LES ACTES DE SAINTE AGATHE, VIERGE DE SICILE


(L'an de Jésus Christ 250)

fêtée le 5 février

La réputation de sainteté, dont jouissait Agathe, qui avait consacré à Dieu sa virginité, était parvenue jusqu'aux oreilles de Quintianus, consulaire de la province de Sicile. Il recherchait toutes les occasions de s'introduire auprès d'elle. Comme son coeur était ouvert à tous les crimes, il se laissait agiter par toutes les mauvaises passions. Désirant donc étendre sa renommée, afin d'acquérir la gloire du siècle, il ordonna qu'on se saisit de la servante de Dieu, qui était issue d'une illustre famille. Il eût voulu persuader au peuple que, malgré l'obscurité de son origine, il avait néanmoins assez d'ascendant et de puissance pour subjuguer le coeur des personnes les plus qualifiées. Adonné à une vie licencieuse,
il comptait sur la vue de cette vierge, qui était d'une grande beauté, pour satisfaire la concupiscence de ses yeux; son avarice convoitait les richesses de la servante de Dieu; enfin il était idolâtre et esclave des démons. Aussi, dans l'ardeur impie qui le consumait, il ne pouvait entendre proférer le nom du Christ.
Il donna donc ordre à ses appariteurs de se saisir de la personne d'Agathe, et la fit livrer à une femme nommée Aphrodise, qui avait en sa maison neuf filles aussi corrompues qu'elle et dignes de leur mère. Le dessein de cet infâme magistrat était que ces indignes créatures pervertissent le coeur de la vierge qu'il eut l'infamie de leur abandonner durant trente jours. Elles, de leur côté, espéraient arracher cette âme pure à sa résolution, en employant tantôt la promesse des jouissances, tantôt des menaces terribles.
Agathe leur dit : «Mon âme a été affermie et fondée dans le Christ; vos paroles ne sont que du vent, vos promesses qu'une pluie orageuse, vos menaces ressemblent à un fleuve; mais ce vent, cette pluie, ce fleuve, auront beau se déchaîner contre les fondements de ma maison : elle ne pourra tomber, parce qu'elle est assise sur la pierre ferme.»
En répétant chaque jour ces paroles, elle versait des larmes et priait; et, de même que celui qui, étant brûlé de la soif, au milieu des ardeurs du soleil, soupire après les fontaines jaillissantes, ainsi désirait-elle atteindre la couronne du martyre et souffrir toutes sortes de supplices pour le Nom de Jésus Christ.
Voyant donc que la vierge demeurait inébranlable dans sa résolution, Aphrodise alla trouver Quintianus, et lui dit : «Il serait plus aisé d'amollir les rochers et de donner au fer la souplesse du plom que d'enlever de l'âme de cette jeune fille le sentiment chrétien. Mes filles et moi, nous nous sommes succédé auprès d'elle à tour de rôle, jour et nuit, sans relâche, et nous n'avons rien pu faire, si ce n'est de contribuer à affermir encore davantage son esprit dans le propos qu'elle a formé. Je lui ai offert des pierres précieuses et les plus brillantes parures, des vêtements tissus d'or. Je lui ai promis des maisons et des terres voisines de la ville. J'ai étalé à ses yeux tout le luxe de l'ameublement le plus varié. J'ai mis à sa disposition un nombreux domestique de l'un et de l'autre sexe, et de tout âge; mais elle n'a pas plus fait de cas de tout cet attirail que de la terre qu'elle foule aux pieds»
Quintianus, transporta, de colère, fit amener la vierge à son audience; et, assis sur son tribunal, il débuta en ces termes : «Quelle est ta condition ?» La bienheureuse Agathe répondit : «Je suis de condition libre, et même de noble extraction, comme toute ma parenté, en fait foi.» Le préfet Quintianus lui dit : «Si tu es d'une famille si noble et si illustre, pourquoi donc manifestes-tu dans ta conduite la bassesse de la condition servile ?» Agathe repartit : «Étant servante du Christ, je suis en cela de condition servile ?» Quintianus dit : «Si tu étais d'une famille noble et