LES ACTES DES SAINTS CÔME ET DAMIEN

(LĠan de Jésus Christ 297)

fêtés le 1 juillet


Sous l'empire de Dioclétien et de Maximien, Lysias étant assis sur son tribunal dans la ville d'Égée, quelques-uns de ses officiers lui dirent : «Il y a ici certains chrétiens fort habiles dans l'art médical. Ils parcourent les villes et les bourgades, guérissant divers malades et délivrant ceux qui sont possédés des esprits immondes, au nom de celui qu'on appelle Christ; ils font ainsi beaucoup de choses merveilleuses, mais ils ne permettent pas que les hommes aillent au temple honorer les dieux par des sacrifices.» Le président, à cette nouvelle, envoya des satellites pour se saisir de leurs personnes et les amener à son tribunal. Lorsqu'ils furent devant lui, il leur dit : «Vous parcourez les villes et les bourgs, pour persuader aux habitants de ne point sacrifier aux dieux ? Dites-moi donc d'où vous êtes, et quelle est votre fortune et votre nom.» Le bienheureux Côme répondit : «Si tu veux savoir cela, président, nous te le dirons hardiment : nous sommes Arabes; nous n'avons point de fortune, car les chrétiens ne la connaissent point, ils ne la nomment même pas. Voici maintenant nos noms : moi je me nomme Côme, mon frère s'appelle Damien. Il y en a encore trois autres : si tu le désires, nous te dirons aussi leurs noms.» Le président : «Eh bien ! dis-moi leurs noms.» Le bienheureux Côme : «Antyme, Léonce, Euprépien.» Le président dit à ses officiers : «Qu'on les amène devant le tribunal.»
Les soldats allèrent aussitôt les chercher et les amenèrent au président. Celui-ci les regardant leur dit : «Écoutez mes ordres : vous avez à choisit, ce qui vous est avantageux, n'allez pas désobéir. Si vous vous rendez à mes conseils, vous recevrez de la part des empereurs de grands et magnifiques honneurs; si, au contraire, vous n'acquiescez pas à mon invitation, je vous tourmenterai par diverses sortes de supplices; et après que vous aurez beaucoup souffert, vous renierez votre Christ.» Les saints martyrs lui dirent tout d'une voix : «Fais ce que tu voudras; nous n'avons rien à craindre de tes tourments; car nous avons le Christ qui nous aidera. Nous ne sacrifions point aux idoles; elles sont sans yeux et sans aucun sentiment.» Le président ordonna de les étendre par terre , et de les frapper avec des nerfs de bÏuf. Les saints martyrs, au milieu de ce supplice, disaient : «Seigneur, vous êtes notre refuge de génération en génération. Avant la formation des montagnes, avant la création de la terre et de lĠunivers, vous existez de siècle en siècle. Ne vous détournez pas de nous dans notre bassesse; car vous avez dit : «Convertissez-vous, enfants des hommes.» Tournez-vous vers nous, Seigneur, et écoutez la prière de vos serviteurs. Priant de la sorte, les coups ne leur firent aucun mal; et ils dirent au président : «Fais-nous subir des tourments encore plus cruels, afin que tu connaisses la force de la vertu de Dieu qui est en nous : car les supplices que tu nous as infligés ne nous ont pas atteints; tu vois que nos corps sont aussi sains qu'auparavant.»
Le président leur dit: «JĠespérais que vous vous rendriez c'est pourquoi je nĠai pas voulu vous endurer des tourments trop rigoureux. Maintenant je vois que vous ne persistez dans votre impiété et que vous ne vouiez pas sacrifier aux dieux; je vais donc vous faire lier avec des chaînes et jeter dans la mer.» Les saints martyrs répondirent : «Fais ce que tu voudras, président; en cela tu connaîtras la puissance de notre Dieu.» Les soldats les enchaînèrent tous et les conduisirent vers le rivage. Les martyrs, sĠy rendirent en chantant joyeusement des psaumes, et ils disaient : «Nous nous délectons, Seigneur, dans la voie de vos commandements, comme au milieu dĠimmenses richesse; et lors même que nous marcherions dans les ombres de la mort, nous ne craindrions point les maux, parce que vous êtes avec nous, Seigneur. Votre verge et votre bâton même nous ont consolés. Vous avez préparé devant nous une table contre ceux qui nous affligent.» Vous avez répandu l'huile sur notre tête, et votre calice enivrant, qu'il est délicieux ! Votre miséricorde nous accompagnera tous les jours de notre vie. Ô Dieu, vous nous avez conduits au port de votre volonté.» En priant ainsi, les martyrs arrivèrent an rivage, et les soldats les jetèrent aussitôt à la mer. Mais, au même moment, l'ange du Seigneur sĠapprocha d'eux, rompit leurs liens, et les tira des ondes sains et saufs.
