LES ACTES DE SAINT MYRON, PRETRE


(Vers 250 ap. Jésus Christ)

fêté le 17 août


Au jour de l'Épiphanie de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ, lorsqu'Il Se manifesta au monde dans la chair qu'Il avait prise, au sein de la très pure Vierge et Mère de Dieu; en ce jour que nous appelons aussi la Naissance du Christ, et que, dans toute lÉglise catholique, les chrétiens célèbrent avec piété et splendeur, un monstre odieux et sacrilège, qui avait reçu de l'empereur Décius le gouvernement de l’Achaïe, Antidater, pénétra dans l'église des chrétiens, à la tête d'une multitude de soldats; et, comme une bête sauvage dans la bergerie , il dissipa, le troupeau des fidèles et en arrêta un grand nombre. Aussitôt le prêtre de cette église, Myron, à qui sa naissance , sa pieuse bonté pour tous et la gravite de ses moeurs attiraient l'amour et le respect, avait sacrifié toute crainte à son amour pour le Christ, et, s’avançant courageusement au-devant du proconsul, il lui avait reproché la folie de son sacrilège et la barbarie de ses desseins, qui le rendaient semblable à une bête sauvage.
Ensuite, s'étant tourné vers les fidèles : «Frères, leur avait-il dit, vous les amis du Christ, demeurez généreusement fermes dans la pureté de votre foi. Qu'aucun de vous ne fléchisse ni aux menaces du tyran, ni à ses promesses. Dieu est avec nous pour nous défendre, et en même temps Il nous promet une récompense immortelle, que rien ne saurait flétrir.» Ainsi, par ces discours, il fortifiait le courage de la multitude. Mais le cruel Antidater ordonna qu'on l'arrêtât, quoiqu'il eût été autrefois son ami, et qu'ils eussent vécu tous deux dans une grande familiarité. Il fit dresser son tribunal sur le forum, près du temple de Bacchus, et ordonna qu'on lui amenât le saint prêtre. Là, après lui avoir reproché la témérité audacieuse de sa parole, il lui dit : «Myron, sacrifie aux dieux immortels, si tu ne veux pas périr misérablement de la mort des malfaiteurs.»
Myron reprit : «Je sacrifierai, mais à mon Dieu, une hostie de louange; car, pour les démons et vos statues muettes formées par la main des hommes, Myron jamais ne leur offrira de victimes.» Aussitôt on le suspendit à un poteau; et, le long de son corps, on promena sur tous ses membres un instrument tranchant, en l'appuyant avec tant de violence, que, sous lui, la terre fut inondée de sang. Incapable d'un sentiment de pitié, le cruel gouverneur fit allumer dans une fournaise un grand feu avec de la poix, de l'huile et des sarments, pour le rendre plus affreux. Puis, faisant descendre le prêtre de son poteau, en face de ces flammes ardentes, il lui dit : «C'est là, Myron, que je te ferai jeter pour y être brûlé, si tu n’honores pas les dieux.» «Non, injuste tyran, reprit le martyr, chrétien dès mon enfance, puis serviteur et prêtre du Christ, je ne sacrifierai point à tes dieux.»
Alors Antidater ordonna qu'on le jetât dans le feu; mais Myron s'avança de lui-même, en répétant cette prière : «Seigneur, abaissez les regards sur vos serviteurs qui prient, et délivrez-nous pour la gloire de votre Nom, de peur que l'ennemi ne dise : «Victoire, victoire, mes yeux l'ont vu !» Pendant qu'il parlait ainsi, on le jetait dans le feu; mais alors on vit un grand prodige - le saint se promenait dans la fournaise comme il eût fait, sur un gazon humide de rosée, et il chantait un hymne de triomphe, tandis que les spectateurs les plus voisins de cette scène étaient envahis par les flammes, qui en firent périr un grand nombre. Témoin du miracle, le proconsul lui-même resta frappé de stupeur; il s'éloigna tout tremblant, après avoir ordonné d'emmener le saint et de le tenir en prison. Cependant le lendemain il le fit comparaître de nouveau, et lui ordonna encore de sacrifier; puis, comme le prêtre n'obéissait pas, il le fit écorcher tout vivant. Des bourreaux le saisirent, et avec le fer, sur tous ses membres, taillèrent sa peau sans pitié, en arrachant ensuite de longues lanières, depuis les épaules jusqu'aux pieds. Mais, ô sagesse magnanime ! ô courage d'une grande âme ! le martyr chantait : «J'ai attendu avec patience, j'ai attendu le Seigneur; et il S'est abaissé vers moi, et Il a exaucé mes prières.»
