MARTYRE DE SAINT SCHADOST, ÉVÊQUE DE SÉLEUCIE ET DE CTÉSIPHON, ET DE CENT VINGT-HUIT AUTRES MARTYRS, SES COMPAGNONS
(L'an 342 de J.-C.)
fêtés le 20 février
Schadost succéda à Siméon dans l'épiscopat de Séleucie et de Ctésiphon. Une nuit, il eut une vision pendant son sommeil. Quand il fut éveillé, il assembla ceux de ses prêtres et de ses diacres qui étaient les plus versés dans les mystères de Dieu, et leur raconta sa vision en ces termes : «Il me semblait, pendant mon sommeil, voir une échelle merveilleuse qui touchait au ciel. Siméon, radieux, était au sommet; il me regardait et me disait : «Allons, Schadost, monte, ne tremble pas; je montai hier, c'est ton tour aujourd'hui.» Éveillé par cette vision, je crus comprendre, je me persuadai même que la volonté divine était que je suivisse le bienheureux Siméon dans son martyre. Quant à cette parole : «Je montai hier, c'est ton tour aujourd'hui,» il me semble qu'elle signifie que comme Siméon a souffert le martyre l'année dernière, je dois le souffrir cette année.» Après cela, pour animer ses compagnons au martyre, il leur rappela ces paroles de l'Apôtre : Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la vertu de sa puissance; revêtez-vous des armes de Dieu; et ces autres : En faisant ainsi, vous brillerez parmi les hommes, comme des lumières; vous garderez en vous le verbe de vie. Il ajoutait encore : «C'est une honte de s'effrayer aux approches de la mort et de trembler à son aspect. Il est beau de s'exposer en combattant; ceux qui veulent se tenir hors de la portée du trait courent risque de passer pour des lâches. C'est pour Jésus Christ et notre sainte foi que nous somme persécutés. Ainsi donc, pendant qu'on nous prépare la guerre, pendant qu'on aiguise le glaive qui nous doit égorger, tenons-nous prêts à gagner notre couronne, et tandis que le jour luit encore dans l'horreur de cette nuit, pressons le pas, hâtons-nous d'arriver au royaume céleste, à l'éternelle félicité. Cependant je vous supplie, je vous conjure de m'aider dans cette difficile affaire par vos instantes prières au près de Dieu, afin que cette bienheureuse couronne qu'une vision vient de m'annoncer, il me soit donné de l'obtenir.»
Quelle ardeur, quelle allégresse pour mourir dans ceux que l'Esprit de Dieu poussait ! Au contraire, quelle crainte dans ceux qui n'écoutaient que l'instinct de la nature ! Les uns couraient au-devant de la mort, qui devait, c'était leur espérance, faire place à la bienheureuse vie; les autres, faible et lâches, l'évitaient, tremblaient, se cachaient, pour prolonger leurs jours ici-bas. Ceux que le saint amour de Dieu consumait se hâtaient de quitter cette prison du corps, pour s'envoler au plus tôt vers Dieu; ceux que le fol amour de cette vie enchaînait ne cherchaient qu'à la conserver. Ainsi, ceux-là choisissaient les délices de l'éternelle vie, ceux-ci les misères de la vie mortelle.
Ainsi donc, la seconde année de la persécution, Sapor, se trouvant à Séleucie, fit arrêter Schadost, homme d'une gravité et d'une pureté de murs remarquables, et non moins vénérable par sa foi et sa piété. Son nom signifiait l'ami du roi, et c'était bien son nom; car il aimait de toute son âme le Roi, le Roi du ciel. On prit en même temps à Séleucie, et dans les lieux voisins, cent vingt-huit chrétiens, prêtres, diacres, simples clercs et vierges consacrées à Dieu. Ils furent tous jetés dans une affreuse prison, et gardés cinq mois entiers, jusqu'au jour du supplice. Pendant ce temps, on les tira trois fois de la prison pour les mettre à la question; on les étendit sur le chevalet, on les déchira de coups, on leur fit souffrir tout espèce de tortures; ils refusèrent toujours d'adorer le soleil. Les juges, au nom du roi, leur promettaient leur grâce et leur liberté, s'ils y consentaient. Schadost, au nom de tous les confesseurs, fit cette généreuse réponse : «Allez dire ceci à votre maître : Nous avons tous une même foi et une même inébranlable résolution. Nous proclamons un seul Dieu, et ce Dieu, nous le servons de tout notre cur; mais le soleil et le feu, ces choses qu'il a créées pour notre usage, n'espérez pas nous les faire adorer jamais, n'espérez pas nous faire trahir notre loi sainte. Toutes vos menaces sont inutiles; vous ne nous réduirez pas par la peur. Aiguisez vos glaives, nous vous présentons nos têtes; multipliez vos tortures, nous vous livrons notre vie : hâtez-vous de la prendre, c'est notre désir. Un jour, une heure semblent longs à notre impatience.»
Le roi répondit : «Si sur-le-champ vous n'obéissez à mes ordres, cette heure sera la dernière pour vous.» Les martyrs s'écrièrent d'une vois unanime : «La vie qui nous attend en Dieu et dans le Christ, vous ne savez donc pas que vous ne pouvez nous l'arracher ? Le Christ, après notre mort, nous rappellera à la vie, et, de mortels que nous sommes, nous rendra immortels. Préparez, si vous voulez, vos supplices les plus affreux; nous serons toujours pleins d'allégresse quand il faudra mourir pour Jésus-Christ. Au reste, nous l'avons cent fois répété, vous ne nous ferez jamais adorer le soleil.»
Le roi les condamna tous au dernier supplice. Mais les martyrs, dès qu'ils eurent connaissance de cette sentence, quand ils se virent aux mains des bourreaux et conduits à la mort, pleins d'une sainte allégresse, se mirent à chanter ce cantique : Jugez notre cause, Seigneur, et vengez-vous de ce peuple cruel; arrachez-nous des mains de ces hommes de sang. Arrivés au lieu du supplice, hors de la ville, ils s'exhortaient les uns les autres : «Gloire à Dieu, disaient-ils, qui nous fait la grâce du martyre, qui nous accorde cette couronne si désirée ! Gloire à Jésus-Christ, qui nous tire des misères de ce siècle pour nous attirer à lui, qui nous purifie dans notre sang pour nous rendre dignes de sa présence !» Leurs chants ne cessèrent de se faire entendre que quand le glaive les eut tous frappés.
Ces saints martyrs reçurent leur couronne le vingtième de la lune de février. Schadost ne mourut pas avec eux. On le conduisit, chargé de chaînes, à Lapeta, dans la province des Huzites : c'est là qu'il eut le bonheur d'avoir aussi la tête tranchée pour Jésus-Christ.