LES ACTES DE SAINT MAGNUS

(Sous Aurélien, 270-275)

fêté 1er des calendes de septembre

Magnus avait été nourri dans la loi chrétienne par ses parents. Après que la mort les lui eut enlevés, il ne cessa point, pour cela, de faire des progrès dans la foi du Christ, accomplissant les préceptes de la Loi du Seigneur, vivant en paix avec le prochain, et s'adonnant à la prière et aux désirs du ciel. Un jour, une voix céleste se fit entendre et lui dit : «Mon serviteur Magnus, ne crains rien, Je suis avec toi.» Plusieurs fidèles, qui entendirent cette voix, en furent ravis d'allégresse. Mais les païens, qui en conçurent de l'appréhension, le mirent en prison; car, sous le règne de l'empereur Aurélien, qui persécutait les adorateurs du Christ, on avait publié par tout l'univers un décret portant que les chrétiens eussent à sacrifier aux idoles, et que ceux qui mépriseraient cette injonction, seraient punis par les supplices.
Or, le bienheureux Magnus demeura quatre jours en prison; il y priait le Seigneur, les genoux en terre, et disait : «Seigneur Dieu tout-puissant, Dieu de nos pères, exauce-moi ton serviteur, et ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu.» Ce terme expiré, le président donna l'ordre de le tirer de prison et de l'amener à son tribunal. Lorsqu'il fut en sa présence, le président lui dit : «Sacrifie aux dieux.» Magnus répondit : «Je t'ai déjà dit et je te répète que je suis chrétien, et que je ne sacrifierai point aux démons.» Le président : «Tu as peut-être une telle confiance en ton art magique, que tu espères, par sa vertu, surmonter l’ardeur du feu. Sacrifie donc aux dieux.» Magnus : «À quels dieux veux-tu que je sacrifie ?» Le président : «Au soleil, à Mercure et à Apollon.» Magnus : «Il est juste, selon toi, de sacrifier à Apollon, parce que ceux qui lui offrent des sacrifices perdront leurs âmes; car le mot Apollon (en grec) signifie perdition.» Le président, entendant cela, ordonna de le jeter dans une fournaise ardente, et il dit aux prêtres Alexandre et Cosimos : «Prenez-le devant moi, et allez le jeter dans la fournaise, afin qu'il soit consumé par le feu.»
Les prêtres, s'étant saisis de sa personne, le conduisirent en un lieu où se trouvait une fournaise qu'on avait allumée. Alors le bienheureux Magnus, levant les yeux au ciel, dit : «Seigneur, mon Dieu, exauce ton serviteur qui souffre ce tourment pour ton Nom, et fais-moi la grâce de persévérer dans la confession de ta foi tout entière. Délivre-moi de ce feu par lequel ces méchants veulent m'éprouver, afin que tous ceux qui ne vous connaissent pas sachent et croient que vous êtes le seul Dieu plein de gloire dans le monde entier.» Quand il eut achevé sa prière, il se signa au Nom du Christ; et les bourreaux l'ayant jeté dans la fournaise, le feu s'éteignit soudain. Le bienheureux Magnus demeura trois jours dans cette fournaise et glorifiait le Seigneur, en disant : «Je Te rends grâces, Seigneur, de ce que, comme Tu as daigné visiter les trois enfants dans la fournaise et les délivrer de l'ardeur des flammes, de même aussi vous avez bien voulu protéger votre serviteur.» Le quatrième jour, le président fit ouvrir la fournaise, et on trouva le martyr sain et sauf. Alors le président, transporté de fureur, commanda qu'on chauffât la fournaise beaucoup plus qu'on ne l'avait fait la première fois. Mais le saint Esprit descendit du ciel sous la forme d'une colombe et éteignit le brasier; et la flamme, s'écartant de chaque côté de la fournaise, ne toucha point le martyr et ne lui fit aucun mal. Cinq jours après, le président fit ouvrir la fournaise, afin d'en retirer les ossements du confesseur, et une multitude de soldats y accourut pour voir ce qui lui était arrivé. Mais ils l'entendirent psalmodier et chanter les louanges de Dieu. Frappés de ce prodige, ils retournèrent vers le président et lui dirent : «Seigneur président, cet homme n'est point magicien; mais son Dieu est grand.» Le président, à cette nouvelle, admira comment un feu si ardent ne l'avait point endommagé, puis il ajouta : «Sa magie a peut-être eu encore le dessus.» Et il dit à ses satellites : «Amenez-le-moi.»