Les questionnaires, témoins du fait, allèrent en toute hâte annoncer au président ce qui était arrivé. Lysias ordonna d'amener les martyrs devant lui et leur dit : «Vos maléfices surpassent tous ceux des magiciens : enseignez-moi donc aussi cet art.» Le bienheureux Côme lui dit: «Nous ne sommes point magiciens, mais chrétiens; et c'est au nom de notre Dieu que nous détruisons la puissance de vos divinités. Et toi-même, si tu deviens chrétien, tu verras que toutes ces choses s'opèrent par lui, et tu connaîtras la vertu du Christ.» Le président ajouta : «Au nom de mon dieu Adrien, je vous suis où vous serez.» Il parlait encore, que deux malins esprits se précipitèrent sur lui, et pendant une heure ne cessèrent de le frapper à la mâchoire. Alors il s'écria : «Je vous en conjure, serviteurs de Dieu, priez pour moi, afin que je sois délivré de ce châtiment.» Les saints s'étant mis en prière, les démons se retirèrent incontinent. Le président dit alors aux martyrs : «Vous voyez comment les dieux mĠont puni pour avoir voulu les abandonner, et à quel supplice ils mĠont livré.» Les saints répartirent : «Insensé ! comment ne reconnais-tu pas que c'est une miséricorde que Dieu ta faite ? mais tu aimes mieux croire que tu dois ta guérison à dĠaveugles et sourdes idoles, que tu appelles des dieux. Reconnais donc plutôt le Seigneur Jésus Christ, lui qui t'a rendu la santé, et ne mets point ta confiance en ces dieux que tu adores.» Le président, irrité de la fermeté des confesseurs, leur dit : «Je jure par les dieux que je ne me rendrai point à vos persuasions; mais, au contraire, je vous ferai souffrir divers supplices, et je vous livrerai aux bêtes, afin de vous apprendre à obéir aux ordres des empereurs.» Et il ordonna de les garder en prison, jusqu'à ce qu'il eût décidé de leur sort. Comme on les y conduisait, ils chantaient ainsi : «Chantons au Seigneur un cantique nouveau, car il a fait des choses merveilleuses. Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous affligent, et vous avez confondu ceux qui vous haïssent. Vous vous souvenez de votre miséricorde envers Jacob et de la vérité de vos promesse, à la maison d'Israël. Tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu.» Et ils passèrent ainsi toute la nuit dans les hymnes et la prière.
Le jour suivant, Lysias étant monté à son tribunal, se fit amener les saints martyrs. Comme on les conduisait, ils disaient : «Donnez-nous, Seigneur, votre secours dans la tribulation car vain est le salut qui vient de l'homme. Pour nous, nous montrerons de la force eu Dieu, et il réduira à néant nos ennemis.» Lorsqu'ils furent arrivés devant le président, il leur dit .: «Êtes-vous décidés à sacrifier, ou persistez-vous dans votre folie ?» Les martyrs répondirent : «Nous sommes chrétiens, et nous ne renions point notre Dieu. Fais maintenant ce tu voudras; nous ne sacrifions point aux idoles.» Le président, voyant leur admirable contenance, donna lĠordre d'apporter du bois sec, d'en allumer un grand feu et de les y jeter. Les serviteurs s'empressèrent dĠexécuter les ordres de leur maître. Nos saints martyrs se tenaient debout au milieu des flammes et disaient : «Nous levons les yeux vers vous, Seigneur, qui habitez dans les cieux. De même que les yeux des serviteurs sont attachés sur les mains de leur maîtres, ceux de la servante sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont tournés vers le Seigneur notre Dieu, jusqu'à ce quĠil ait pitié de nous. Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous, parce que nous sommes accablés de mépris. Envoyez-nous du secours, Seigneur, et délivrez-nous de ceux qui s'insurgent contre nous, de peur que ceux qui ne vous connaissent pas ne disent : Où est leur Dieu ?» Comme ils priaient ainsi, il survint un grand tremblement de terre, et la flamme s'élançant du bûcher, brûla une foule de païens qui étaient présents. Les martyrs en sortirent intacts, au point que pas un de leurs cheveux ne fut atteint par le feu; et ils se présentèrent ainsi devant les spectateurs.