distinguée, voudrais-tu te rabaisser à prendre le titre de servante ?» Agathe dit : «La souveraine noblesse est d'être engagée au service du Christ.» «Quoi donc, répliqua Quintianus, est-ce que nous n'avons point part à la noblesse, nous qui méprisons le service du Christ et qui observons le culte des dieux ?» Agathe répondit : «Votre noblesse a dégénéré en une servitude si profonde que, non seulement elle vous rend les esclaves du péché, mais encore vous assujettit au bois et à la pierre.» Quintianus dit : «Tous les blasphèmes que tu oseras proférer de ta bouche insensée recevront le châtiment dû à ton insolence. Dis-nous, toutefois, avant d'en venir aux tourments, pourquoi tu méprises le culte des dieux ?» Agathe dit : «Ne les appelle pas des dieux, mais des démons; oui, ceux dont vous fondez l'effigie en airain, et dont vous dorez les figures de marbre ou de plâtre ne sont autres que des démons.» Quintianus dit : «Choisis de deux choses l'une, et prends le parti que tu voudras, ou d'encourir avec les malfaiteurs divers genres de supplices, si tu persistes dans ta folie; on, si tu es sage et vraiment noble, de sacrifier, comme la nature elle-même t'y invite, aux dieux tout-puissants, que leur divinité nous oblige de reconnaître et d'adorer.» Agathe répondit : «Prends garde que ta femme ne devienne semblable à ta déesse Vénus, et toi à ton Dieu Jupiter.»
À ces mots, Quintianus ordonna qu'elle fût souffletée, et lui dit : «Ne t'avises pas de laisser ta langue téméraire se répandre en paroles injurieuses envers ton juge.» Agathe répondit : «Tu viens de dire que leur propre divinité démontre que tes dieux sont dignes d'être honorés; hé bien ! que ta femme soit donc semblable à Vénus, et toi à Jupiter, afin que vous puissiez être comptés au nombre de vos dieux. «Quintianus dit : «Il paraît que tu prends le parti d'endurer toutes sortes de tourments, puisque tu recommences à m'attaquer par de nouvelles injures.» Agathe répondit : «Je m'étonne de voir qu'avec toute ta prudence tu te sois laissé déchoir à une telle folie que d'aller appeler dieux des êtres dont tu ne veux pas que ta femme suive les traces, et dont tu crains tellement d'embrasser toi-même le genre de vie, que tu prends pour une injure la proposition qui t'en est faite. Conviens avec moi que si ce sont de vrais dieux, je t'ai désiré un bien, en souhaitant que ta vie fût semblable à celle que l'histoire leur attribue. Que si, au contraire, tu as leur ressemblance en horreur, tu es de mon avis. Dis donc qu'ils sont si pervers et si impurs, que lorsqu'on veut maudire quelqu'un, on n'a qu'à lui souhaiter d'être tel qu'ils ont été dans leur exécrable vie.» Quintianus dit : «Qu'ai-je besoin de tout ce flux de paroles ? Sacrifie aux dieux, on je te ferai mourir par divers genres de supplices.» Agathe répondit : «Si tu ordonnes de me livrer aux bêtes, elles s'adouciront au Nom seul de Jésus Christ; si tu emploies le feu, les anges répandront sur moi du haut du ciel une rosée salutaire; si tu me menaces des verges et des coups, j'ai au dedans de moi l'Esprit saint, qui me fera mépriser tous tes supplices.»
À ces mots, Quintianus secouant la tête avec fureur, commanda qu'on enfermât la vierge dans un cachot ténébreux, et lui dit : «Songe à toi et reviens sur tes pas, si tu veux éviter d'horribles tourments, qui mettront ton corps en lambeaux.» Agathe répondit : «C'est à toi, ministre de Satan, de te repentir, si tu veux éviter les tourments éternels.» Quintianus ordonna de la conduire de suite en prison, parce que ces invectives publiques le couvraient de confusion. Agathe, comblée de joie et toute glorieuse de l'honneur qu'on lui faisait, entra dans la prison, comme dans la salle d'un festin auquel elle eût été invitée; et tressaillant d'allégresse, elle recommandait au Seigneur par ses prières le combat qu'elle allait avoir à subir.
