LES ACTES DES SAINTS MARTYRS ABDON ET SENNEN

 

fêtés le 30 juillet

tirés du manuscrit de Fulda

A cette époque, Dèce se mit à rechercher avec soin les chrétiens, et envoya dans ce but ses ordres par toute la Perse. Alors, comme les lumières ne pouvaient plus rester cachées sous le boisseau, elles furent placées sur le candélabre afin qu'elles fissent briller devant tous ceux qui sont dans la maison du Seigneur l'éclat de la vérité. Des païens se présentèrent devant Dèce et lui dirent : "Voilà que ceux à qui vous avez laissé la vie dans votre victoire, recueillent les corps des chrétiens et les cachent dans leurs demeures; ils ne se soumettent pas aux dieux et leur refusent les hommages que vous avez prescrits." Dèce répondit : "Qui sont ces profanes ?" - "Abdon et Sennen." A l'instant même Dèce commanda de faire comparaître devant lui Abdon et Sennen; et lorsqu'ils furent en sa présence, il leur dit : "Vous êtes donc devenus fous à ce point ? ou bien, oubliez-vous qu'en refusant d'adorer les dieux, vous tombez entre nos mains et en celles des Romains ?" Abdon repartit :"Nous sommes bien plutôt vainqueurs par le secours de Dieu et de Jésus Christ notre Seigneur qui règne éternellement." Dèce répondit tout furieux : "Ne savez-vous point que votre vie est entre mes mains et en mon pouvoir ?" Abdon reprit : "Nous sommes soumis à Dieu et à notre Seigneur Jésus Christ qui a daigné descendre sur la terre et S'humilier pour notre salut." Dèce ordonna alors de les jeter dans une étroite prison, chargés de chaînes. Abdon et Sennen s'écrièrent : "Voici la gloire que nous avons toujours espérée du Seigneur."

En ce temps-là même on annonça à Dèce la mort de Galba (Gordien); il se mit en marche pour Rome. Dèce arriva après quatre mois à Rome emmenant à sa suite les bienheureux rois Abdon et Sennen chargés de chaînes pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et, comme ils étaient nobles, il les réserva pour servir de spectacle aux Romains au jour de son triomphe.

Dèce fit alors convoquer le sénat, et après en avoir conféré avec Valérien, préfet de la ville, le 5 des Calendes d'août, et pris avec lui les dispositions nécessaires à ce sujet, il ordonna de faire comparaître devant lui les rois chrétiens Abdon et Sennen, qu'il avait amenés avec lui de Perse, tout épuisés parles souffrances de la prison. Dèce s'adressa au sénat : "Que votre assemblée prête attention, ô Pères conscrits ! les dieux ont livré en nos mains ces ennemis acharnés; voici des hommes qui sont hostiles à la république et à l'empire romain." Et ils furent introduits garrottés de chaînes, et brillants d'or et de pierres précieuses. A leur vue tout le sénat demeura frappé d'admiration. Dieu avait, en effet, répandu tant de grâce sur la personne de ses serviteurs, que la compassion des assistants remplaça tout sentiment de fureur.

Dèce manda ensuite Claudius, pontife du capitole, et le pontife apporta avec lui un trépied; et Décius César dit à Abdon et Sennen : "Sacrifiez aux dieux, et soyez rois de la liberté, et vous entrerez en possession de tous nos biens, vous jouirez de la paix de l'empire romain, et vous serez comblés de richesses et d'honneurs; consultez vos propres intérêts." Abdon et Sennen répondirent : " Sans mérite de notre part, et tout pécheurs que nous sommes, nous avons pour toujours fait à Jésus Christ notre Seigneur, et non à vos divinités, notre oblation et notre sacrifice." Dèce reprit : "Qu'on leur prépare les tourments les plus cruels, et qu'on tienne prêts les ours et les lions féroces." Abdon et Sennen repartirent : "Que tardez-vous ? faites ce que vous pensez : nous mettons en notre Seigneur Jésus Christ toute notre assurance. Il peut détruire vos desseins et vous-même."

Le lendemain on vint annoncer à Dèce que les ours et les lions étaient morts dans leurs cavernes. Dèce, enflammé de colère, fit préparer son siège à l'amphithéâtre; arrivé près de l'amphithéâtre, il ne voulut point y entrer, mais il remit à Valérien, préfet de Rome, l'ordre suivant : "S'ils n'adorent point le Soleil, un de nos dieux, qu'ils meurent broyés sous la dent des bêtes féroces." Valérien dit à Abdon et Sennen : "Songez à la noblesse de votre origine, et faites fumer l'encens en l'honneur du soleil, ou, sur votre refus, les bêtes vous donneront la mort." "Nous adorons notre Seigneur Jésus Christ, dirent Abdon et Sennen, et jamais nous ne courbons nos fronts devant des simulacres faits de la main des hommes." A l'instant même il les fit mettre à nu, et plein de fureur, il les conduisit devant la statue du soleil, près de l'amphithéâtre, et signifia aux soldats de les obliger à sacrifier. Mais nos bienheureux martyrs méprisèrent la statue en lui crachant en face et dirent à Valérien : "Faites maintenant ce que vous avez résolu."

Valérien commanda au héraut de crier à haute voix, pendant qu'on battrait les martyrs avec des fouets armés de plomb : "Ne blasphémez point les dieux ! " Il les fit ensuite entrer dans l'amphithéâtre pour y être dévorés par les bêtes, et lorsqu'ils furent arrivés en face de Valérien, Abdon et Sennen lui tinrent ces paroles : "Au Nom de notre Seigneur Jésus Christ, nous entrons ici pour remporter la couronne; qu'Il t'empêche de nous nuire, esprit immonde." Et faisant le signe de la croix, ils parurent dans l'amphithéâtre, et comme ils arrivaient en présence de Valérien, dépouillés de leurs habits, mais revêtus du corps de Jésus Christ, le préfet cria : "Lâchez deux lions et quatre ours !" A peine déchaînés, ces animaux se précipitèrent en rugissant aux pieds des saints martyrs qu'ils ne voulurent plus quitter et qui prirent leur défense. Valérien dit : "Leur magie apparaît ici," et personne n'osait approcher à cause de la fureur des animaux.

Valérien, transporté de colère, commanda aux gladiateurs de s'armer de leur trident et d'aller les mettre à mort. Après qu'ils eurent rendu le dernier soupir, on les lia par les pieds pour les tramer et les jeter devant la statue du soleil, près de l'amphithéâtre, où leurs corps demeurèrent pendant trois jours pour servir d'exemple et d'épouvantail aux chrétiens. Les trois jours écoulés, un sous-diacre chrétien, nommé Quirinus, qui demeurait non loin de l'amphithéâtre, vint la nuit recueillir les corps et les enferma dans une châsse de plomb dans sa maison le 3 des Calendes d'août.

Les saints Abdon et Sennen reposèrent en cet endroit de longues années jusqu'au temps de Constantin. Or, cet empereur étant devenu chrétien, nos bienheureux martyrs firent connaître le lieu où gisaient leurs corps. On fit alors la levée de leurs dépouilles sacrées, et on les transporta au cimetière de Saint-Pontien.