Fêtés le 25 janvier
Sous le règne de l'impie Claude, Ulpius Romulus étant vicaire de l'empire, une grande persécution s'éleva contre les chrétiens. Il y avait alors un préfet, maître des offices, nommé Censurinus, qui pratiquait en secret la loi chrétienne et vivait dans la crainte de Dieu. Attaché par sa charge à la personne de l'empereur qu'il ne quittait pas, toutes les fois qu'il voyait des chrétiens traînés à la mort ou conduits en prison, il savait, sans éclat, fortifier leur courage, distribuait, autant qu'il le pouvait, des vivres aux prisonniers, et même remplaçait les diacres dans le ministère de la parole auprès des catéchumènes. Le césar Claude l'apprit et en fut irrité. Il ordonna qu'on arrêtât Censurinus et se le fit amener. L'empereur, en le voyant, lui dit : «Nes-tu plus cet homme, le fidèle adorateur des dieux, et qui toujours as publié ma gloire et ma puissance ? Notre clémence n'a jamais rejeté aucun de ceux qui l'ont servie, et cela a été toujours pour leur bien que j'ai dirigé les affaires de l'empire.» Censurinus répondit : «Pour moi, je dois rendre témoignage à Jésus Christ, mon Maître, et proclamer qu'Il est le seul Dieu véritable. Après avoir été crucifié et enseveli, Il est ressuscité le troisième jour, à la vue de ceux-là mêmes qui Lavaient attaché à la croix, Après sa résurrection, Il S'est montré à ses bienheureux apôtres; et sous leurs yeux, Il est remonté aux cieux. C'est presque de nos jours qu'Il a daigné accomplir ces mystères, en descendent du Sein de son Père dans le sein d'une Vierge; son Amour pour les hommes l'a attiré sur la terre, sans que pour cela Il ait abandonné le ciel.» Irrité de cette réponse, Claude dit : «Tu as perdu l'esprit, Censurinus.» Et aussitôt il ordonna, pour léloigner de ses compagnons d'armes, qu'on le conduisit à Ostie, et qu'on l'y tînt enfermé dans la prison. Ostie n'est éloignée de Rome que d'environ quinze milles. Là, dans la prison et dans les fers, Censurinus chantait les louanges de Dieu, sans relâche, ni le jour ni la nuit.
Dans la même contrée, non loin de la ville d'Ostie, vivait une vierge d'une puissante famille sénatoriale et unie aux empereurs par les liens du sang. Elle se nommait Chrysa. Après avoir souffert de nombreuses persécutions et subi plusieurs sentences pour la foi, elle vivait dans ses terres, au milieu d'une nombreuse réunion d'hommes pieux et de vierges saintes. Instruite de la prison de Censurinus, Chrysa venait chaque jour apporter au bienheureux martyr des mets quelle lui avait préparés de ses mains; elle lavait ses chaînes et lui baignait les yeux et le visage. Or, elle avait chez elle un saint prêtre nommé Maxime et le diacre Archélaüs, qui tous les jours offraient à Dieu le sacrifice, au milieu des cantiques et des louanges. Ce prêtre avait le don de faire de grands miracles au Nom de notre Seigneur Jésus Christ. Un jour, il entra dans la prison du bienheureux Censurinus; aussitôt les chaînes tombèrent des pieds et des mains du martyr. À cette vue, le saint prêtre lui adressant la parole ainsi qu'à ses gardiens, leur dit à tous : «Frères, renoncez aux démons et à des plaisirs qui passent, apprenez à connaître Jésus Christ, notre Seigneur, qui était avant les siècles et qui un jour viendra juger et les vivants et les morts, et le monde tout entier par le feu. Car notre siècle s'écoule rapidement, et le ciel et la terre nauront qu'un temps; mais notre Seigneur Jésus Christ demeure et Il demeurera toujours le même.» Les gardes répondirent au bienheureux prêtre Maxime : «Que devons-nous faire pour Celui que tu nous annonces ? Tes discours et les miracles que tu fais en son
Nom nous ont appris à Le connaître; car cest sa Puissance et tes prières qui ont brisé les chaînes du prisonnier.» Le bienheureux prêtre Maxime reprit : «Recevez tous le baptême et croyez au Christ, le Fils de Dieu; abandonnez vos vaines idoles et faites pénitence; car vous avez blasphémé son Nom que vous ne connaissiez pas, et vous avez persécuté les saints.» Alors, tous les gardes ensemble, Félix, Maxime, Taurinus, Herculien, Numérius, Storacinus, Ménas , Commode, Hermès, Maur, Eusèbe, Rusticus, Monacrius, Amandinus, Olympius, Cyprius et Théodore le tribun, se jetèrent aux pieds du bienheureux prêtre Maxime, le conjurant de vouloir bien leur donner le saint baptême. Celui-ci les y prépara aussitôt suivant les rites accoutumés; puis la vierge Chrysa leur donna des vêtements pour la cérémonie, et prépara le repas des néophytes. Après quoi, Maxime les baptisa au Nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit. Ces nouveaux chrétiens, éclairés par la Lumière divine, rendirent grâces au Dieu tout-puissant. Quand la nuit fut venue, le bienheureux évêque Cyriaque versa sur eux le baume du Christ, en les marquant du signe du salut. Il prononça sur eux les paroles du mystère, et imprima sur leur front le caractère sacré.