Le lendemain, l'impie Quintianus fit comparaître la vierge à son tribunal, et lui dit : «Qu'as-tu déterminé relativement à ton salut ?» Agathe répondit : «Mon salut, c'est le Christ.» Quintianus dit : «Jusques à quand, malheureuse, persisteras-tu dans ta vaine résolution ? Renie le Christ et commence à adorer les dieux; considère enfin ta jeunesse, et ne te laisse pas consumer par une mort cruelle.» Agathe répondit : «Toi, bien plutôt, renonce à tes dieux qui ne sont que de la pierre et de bois, et adore ton Créateur, le vrai Dieu qui t'a créé. Si tu Le méprises, tu seras soumis aux peines les plus rigoureuses et à des flammes éternelles.»
Quintiantis, transporté de fureur, commanda qu'on l'attachât sur le chevalet, et qu'elle y fût tourmentée. Pendant la torture, il lui disait : «Laisse là ta résolution, enfin que l'on puisse aviser à la conservation de ta vie.» Agathe répondit : «J’éprouve, au milieu de ces tourments, autant de délices qu'on pourrait ressentir un homme à qui on annonce une heureuse nouvelle, ou qui reçoit une personne depuis longtemps désirée, ou enfin, qui découvre un riche trésor; moi aussi je me délecte au milieu de ces tourments d'un instant. Le froment ne peut être mis au grenier, si son épi n’a été fortement battu et réduit en paille; ainsi en est-il de mon âme; elle ne peut entrer dans le paradis du Seigneur, avec la palme du martyre, que, tu n'aies auparavant livré mon corps à l’ingénieuse fureur de tes bourreaux.»
À ces paroles, Quintianus, saisi de colère, ordonna qu'elle fût tourmentée à la mamelle, et qu’on la lui coupât après l'avoir broyée. Agathe lui dit : «Impie, cruel et barbare tyran n'as-tu point honte de mutiler dans une femme ce que tu as sucé dans ta mère ? Mais je conserve intactes au dedans de moi les mamelles spirituelles, où je puise la nourriture de mon âme, et que j'ai consacrées dès mon enfance au Seigneur Jésus Christ.»
Quintianus la fit de nouveau conduire en prison. Il donna ses ordres pour qu'il ne fût permis à aucun médecin de s'introduire auprès d'elle, et défendit expressément qu'on lui procurât ni pain ni eau. Pendant qu'elle était enfermée dans la prison, vers le milieu de la nuit, un vieillard précédé d'un enfant qui portait un flambeau, se présenta à elle sous l'apparence d'un médecin; et, ayant à la main divers médicaments, il lui dit : «Tu as souffert dans ton corps, par ordre de ce magistrat insensé, des supplices cruels; mais tu lui as fait subir par tes sages réponses des tortures plus rudes encore. Il a fait tourmenter et mutiler ton sein; mais il verra son opulence changée en fiel, et son âme plongée éternellement dans l'amertume. Cependant, comme j'étais présent tandis que tu souffrais tous ces maux, j'ai vu que ta plaie peut encore être guérie.» Alors la bienheureuse Agathe lui dit : «Je n'ai jamais procuré à mon corps de médecine corporelle; et il serait honteux de me désister maintenant de cette confiance en Dieu que j'ai toujours conservée dès mon plus bas âge. - Comme toi, reprit le vénérable vieillard, je suis chrétien; mais de plus je connais la médecine. Je te prie de ne rien craindre de ma part.» Agathe lui repartit : «Eh ! quelle crainte puis-je avoir à votre égard ? Vous êtes avancé en âge, et vous comptez des années bien plus nombreuses que les miennes. D'ailleurs tout mon corps est tellement déchiré que les plaies dont il est couvert enlèvent à mon âme la possibilité d'éprouver un sentiment quelconque dont je pourrais avoir à rougir. Mais je vous rends grâces, seigneur et père, d'avoir daigné étendre votre sollicitude jusqu'à moi : sachez toutefois que jamais remèdes faits de main d'homme n'approcheront de mon corps.» - «Et pourquoi, répliqua le vieillard, ne veux-tu pas que je te guérisse ?» - «Parce que, répondit Agathe, j'ai mon Sauveur Jésus Christ qui de sa parole guérit tous les maux; une seule parole de sa Bouche rétablit toutes choses. C'est Lui, s'il le veut bien, qui peut me rendre la santé.» Le vieillard reprit en souriant : «Et c'est Lui-même qui m'a envoyé vers toi; car je suis son apôtre. Sache donc que c'est en son Nom que tu vas recouvrer la santé.» À peine avait-il achevé ces mots, que soudain il disparut.
