(l'an 64, fête, le 28 avril)
Il fut victime du premier édit de persécution générale, lancé par Néron contre les chrétiens. Néron était bien digne d'ouvrir l'ère des persécutions et de voir son nom figurer le premier dans la série des persécuteurs couronnés. Il avait à son actif des crimes qui le voueront éternellement à lexécration de la postérité. Non content d'avoir fait périr sa mère Agrippine, il fut encore le bourreau de toutes ses femmes successives; il noya lui-même Crispinus, son beau fils, et, sans pitié pour Séneque, qui l'avait initié aux belles-lettres, il obligea son maître à souvrir les veines. Tous les emplois plaisaient à cette âme sordide; il montait sur les tréteaux à ses heures et se faisait cocher dans les jeux du cirque; c'est le grave Tacite qui consigne tous ces détails. Comme passe-temps, il voulut se donner le luxe exquis de mettre le feu aux quatre coins de Rome, le 20 juillet 64, et, pendant que Rome brûlait tout entière, car sur quatorze quartiers quatre seulement restèrent debout, Néron, du sommet dun tour, contemplait ce sinistre spectacle et célébrât sa prouesses scélérates en chantant sur sa Iyre d'or, un poème élégiaque, de sa façon, sur la ruine de Troïe. Comme digne couronnement de ce forfait, il s'avisa à jeter l'odieux de cette calamité publique sur les chrétiens, et lui-même, de cette main qui avait allumé l'incendie, signa un édit de proscription générale. Dans tout l'empire, on ne vit bientôt que chrétiens égorgés. Jamais Satan n'avait trouvé un tel complice ou du moins un pareil chef-d'uvre de sa méchanceté infernale.
En dessinant le portrait de ce triste personnage, nous n'avons pas outré les couleurs; nous avons voulu, par la physionomie d'un seul, faire connaître aussi ce que valent d'ordinaire ceux qui persécutent notre sainte région.
À cette époque néfaste, vivait à Ravenne, en Italie, un noble chevalier du nom de Vital : c'est le nom de notre saint. Il était marié à sainte Valérie et père des saints Servais et Protais; tous les quatre sont honorés comme martyrs. Quelle heureuse et rare famille !
Un jour, qu'on menait au supplice un médecin chrétien du nom d'Ursicin, saint Vital se mêla à la foule. Vaincu presque par les tourments atroces qu'on lui faisait endurer, Ursicin était prêt à apostasier. Ému par ce spectacle, Vital élève la voix : «Malheureux ! s'écrie-t-il, c'est au moment où Dieu Se dispose à te couronner que tu renonces à ta foi ? Reprends donc courage et regarde du côté du ciel.» Ranimé par ces paroles, Ursicin reprend une noble assurance; il affirme sa foi avec une énergie nouvelle, et le martyre vient récompenser sa foi.
Après cela, Vital enlève adroitement le corps du martyr et lui donne la sépulture de ses propres mains.
Le juge, nommé Paulin, avait vu et entendu Vital. Connaissant sa foi chrétienne, il le fait avertir d'avoir à renoncer à sa religion : «Renonce, au contraire, à tes vaines idoles, reprend fièrement Vital. C'est moi qui suis dans la vraie voie; c'est toi qui es dans la voie mauvaise.» Le juge, irrité, fait étendre Vital sur le chevalet : c'était un instrument de supplice en bois, ayant la forme d'un cheval, muni de roues à l'avant et à l'arrière, tournant les unes et les autres en sens opposé, de telle sorte que le patient qui y était attaché avait incontinent ses membres déchirés et disloqués. Vital souffrit cette torture, bénissant toujours le saint nom de Dieu. Enfin, de guerre lasse, le juge le fait amener au lieu même où Ursicin avait péri, et la, après mille objurgations inutiles, il fait creuser une fosse profonde et béante, y fait précipiter le saint et l'ensevelit vivant. Telle fut la digne fin de saint Vital.
L'ÉGLISE DE SAINT VITAL A RAVENNE