Cependant, il y avait là un ouvrier, dont le fils venait de
mourir. Au moment où les saints Cyriaque et Maxime passaient avec la bienheureuse Chrysa et tous les autres généreux soldats du Christ, cet homme pleurait la mort de son fils. Le prêtre Maxime layant entendu, lui dit : «Crois en notre Seigneur Jésus Christ, et confesse son Nom devant nous tous; à cette condition tu vivras, et ton fils te sera rendu.» L'ouvrier lui répondit en pleurant : «Comment croirai-je en Lui ? j'ai blasphémé son Nom depuis mes premières années jusquaujourd'hui.» Le prêtre Maxime lui dit : «Fais pénitence des péchés que tu as commis; car notre Dieu est le Dieu des pénitents; Il ne nous punit point selon la mesure de nos péchés; mais Il nous traite selon la grandeur de sa Miséricorde. L'ouvrier reprit : «Baptisez-moi donc en son Nom; je veux être du nombre de ses fidèles.» Alors il fut baptisé au Nom de la sainte Trinité.
À peine eut-il été fait chrétien et marqué du caractère du Christ, que tout aussitôt, dans les transports d'une sainte allégresse, il conduisit Maxime auprès du corps de son fils. En le voyant, le bienheureux Maxime versa des larmes, et dit : Seigneur Jésus Christ, qui as daigné prendre la forme d'un esclave, pour nous délivrer de la servitude du démon, jette un regard sur les uvres de tes Mains, afin qu'elles Te connaissent comme leur créateur et leur maître.» Le bienheureux évêque Cyriaque ajouta : «Seigneur, nous fléchissons les genoux en invoquant ton Nom.» Et ils prièrent ainsi longtemps. Enfin le bienheureux Cyriaque reprit : «Seigneur Jésus Christ, qui dans ta Miséricorde infinie as voulu être crucifié pour le salut des hommes; et qui as réveillé Lazare du sommeil de la mort et rendu à la vie le fils unique de la veuve, daigne manifester aujourdhui les merveilles de ta Puissance sur ton serviteur, afin qu'il apprenne, en ce jour de sa régénération, à Te connaître comme le Dieu vivant et véritable, le souverain Seigneur de toutes choses, qui règne dans les siècles des siècles.» Tous répondirent : «Amen.» Au même moment, le mort revint à la vie et commença à parler : «J'ai vu, disait-il, le Seigneur Jésus Christ me rappelant des ténèbres à la lumière.» Maxime l'instruisit, et le baptisa au Nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit. Puis il lui donna le caractère de l'Esprit saint. La bienheureuse Chrysa, qui l'avait reçu au sortir des fonts sacrés, lui imposa le nom de Faustin. Il avait alors douze ans. On vint annoncer à l'empereur, l'impie Claude, qu'un enfant mort avait été rappelé à la vie par la prière des saints. Claude répondit : «Ce ne, peut être qu'un effet de la magie;» et il fit mander aussitôt le préfet de la ville de Rome, Ulpius Romulus, à qui il signifia les ordres qui suivent : «La sacrilège Chrysa a déshonoré la noblesse de sa naissance royale, et s'est livrée tout entière aux magiciens et à leur art. Presse-la par tous les supplices jusqu'à ce que tu lui aies persuadé d'adorer les dieux et les déesses. Si elle se rend, elle vivra, et la sentence que j'ai portée contre elle sera annulée. Au contraire, tous ceux que tu auras trouvés participer à ses crimes, tu les soumettras aux mêmes châtiments.»