Alors Agathe s’étant prosternée, adressa à Dieu cette prière: «Je vous rends grâces, Seigneur Jésus Christ, de vous être souvenu de moi et de m'avoir envoyé votre apôtre qui m'a réconfortée et qui a relevé mon courage.» Quand elle eut terminé sa prière, avant regardé toutes les blessures de son corps, elle reconnut que tous ses membres étaient sains, et que sa mamelle avait été rétablie. Durant toute la nuit, la prison fut remplie d'une si brillante lumière que les geôliers, saisis de frayeur, prirent la fuite, en laissant les portes ouvertes. Les personnes qui étaient détenues dans la même prison disaient à la bienheureuse Agathe de profiter de la liberté qui s'offrait à elle. Mais la vierge répondit : «Loin de moi la pensée d'aller perdre ma couronne et d'être pour les gardiens une cause de tribulation ! Avec l'aide de mon Seigneur Jésus Christ, je persévérerai dans la confession de Celui qui m'a guérie et consolée.»
Quatre jours après, Quintianus fit comparaître de nouveau la vierge devant son tribunal et lui dit : «Jusques à quand auras-tu la démence d'aller contre les décrets des invincibles princes ? Sacrifie aux dieux, sinon sache que tu es réservée à des tourments plus cruels encore que les précédents.» Agathe répondit : «Toutes tes paroles sont insensées, vaines et iniques; tes ordres souillent l'air même qui les transmet. C'est pourquoi tu es un misérable, dépourvu de sens et d'intelligence. Car, quel autre qu'un insensé s'avisa jamais d'appeler à son secours une pierre, au lieu de s'adresser au Dieu suprême et véritable qui a daigné guérir toutes ces plaies que tu m'as faites, jusqu'à rétablir mon sein même dans son intégrité première.» Quintianus lui repartit : «Eh ! quel est celui qui t'a guérie ?» - «C'est, répondit Agathe , le Christ, le Fils de Dieu.» - «Quoi ! répliqua Quintianus, oses-tu bien encore nommer ton Christ ?» - «Mes lèvres, reprit Agathe, confessent le Christ, et mon coeur ne cessera de L’invoquer.» - «Je vais voir tout à l'heure, ajouta Quintianus, si ton Christ viendra te guérir.»
Aussitôt il ordonne de parsemer la prison de fragments de pois cassés et d'y joindre des charbons ardents, puis de dépouiller Agathe de ses vêtements et de la rouler sur ce lit de douleurs. À peine avait-on commencé cette exécution barbare, que tout à coup le lien fut ébranlé; un pan de muraille se détacha et écrasa sous ses ruines le conseiller du juge, nommé Sylvain, et un autre de ses amis nommé Falconius, à la persuasion desquels Quintianus commettait tant de crimes. La ville entière de Catane fut elle-même agitée d'un violent tremblement de terre. Les habitants effrayés coururent au prétoire du juge, criant avec un grand tumulte que les tourments dont ce magistrat inique affligeait la servante de Dieu, étaient la cause qui mettait tous les citoyens dans le danger de périr. Quintianus prit la fuite, craignant tout à la fois le tremblement de terre et la sédition du peuple. Il fit donc aussitôt reconduire la vierge en prison, et alla se réfugier dans une salle écartée du prétoire, laissant le peuple aux portes de la ville.
