COMBAT DE PLUSIEURS MARTYRS, ET D'AZADES, EUNUQUE DU ROI
(L'an 341 de J.-C.)
fêtés le 22 avril
Le jour même du martyre du bienheureux Siméon, la trente-deuxième année de son règne, Sapor tira son glaive terrible et publia le plus sanglant édit : droit fut donné à tous de charger de chaînes et de faire esclave quiconque s'avouerait chrétien. Le tyran ne manqua pas de satellites pour servir ses fureurs : aussitôt une armée de bourreaux, le glaive à la main, attaqua le troupeau des saints. Le meurtre d'un chrétien fut regardé comme une faveur insigne; le soin de les exécuter fut un gage des bonnes grâces du roi. Mais aussi, des âmes dignes de Dieu, des âmes fortes, prêtes à tout souffrir, coururent elles-mêmes au-devant de la mort. L'épée s'enivra du sang des forts; mais l'épée fut vaincue, le glaive émoussé tomba des mains tremblantes des bourreaux, et les martyrs lui insultèrent. Ceux qui l'aiguisaient se lassèrent, ceux qui le maniaient défaillirent. Mais ceux qui combattaient pour la vérité ne succombèrent pas, ne faiblirent pas. La charité alluma ses feux, l'espérance attisa sa flamme. Les brebis elles-mêmes appelèrent le couteau. La croix germa dans des ruisseaux de sang : fortifiés à son aspect, les saints tressaillirent d'allégresse et soufflèrent partout autour d'eux l'ardeur qui leur inspirait au cur la vue de ce signe de victoire.
Depuis la publication de l'édit, c'est-à-dire depuis la sixième heure du vendredi saint jusqu'au dimanche de la seconde semaine de la pentecôte, le carnage ne s'arrêta pas. Ô heureux jour que ces jours du martyre ! Alors les époux du Christ, régénérés dans un second baptême, n'eurent plus à craindre pour l'avenir les souillures du péché : ceux qui s'étaient humiliés pendant quarante jours dans le jeûne et les larmes s'assirent sur des trônes de gloire, et se reposèrent dans une félicité qui ne doit plus finir ! Ô jour heureux, où les prêtres de Dieu, purifiés dans leur propre sang, n'eurent plus besoin des eaux de la pénitence ni du bain des larmes ! Jour heureux, où ceux qui étaient battus par la tempête entrèrent dans un port tranquille, à l'abri des vents et des orages ! Jour heureux, où les hommes s'affranchirent des biens de ce monde et des soins domestiques, où les femmes chrétiennes se virent délivrées enfin de tous ces travaux qui les occupent, et de toutes les sollicitudes de cette vie !
Ainsi donc, dès qu'on eut appris que la persécution était ouverte, les chrétiens accoururent de toutes parts, réclamant l'honneur du martyre. On les égorgeait comme des troupeaux : les satrapes des provinces les plus éloignées en avaient rempli les prisons, en attendant l'édit qui permettrait de les mettre à mort. Le glaive, enivré du sang des saints, en était plus altéré encore; l'épée, rassasiée de leurs chairs, en était plus avide. Les bourreaux et les martyrs étaient également altérés et affamés : le sang coulait à flots pour étancher cette soif, une table abondante était dressée pour apaiser cette faim. Et les bourreaux et les martyrs se jetaient avec une égale avidité sur ce breuvage et sur ces mets : ceux-ci tendaient la tête au glaive, ceux-là aiguisaient le fer; les corps des saints tombaient de tous côtés, la mort rugissait, le sang couvrait la terre, l'enfer tressaillait de joie dans ses abîmes.
On mettait tant de précipitation dans ces affreuses exécutions, qu'on les égorgeait sans aucun examen préalable, sur le seul nom de chrétien. C'est ainsi qu'un eunuque chéri du roi, nommé Azades, périt dans la foule des martyrs, après avoir confessé Jésus Christ. Quand le roi l'eut appris, il en conçut une vive douleur et publia sur-le-champ un édit pour arrêter ces exécutions en masse, et prescrire d'informer seulement contre les chefs de la religion de Jésus Christ.
Cette persécution moissonna une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants dont les noms ne nous sont pas parvenus, excepté ceux qui souffrirent le martyre dans la ville royale. Beaucoup aussi étaient étrangers à la Perse et originaires d'autres pays.
Beaucoup de soldats des armées du roi, qui confessèrent glorieusement Jésus-Christ, grossirent aussi le nombre des martyrs.