Le vicaire de Rome, Ulpius Romulus, vint à Ostie, et fit enfermer en prison tous les saints. Le lendemain, dès le matin , il se fit présenter la bienheureuse Chrysa et lui dit : «Quelle est donc cette folie de la magie dont tu te fais gloire, sans craindre de sacrifier pour elle l'honneur de la majesté royale, et de souiller l'éclat d'une illustre naissance ?» La bienheureuse Chrysa répondit : «Ce sont plutôt les démons, vos séducteurs, dont j'ai obscurci la gloire; j'ai abandonné de vaines idoles fabriquées par la main des hommes, et j'ai reconnu le Dieu unique, vivant et véritable, et son Fils unique, notre Seigneur Jésus Christ, qui viendra juger les vivants et les morts, et condamnera aux ténèbres de l'enfer le diable ton père, avec l'empereur, l'impie Claude, ton maître.» Le vicaire Ulpius Romulus dit : «Elle s'est laissé tromper par l'art de la magie.» Puis s'adressant à elle : «Renonce, ajouta-t-il, à ces vanités, et montre-toi digne de ta naissance et de tes ancêtres.» La bienheureuse Chrysa lui souffla au visage et répondit : «Malheureux, si tu connaissais le Dieu créateur du ciel et de la terre, ta bouche n'aurait pas vomi le blasphème.» Aussitôt Romulus, transporté de colère, la fit étendre sur le chevalet; mais, pendant qu'on lui tirait les nerfs avec violence, son visage s'animait et brillait d'une beauté céleste; elle disait : «Je Te rends grâces, Seigneur Jésus Christ, qui as daigné m'arracher à l'enfer pour m'élever jusqu'au ciel.» Romulus lui dit : «Nous verrons si ton Christ viendra te délivrer.» La bienheureuse Chrysa répondit : «Moi, je nen suis pas digne; mais Celui qui a daigné m'arracher aux ténèbres du monde est assez puissant pour te renverser toi et ton empereur, l'impie Claude.»
Pendant qu'elle parlait ainsi, le chevalet se brisa, et la vierge, descendue à terre sans effort, se releva pleine de force et de vie. Romulus ordonna alors qu'on la frappât à coups de bâton. Le héraut proclama la sentence; elle était ainsi conçue : «La sacrilège Chrysa a blasphémé les dieux et maudit la puissance souveraine de l'empereur, le gardien de notre liberté; qu'elle soit frappée.» La bienheureuse vierge, de son côté, répétait à haute voix : «Tu es béni, Seigneur Jésus Christ, qui déjà Te manifestes à ta servante.» Romulus dit : «Appliquez-lui sur les côtés des lampes ardentes.» Mais quand on approcha ces lampes, son visage éclata d'une beauté toute nouvelle; et, transportée d'une ineffable joie, elle dit à l'impie Romulus : «Malheureux ! tu n'as pas honte d'arrêter tes regards sur une femme qui devrait te rappeler ta mère; tu la fais dépouiller et torturer sous tes yeux.» Romulus lui répondit : «Accuse plutôt ta mauvaise fortune qui t'a préparé cet affront, en te faisant abandonner et nos dieux immortels et l'éclat de la puissance royale, pour te souiller de l'infâme passion de la magie.» Puis, la voyant déjà demi-brûlée, il la fit relever et enfermer dans la prison.