Agathe, étant rentrée dans la prison, étendit les mains vers Dieu et dit : «Seigneur, qui m’avez créée et qui m'avez gardée depuis mon enfance , qui m'avez donné dès la fleur de l'âge une vertu supérieure à mon sexe ; qui avez éloigné de mon coeur l’amour du siècle et soustrait mon corps à la corruption; vous qui m'avez rendue victorieuse des tourments du bourreau et fait mépriser le fer, le feu et les chaînes ; qui enfin m'avez accordé, au milieu de ces supplices, le courage et la patience, je vous supplie de recevoir présentement mon âme : car il est temps de me retirer de ce monde pour m'introduire au sein de votre Miséricorde.» Après cette prière, elle poussa un grand cri et rendit l'esprit, en présence d'une nombreuse assistance.
À cette nouvelle, de pieux fidèles accoutrèrent à la hâte , puis ils enlevèrent son corps et le déposèrent dans un sarcophage tout neuf. Or, pendant qu'on l'ensevelissait avec des aromates, et qu'on plaçait ce précieux dépôt dans le tombeau avec un grand soin, un jeune homme apparut tout à coup vêtu de riches habits de soie , et ayant à sa suite un cortège de plus de cent enfants tout éclatants de beauté et parés de vêtements magnifiques. Jusqu'à cette heure nul n’avait vu ce jeune homme dans la ville de Catane; on ne l'y revit jamais depuis, et personne n'a pu dire qu'il le connût auparavant. Il entra dans le lieu où l'on embaumait le corps de la vierge, et plaça près de la tête une tablette de marbre sur laquelle étaient inscrits ces mots : Ame sainte, dévouée honneur de Dieu, protection de la patrie. Il plaça, disons-nous, cette inscription dans le sépulcre et près de la tête de la martyre , et demeura là jusqu'à ce qu'on eût fermé le tombeau avec le plus grand soin. Mais quand la pierre qui devait le recouvrir eut été posée, le jeune homme disparut; et, ainsi que nous l'avons dit, depuis ce moment on ne le revit plus, et l'on n'entendit plus parler de lui dans toute la Sicile. C'est pourquoi nous avons pensé que c’était l'Ange de la vierge. Ceux qui avaient vu l’inscription en parlèrent, et ce, fait causa une vive impression sur les habitants de la Sicile.
Les Juifs eux-mêmes, aussi bien que les Gentils, partagèrent avec les chrétiens la vénération qu'avaient ceux-ci pour le tombeau d'Agathe.
Sur ces entrefaites, Quintianus, accompagné de sa garde, se mit en route pour aller faire l'inventaire des possessions de la vierge, et pour emprisonner tous ceux de sa famille; mais, par un juste jugement de Dieu, il périt dans les eaux. Comme Il passait un fleuve sur une barque, deux de ses chevaux s'étant mis à hennir l'un contre l'autre et à s'agiter, il y en eut un qui se jeta sur Quintianus et le mordit; l'autre, d'un coup de pied, le renversa dans le fleuve; et l'on n’a pu jusqu'à ce jour retrouver son cadavre. Cet événement augmenta encore la crainte et la vénération que l'on portait déjà à la bienheureuse Agathe; et nul depuis n'a osé inquiéter sa famille.
Mais, afin que l'inscription apportée par l'ange du Seigneur eût son accomplissement, l'année suivante, aux approches du jour anniversaire du martyre d'Agathe, le mont Etna vomit des flammes si épouvantables, que le feu, agissant avec la violence et la rapidité d'un torrent , s'avançait vers la ville de Catane, mettant en fusion la terre et les pierres qui se trouvaient sur son passage. Une multitude de païens descendirent la montagne pour fuir le danger; ils se rendirent au tombeau de la sainte martyre et ayant enlevé le voile qui le couvrait, ils l'opposèrent au feu qui s'avançait vers eux; et à l'instant même la flamme s'arrêta par la permission divine. L'éruption du volcan avait commencé le jour des calendes de février, et elle cessa le jour des nones qui répond à celui auquel fut ensevelie la vierge : notre Seigneur Jésus Christ voulant montrer que c'était en considération des mérites et des prières de la bienheureuse Agathe qu'il avait délivré ces infidèles du péril de mort et d'incendie. Au même Seigneur Jésus Christ soit honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! Amen.