fête le 22 janvier
Aux prêtres de l'Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, du Pont, de la Galatie, à tous mes autres frères dans le sacerdoce qui vivent dans la paix de l'union catholique, moi Polycrate, le moindre d'entre vous, j'adresse cette relation du martyre de saint Timothée, le propre disciple de l'apôtre saint Paul, qui l'établit premier Patriarche de la métropole des Éphésiens; ayant recueilli les faits tels que nous les ont transmis ceux qui en ont été les témoins, nous avons jugé à propos de vous les faire connaître pour votre édification; et vous donc, mes frères, paix et salut dans le Christ.
Plusieurs déjà ont écrit lhistoire, la vie, même les actions journalières, et la bienheureuse fin de ces saints personnages si aimés de Dieu, les recommandant ainsi au souvenir de la postérité. Nous ne pensons donc pas, en suivant leur exemple, agir témérairement, et nous nous hâtons de confier à la mémoire des siècles futurs la vie, les pieuses actions et le trépas de Timothée, le saint apôtre et premier évêque de la grande métropole d'Éphèse.
Ce bienheureux, comme nous l'apprend le saint Évangéliste Luc dans ses Actes catholiques, avait eu pour père un gentil; mais sa mère était une juive fidèle. Lystre, une des cités de la préfecture de Lycaonie, l'avait vu naître; il eut pour maître ce grand serviteur de Dieu, l'apôtre Paul, dont il reçut le témoignage sur beaucoup de choses. Il devint son compagnon dans ses voyages, souffrit avec lui en annonçant l'Évangile du Christ, et vécut entièrement à ses ordres. Il arriva avec lui dans l'illustre métropole des Éphésiens, et fut par lui établi premier évêque de ce siège tout apostolique, tandis que Néron régnait sur les Romains, et que Maxime était procurateur de l'Asie. Il y éclata par sa doctrine, il s'y manifesta par des miracles étonnants, par des guérisons, menant une vie supérieure à celle d'un homme mortel. C'est ce que chacun pourra connaître en lisant ce qui a été écrit sur sa personne dans les Actes des saints apôtres.
Nous avons cru à propos de rappeler que ce très saint apôtre et patriarche Timothée vit et entendit non seulement le bienheureux apôtre Paul, mais aussi Jean, le glorieux théologien, celui-là même qui reposa sur la poitrine de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ. Déjà Néron avait cruellement fait périr par le martyre Pierre et Paul, les princes des apôtres; leurs illustres disciples avaient aussi terminé diversement leur carrière, quand arriva dans la grande métropole Jean, l'insigne théologien, échappé aux flots de la persécution, comme pourront l'appendre plus amplement dans les pages qu'a écrites Irénée,évêque de Lyon, sur ce grand personnage, ceux qui en auraient le désir. Alors aussi se réunirent dans la même ville les compagnons des disciples de notre Seigneur Jésus Christ, lesquels avaient recueilli et écrit dans leur propre langue tout ce qu'ils avaient appris des actions miraculeuses du Fils de Dieu, mais sans avoir pu les coordonner en un seul récit. D'un commun accord, ils soumirent ces récits à Jean le théologien, si plein de mansuétude. Le saint apôtre, ayant tout examiné et goûté une joie sensible à cette lecture, distribua ces récits déjà rapportés dans les trois Évangiles, suivant leur ordre, dans Matthieu, Marc et Luc, indiquant par l'inscription du nom à quel Évangéliste chaque passage se rapportait. Toutefois, considérant qu'ils avaient surtout raconté les choses relatives à l'humanité, il voulut lui-même écrire son récit, racontant avec plénitude ce qu'il avait puisé dans le cur divin, et dont les autres n'avaient pas parlé; ajoutant aussi plusieurs divins prodiges qu'ils avaient omis dans leurs écrits. Quand il eut achevé cet ouvrage qu'aucun homme n'avait eu jusque alors la pensée d'entreprendre, je veux dire l'Évangile sacré, il y mit son nom.
Enfin, dans les années qui suivirent, lorsque Domitien commandait dans la cité des Romains, après le règne de Néron et de ceux qui le suivirent, des accusations s'élevèrent de toutes parts contre Jean l'apôtre et le théologien. Il fut ainsi plusieurs fois obligé de s'exiler de l'illustre métropole des Éphésiens, et relégué enfin par ordre de l'empereur dans l'île de Patmos, lune des Cyclades.
Durant son éloignement, et tandis que le très saint Timothée exerçait clans la ville les fonctions épiscopales, les restes de l'idolâtrie qui infectait les habitants produisirent des désordres. Les païens de cette cité célébraient une fête abominable qu'ils appelaient les Catagogies, et qui durait plusieurs jours. Ceints de la robe prétexte, le visage couvert dun voile qui empêchait de les reconnaître, armés de bâtons, ils portaient les images des faux dieux, et vociférant des chants
obscènes, ils se jetaient en furieux sur les femmes honnêtes et de condition libre, commettant des meurtres et d'autres actions indignes, et répandant des flots de sang dans certains quartiers de la ville. Ils ne voulaient pas mettre fin à ces atrocités, prétendant qu'elles étaient nécessaires au bien de leurs âmes, malgré toutes les exhortations que leur adressait le très saint archevêque Timothée pour les en détourner.
Ne pouvant les guérir da leur fureur par ses discours, un jour qu'ils se livraient à leur exécrable fête, il accourt au milieu de la place et s'écrie : «Éphésiens, je vous en conjure, cessez de vous livrer à ces folies idolâtres, et reconnaissez celui qui est le seul Dieu.» Mais ces ouvriers du diable, irrités par un tel reproche, tuèrent l'homme juste avec les bâtons qu'ils portaient. Les serviteurs de Dieu le transportèrent déjà mourant sur une montagne voisine de la ville, dans la direction du port, et ce fut là qu'il rendit à Dieu son âme sainte. Ils déposèrent alors son corps dans le lieu appelé Pionium, et c'est là que se trouve encore aujourd'hui sa Confession.
L'empereur Domitien ayant quitté cette vie, Nerva qui lui succéda au pouvoir rappela le divin apôtre, Jean l'évangéliste. À son retour, il s'arrêta dans la grande ville des Éphésiens, et ayant appris, comme nous l'avons rapporté, la fin du très saint Timothée, il céda aux instantes prières des principaux du clergé, en occupant ce siège apostolique qu'il gouverna jusqu'au règne de Trajan,
Telle fut la mort glorieuse de Timothée, apôtre, patriarche, et martyr du Christ, dans la fête abominable des Catagogies, qui se célèbre, selon les Asiatiques, le trentième jour du quatrième mois, et le vingt-deuxième jour du mois de Janvier, selon les Romains; sous le règne, de Nerva, Pérégrinus étant procurateur de l'Asie; mais pour nous, sous l'empire de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit honneur et gloire, dans les siècles des siècles. Amen.