Il se fit alors présenter les autres saints, le prêtre Maxime et le diacre Archélaüs, et il leur dit : «Pourquoi faites-vous blasphémer les noms de nos grands dieux ? Vous égarez les hommes et leur persuadez de ne plus croire à leur puissance.» Le prêtre Maxime répondit : «Nous n'égarons pas les hommes; dis plutôt que, par la charité de notre Seigneur Jésus Christ, nous les délivrons de lerreur des idoles.» À ces mots, Romulus en colère s'écria : «Ces hommes sont dignes de mort;» et il fit conduire le bienheureux diacre Archélaüs dans une salle située devant le théâtre, avec ordre de lui trancher la tête. Et l'ordre en effet fut exécuté. Pour le bienheureux Maxime, Romulus le fit jeter en prison. Cependant le saint prêtre Eusèbe recueillit pendant la nuit le corps du bienheureux Archélaüs, et l'ensevelit dans la villa de Chrysa. Restaient les soldats qui, à la parole du bienheureux Maxime, avaient confessé la foi du Christ. Ils couronnèrent à leur tour leur sacrifice par le même genre de mort. Quand Romulus eut reçu la nouvelle de ces exécutions qu'il avait commandées, il ordonna que le prêtre Maxime et l'évêque Cyriaque fussent décapités dans leur prison, et leurs corps jetés à la mer. Mais le saint prêtre Eusèbe fut assez heureux pour retrouver leurs précieux restes; il les recueillit avec soin et les ensevelit dans une terre voisine de la ville d'Ostie; puis, le six des ides d'août, il les déposa dans une crypte, sur la route de la même ville, à peu de distance. Pour les corps de Taurinus et d'Herculianus, il les ensevelit à Porto. Quatre jours après, il trouva gisants sur le rivage de la mer les corps des autres saints. Il ensevelit le bienheureux tribun Théodore dans un sépulcre voûté; il réunit et déposa les autres près des corps des bienheureux Cyriaque et Maxime, dont ils avaient partagé le martyre.
Enfin, après cinq jours de prison, Romulus se fit amener la bienheureuse Chrysa. À peine fut-elle arrivée devant le préfet, qu'elle lui dit avec l'accent de la joie qui déjà remplissait son âme : «Pourquoi laisses-tu tes jours se consumer sans fruit ? Apprends enfin à reconnaître le Christ pour ton Dieu, ton Créateur et ton maître, et n'adore plus des dieux de pierre, d'airain, d'or ou d'argent. Réserve tous tes hommages pour mon Maître le Seigneur Jésus Christ, qui a été crucifié sous Ponce Pilate, est ressuscité des morts le troisième jour, est monté au ciel, d'où Il viendra juger et les vivants et les morts et le monde tout entier par le feu.» Le cruel Romulus lui répondit : «Tout à lheure tu verras ton Christ, si tu refuses de sacrifier aux dieux immortels.» La bienheureuse Chrysa reprit : «Tu as dit vrai, misérable. Une fois du moins la vérité est sortie de ta bouche, quand tu as dit que si je ne sacrifie pas à tes démons, je verrai mon Christ.» Romulus, de plus en plus furieux de se voir vaincu par les réponses de la vierge, ordonna qu'on lui brisât les dents avec des pierres. Mais la martyre répétait, au milieu de ce supplice : «Gloire à Toi, Seigneur Jésus, qui as daigné me compter au nombre de tes serviteurs et de tes servantes.» L'impie Romulus lui dit : «Respecte du moins le nom de tes ancêtres, adore les dieux, sacrifie et accepte un mari digne de ta naissance.» La bienheureuse vierge, élevant, encore la voix, lui dit avec une généreuse confiance : «Mon époux, je l'ai déjà trouvé : c'est le Créateur du ciel et de la terre, Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant que tu refuses de reconnaître, pour honorer de préférence des démons qui ont rempli ton cur de fureur et de rage.» À ces mots Romulus, n'étant plus maître de sa colère, ordonne à ses bourreaux de la frapper avec des fouets armés de balles de plomb; mais plus on la frappait, plus il semblait que ses forces grandissaient avec son courage. Alors le préfet lui fit attacher au cou une pierre énorme et la fit jeter à la mer. Mais le corps de la sainte repartit sur le rivage, et le bienheureux Nonnus, surnommé aussi Hippolyte, le recueillit et l'ensevelit dans la villa que lui-même habitait, en dehors des murs d'Ostie. C'était le neuf des calendes de septembre.