Lorsque les soldats ouvrirent la fournaise, ils aperçurent avec lui comme des milliers d'êtres vivants, que les chrétiens reconnurent pour une multitude d'anges. Or, Magnus était assis au milieu de la fournaise et glorifiait Dieu. Les soldats lui dirent : «Magnus, sors de là, le président t'appelle.» Comme il sortait, les anges se retirèrent. Lorsqu'il fut devant le président, celui-ci lui dit : «Qu'est-ce donc que cela, Magnus ? comment ta magie a-t-elle pu faire que le feu n'ait pu te nuire ? Voyons, explique-moi de quelle manière la flamme s'est éteinte; je te promets de ne te faire aucun mal; bien plus, j'ordonnerai de te mettre en liberté.» Magnus répondit : «J'ai fait le signe de la croix, et par la vertu de mon Seigneur Jésus Christ, le feu s'est éteint à mes côtés.» Le président lui dit encore : «Dis-moi la vérité : comment tes maléfices ont-ils éteint un si grand feu ?» Magnus répondit : «Je ne fais pas de maléfices; mais je suis chrétien, et j'en rends grâces à mon Dieu.» Le président Alexandre dit aux chefs des veneurs : «Amenez-moi plusieurs bêtes de diverses espèces, afin qu'elles le dévorent.»
Les veneurs, ayant exécuté les ordres du président, introduisirent le bienheureux Magnus dans l'amphithéâtre, et lâchèrent sur lui un ours très-cruel. Mais l'animal accourut aussitôt, se coucha par terre et lui léchait les pieds. On envoya ensuite un léopard, qui courut sauter à son cou, l'embrassa, et avec sa langue essuyait la sueur de son visage. Le président, voyant que les bêtes ne lui faisaient aucun mal, commanda à ses veneurs de prendre à la chasse le lion le plus féroce qu'ils pourraient trouver, quelque temps qu'ils y employassent, afin de se défaire ainsi du martyr du Christ. Les chasseurs, obéissant à ses ordres, prirent un lion d'une taille prodigieuse et l'amenèrent près de la ville; puis on alla annoncer au président qu'un lion énorme était renfermé dans la loge. Le président en fut ravi d'aise, et ordonna de lâcher ce lion sur le saint martyr. Comme les satellites, saisis de frayeur, différaient d'exécuter ces ordres, le lion sortit de lui-même, descendit dans la ville en rugissant et en frémissant, mais sans faire de mal à personne, et courut vers l'amphithéâtre, où il entra. Le bienheureux Magnus l'apercevant lui dit : «Créature de Dieu, c'est à cause de toi que je languis dans l'attente.» Tandis qu'il parlait ainsi, les anges fermèrent les entrées de l'amphithéâtre, qui était rempli de peuple, en sorte que personne ne put sortir; le lion se rua sur la multitude, et mit en pièce, beaucoup de païens; il n'y eut que le président et ses officiers qui furent épargnés. Le sang coulait de toutes parts dans l'arène; mais le cruel juge ne se convertit point pour cela; car Dieu avait endurci son cœur. Le bienheureux Magnus commanda alors au lion de se retirer.
Le président appela Magnus, et lui dit : «Écoute-moi, sacrifie aux dieux, ainsi que l'empereur l'a prescrit; autrement, tu périras dans les supplices.» Magnus répondit : «Hypocrite et fauteur des démons, tu ne tenteras point un serviteur de Dieu; car je sers le Dieu vivant qui règne dans les cieux, et le Seigneur mon Dieu ne m'abandonnera jamais.» Comme il parlait ainsi, le président courroucé lui dit : «Écoute, Magnus, j'ai un lion très-féroce; si tu ne sacrifies aux dieux, je vais te faire déchirer par lui, et il te brisera les os.» Magnus répondit : «Je ne sacrifie point aux démons qui habitent en toi; car il est écrit : Ceux qui sacrifient aux démons, et non à Dieu, seront exterminés.» Le président se leva, s'en alla à l'arène, et donna l'ordre aux veneurs de lâcher le lion sur Magnus : ce qu'ils firent à l'instant. Le bienheureux Magnus se promenait au milieu de l'amphithéâtre, et regardant le ciel, il glorifiait Dieu. Lorsque le lion fut venu près de lui, il se jeta à ses à pieds et les léchait. Le peuple, voyant que le lion ne l'attaquait pas, se mit à vexer le président par des sifflets, des cris et des injures, lui disant : «Ôte ce magicien du milieu de nous.» Et ramassant des pierres, ils lapidèrent le bienheureux martyr, jusqu'à ce qu'ils en eussent accumulé une montagne sur lui; et le croyant mort, ils se retirèrent dans leurs maisons. Un peu après, le silence régnant en ce lieu, le bienheureux Magnus se leva sans blessures, et bénissait le Seigneur. Et aussitôt une voix vint du ciel qui lui dit : «Viens, Magnus, viens te réjouir avec tes frères les saints dans le paradis, après que tu as si bien triomphé de toutes les attaques de l'ennemi; l'Esprit saint te recevra et te conduira dans le lieu du repos.» Alors le bienheureux Magnus, bénissant le Seigneur et lui rendant grâces, dit : «Seigneur Dieu, ne leur imputez pas à péché le mal qu'ils m'ont fait; mais recevez mon âme dans la paix.» Et après cette prière, il rendit l'esprit. Les chrétiens enlevèrent son corps et le déposèrent dans un sarcophage neuf.
Il souffrit à Césarée, en Cappadoce, sous l'empereur Aurélien et le président Alexandre, le 1er des calendes de septembre.