Et en chantant ainsi, non seulement son courage ne faiblit pas; mais encore, détachant lui-même un lambeau de ses propres chairs, il le jeta au proconsul, en disant : «Chien cruel, avide de sang, reçois cette pâture; tu as faim de chair humaine, mange.» A ces paroles, la colère du tyran s'enflamma, et il ordonna qu'on déchirât avec des ongles de fer ce qui restait encore du martyr. Bientôt le dernier débris de ses chairs tombe à terre, et l'on ne voit plus qu'un squelette avec ses os à nu et leurs articulations; les entrailles elles-mêmes et les organes intérieurs de la vie sont pareillement à découvert : spectacle lamentable, capable d'émouvoir les coeurs les plus durs. La nature même inanimée ne le vit pas sans horreur. Pour le martyr, il priait : «Ô vous qui régnez dans les siècles, disait-il, exaucez-moi. Toutes les puissances angéliques vous glorifient, ô Christ, Roi de l'univers. Venez assister votre serviteur, et faites-moi participer à vos trésors infinis.» Aussitôt une voix vint du ciel; elle disait : «Un lieu de paix et de bonheur t'est réservé, parce que tu as consommé ta course et conservé ta foi.»
Cette voix fut entendue du barbare gouverneur, qui n'y vit que l'oeuvre des enchantements. «Tête maudite, s'écriat-il, sacrifie aux dieux; sinon, tu seras jeté aux bêtes, et toutes les opérations de ta magie ne pourront te secourir.» «Non, je ne sacrifie pas, répondit le martyr; je suis chrétien.» A ces mots, on le reconduisit en prison, et l'on prépara les bêtes. Le lendemain, le martyr fut introduit dans le stade. Le cruel Antidater, en le voyant avec un corps vigoureux et entier, sans traces de blessures, le visage joyeux et rayonnant d'une merveilleuse beauté, dit pour la seconde fois : «Tes enchantements, ô Myron, sont puissants et nombreux c'est pourquoi, pour éviter de devenir la pâture des bêtes, sacrifie à Bacchus, et renonce à ton art.» Mais le martyr, ne se laissant point persuader par les paroles d'un persécuteur plus cruel que les monstres dont on le menaçait. On lança contre lui une lionne; elle accourt aussitôt aux pieds du saint, le caresse de sa langue, comme si elle eût voulu lui donner un baiser; puis, ô merveille ! avec ses dents elle coupe les liens du martyr.
La foule des spectateurs, comprenant à cette vue la puissance du Christ, s'écria : «Il est grand le Dieu que Myron nous prêche; proconsul, renvoie un innocent que, les bêtes elles-mêmes ont respecté; elles le donnent l'exemple.» Le proconsul, effrayé et craignant un soulèvement contre lui, envoya le saint à Cyzique, avec ordre au gouverneur de la ville d'en finir avec lui par le glaive. Ce gouverneur, en le recevant avec les actes de ses interrogatoires, essaya d'abord de le gagner; puis, voyant ses efforts inutiles, il prononça contre lui la sentence. On dit qu'Antipater, obsédé par le démon, se donna la mort. Pour toi, glorieux martyr, ô Myron, le fer abattit ta tête vénérable et sacrée; et les fidèles amis de Dieu t'ensevelirent avec honneur, pour la gloire de l’indivisible Trinité, du Père et du Fils et de l'Esprit saint, à qui est dû l'honneur et l'adoration, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.