LE MARTYRE DE SAINTE POTAMIENNE, VIERGE

(Vers l’an de Jésus Christ 205)


fêtée le 7 janvier


Le bienheureux Isidore, administrateur de l'hospice d'Alexandrie, me fit le récit d'une histoire qui mérite sans doute de passer jusqu'aux siècles à venir. Il la tenait du grand saint Antoine, qui la racontait à ceux qui le venaient visiter.
Il y avait à Alexandrie une jeune esclave d'une grande beauté, nommée Potamienne. Elle était au service d'un homme fort débauché, qui tenta inutilement toutes sortes de voies pour la corrompre. Lorsqu'il se vit rebuté, et hors d'espérance d'obtenir ce qu'il demandait, il passa tout à coup d'un excès d'amour à un excès de fureur, et résolut de la perdre. Il la livra pour ce sujet entre les mains du gouverneur d'Alexandrie, l'accusant d'être chrétienne, et de faire plusieurs imprécations contre le gouvernement et contre la personne des empereurs, à cause de la persécution qu’on faisait souffrir aux chrétiens. Il promit en même temps une grosse somme d'argent à ce gouverneur, pour le porter à le seconder dans sa passion, en quelque manière que ce pût être, lui demandant que s'il la pouvait persuader de consentir à son désir, il ne lui fît souffrir aucun mal; mais que si elle persévérait dans sa dureté, il la fît punir du dernier supplice, afin qu'elle ne triomphât pas plus longtemps de son amour et de son désespoir.
Cette généreuse fille fut donc conduite devant le tribunal du gouverneur, et l'on usa de tous les artifices imaginables pour la surprendre. On la tourmenta ensuite de mille manières différentes; mais ni toutes les caresses trompeuses de son ennemi, ni les plus horribles supplices ne purent ébranler sa fermeté. Le juge, devenu plus furieux par la constance de la martyre, s'avisa d'un supplice plus cruel encore que tous les autres, qui fut de faire remplir de poix une grande chaudière sous laquelle il fit allumer un très grand feu; et quand cette poix fut fondue et devenue bouillante, il lui dit d'un ton fier et impitoyable : «Va, obéis à la volonté de ton maître, ou si tu refuses, sache que je te ferai jeter dans cette chaudière ardente.» Potamienne répondit sans s'émouvoir : «À Dieu ne plaise qu'il y ait jamais un juge assez injuste pour me commander de consentir à des désirs impudiques.» Le gouverneur, ne se possédant plus, commanda sur-le-champ qu'on la dépouillât, et qu'on la jetât dans la chaudière. La sainte dit au juge : «Si tu as résolu de me faire souffrir ce tourment, je te conjure par la vie de l'empereur, pour qui tu as de la crainte et du respect, de ne me point faire dépouiller; mais de commander plutôt qu'on me descende peu à peu dans cette chaudière, afin que tu puisses connaître quelle est la patience que m’a donnée le Christ, que tu ne connais pas.» On la descendit donc, d'abord par les pieds dans la poix bouillante; puis, on l'y enfonça peu à peu et comme insensiblement, durant trois heures; enfin, y étant plongée jusqu'au cou, elle expira.