint Esprit vivificateur, dans les siècles des siècles. Amen.