Le président, stupéfait des merveilles qu'il voyait, se contint pendant une heure; puis, faisant appeler les martyrs, il leur dit : «J'en jure par les dieux, je suis fort inquiet pour vous; car évidemment c'est votre art magique qui a éteint des flammes si ardentes.» Les saints martyrs lui dirent : «Jusque à quand, impie, refuseras-tu de reconnaître la miséricorde dont Dieu use à notre égard ? Tu veux nous obliger de sacrifier à des pierres privées de sentiment ! Sache donc que nous n'abandonnons point notre Dieu, et que nous ne sacrifions point à d'immondes idoles.» Le président courroucé donna l'ordre de les élever sur le chevalet, et de les frapper sans relâche. Mais l'ange du Seigneur, qui se tenait près d'eux, faisait disparaître la douleur. Le président, voyant que les questionnaires allaient succomber de lassitude, commanda de détacher les martyrs et de les lui amener. Ils vinrent aussitôt, et se présentèrent à lui pleins de la grâce de Dieu et le visage rayonnant de joie. Le président leur dit : «J'en atteste les dieux, je ne me laisserai point vaincre par vos maléfices; mais je vous infligerai encore divers genres de supplices, et je finirai par livrer vos corps aux oiseaux de proie» Les martyr, répondirent : «Comme nous avons au ciel un roi éternel, notre Seigneur nous ne redoutons point tes tourments. Fais tout ce que tu voudras, ainsi que nous te l'avons déjà dit.»
Alors le président Lysias rendit une sentence par laquelle il condamnait Côme et Damien à être crucifiés, puis lapidés par le peuple. Quant aux bienheureux Antyme, Léonce et Euprépius, après les avoir fait flageller, il les fit reconduire en prison. Les questionnaires avait donc crucifié Côme et Damien, le peuple se mit à les lapider : mais les pierres retombaient sur ceux quoi les jetaient. Le président voyant ses satellites tout couverts de contusions, en fut outré de fureur, et il ordonna à quatre soldats de percer de flèches, les martyrs. Il fit en même temps tirer de prison les saints Anthyme, Léonce et Euprépius, et leur ordonna de se tenir debout près de la croix. Mais les flèches, comme les pierres, revenaient sur ceux qui les lançaient. Le président, s'apercevant enfin que tous ses efforts contre les martyrs n'obtenaient aucun résultat, commanda qu'on leur tranchât la tête.
Les bourreaux se saisirent aussitôt des saints martyrs, et les conduisirent au lieu du supplice. En s'y rendant, ces bienheureux louaient Dieu, en disant : «Il est bon de louer le Seigneur et de chanter votre nom, ô très-haut, afin de publier votre miséricorde dès le matin, et votre vérité pendant la nuit; car vous avez signalé, magnifiquement votre miséricorde sur nous. L'homme, insensé ne connaît point ces choses, et le fou ne les comprend pas. Lorsque, les pécheurs seront brûlés comme l'herbe, tous ceux qui opèrent l'iniquité seront aussi dispersés. Ils ont humilié votre peuple, ils ont affligé votre héritage, ils périront dans les siècles des siècles. Pour vous, Seigneur, vous êtes éternellement le Très-Haut.» Après ce cantique, les bienheureux martyrs levèrent leurs mains vers le ciel, et ayant prié intérieurement, ils dirent : «Amen.» Les bourreaux s'approchèrent alors, et leur tranchèrent la tête. Et cĠest ainsi que, dans la tranquillité et la paix, ils rendirent leurs âmes à Dieu, pour recevoir du Sauveur la couronne de victoire.
Les glorieux martyrs Côme et Damien, Anthyme, Léonce et Euprépius, souffrirent dans la ville dĠÉgée le 5 des calendes, d'octobre, sous le règne de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit honneur et gloire avec le Père et le saint Esprit, dans les siècle, des siècles. Amen.