Cependant Romulus fit arrêter un certain Sabinien, l'administrateur des terres que possédait Chrysa, et le somma de lui livrer les richesses de la vierge. «La sacrilège Chrysa, lui dit-il, séduite par les artifices de la magie, a préféré la mort à la vie. Elle possédait de grandes richesses. Apporte-nous ses joyaux et ses trésors, et sacrifie à nos dieux. Je te laisse la vie, si tu te soumets aux ordres de nos empereurs.» Sabinien répondit : «J'ai appris de la bienheureuse vierge Chrysa à chérir l'obéissance et lhumilité; mais en même temps elle m'a appris à confesser un seul Dieu, notre Seigneur Jésus Christ qui est né de la Vierge Marie, par l'opération du saint Esprit. Ce sont là toutes nos richesses; et nous n'avons ni or, ni argent, ni pierres précieuses.» L'impie Romulus lui dit : «Songe à sauver ta vie, livre aux empereurs les trésors que tu tiens cachés et sacrifie aux dieux.» Sabinien répondit, «Je ne suis pas digne, à cause de mes péchés, de la grâce dont tu veux me faire une menace; mais je n'ai qu'un désir, c'est qu'il plaise à Jésus Christ, mon Seigneur et mon Dieu, de m'accorder ce bonheur malgré mon indignité; car c'est là ma foi. Sache de plus que je ne possède point l'or qui passe et disparaît, et que jamais je ne consentirai à fléchir le genou devant des idoles.» Ces discours et d'autres semblables excitèrent la fureur de l'impie Romulus, qui ordonna à ses bourreaux de briser avec des fouets plombés le cou de Sabinien.
À la nouvelle de cette exécution, le bienheureux prêtre Hippolyte vint se présenter le même jour à Ulpius Romulus; et devant lui il éleva la voix et dit : «Malheureux, si tu connaissais le Christ, le Fils de Dieu, tu ne sévirais pas avec tant de cruauté contre les saints, pour abaisser leurs droits aux pieds de tes vaines idoles. Tu t'anéantirais au contraire toi-même devant le Créateur et le Maître de toutes choses, et tu honorerais ses serviteurs, bien loin de vouloir adorer des pierres sans puissance, sans parole et sans vie.» Romulus, indigné de ce langage, ordonna de lui lier les pieds et les mains et de le plonger vivant dans une fosse. Or à peine le bienheureux Hippolyte eut-il été jeté dans la fosse appelée proprement le Port qu'aussitôt on entendit des voix durant environ une heure; on eût dit de jeunes enfants qui chantaient à Dieu un cantique d'actions de grâces. Au milieu de ce concert, Hippolyte rendit son âme au Seigneur, le onzième des calendes de septembre. Romulus s'écria: «Ce sont encore là de ces folles inventions de la magie.»
Puis dans les transports de sa colère il disait : «Ce Sabinien s'est laissé prendre à l'amour de l'or, par les séductions de la magie; moi, je veux dans un moment le guérir de ses folies, s'il ne veut pas s'abaisser et sacrifier à nos grands dieux.» Il le fit donc comparaître de nouveau et le fit frapper à coups de bâton, pendant qu'un héraut criait à haute voix : «Livre les trésors aux empereurs, et incline-toi devant la majesté des dieux tout-puissants qui gouvernent l'empire.» Mais le bienheureux Sabinien n'ouvrit la bouche que pour dire : «Seigneur Jésus Christ, je Te rends grâces d'avoir daigné me compter au nombre de tes serviteurs.» Sous les coups dont on l'accablait, son visage était joyeux et ne laissait pas voir le moindre signe de faiblesse. Romulus indigné le fit suspendre sur le chevalet, avec ordre d'étendre ses nerfs avec violence. Le héraut répétait encore ses sommations; mais le martyr ne savait répondre qu'une seule chose : «Je rends grâces à Jésus Christ mon Maître. Il est fou, disait Romulus aux spectateurs. Les secrets de la magie lui donnent une aveugle sécurité.» Et il ordonna qu'on le brûlât avec des torches. Quand on les appliqua sur les flancs du martyr, Romulus était à ses côtés qui criait : «Malheureux! songe à vivre, et rends les trésors que tu tiens cachés, nous le savons.» Mais le bienheureux Sabinien, vrai martyr du Christ, rendait grâces au Seigneur : «Seigneur mon Dieu, disait-il, reçois mon âme;» en prononçant ces mots, il rendit son âme en paix au Seigneur. Quant à son corps, Romulus le fit jeter dans un puits. Mais en ce moment survint un prêtre nommé Cordius; il attendit la nuit pour le retirer, et il l'ensevelit avec la bienheureuse Chrysa, le cinquième jour des calendes de février, notre Seigneur Jésus Christ régnant; à qui soit la gloire dans les siècles des siècles! Amen.